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181. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

Tant qu’il vécut, on vit dans sa personne un exemple frappant de la bizarrerie de nos usages : on vit un Citoyen vertueux, réformateur de sa Patrie, désavoué par sa Patrie, et privé des droits de Citoyen ; l’honneur véritable séparé de tous les honneurs de convention ; le génie dans l’avilissement, et l’infamie associée à la gloire : mélange inexplicable, à qui ne connaîtrait point nos contradictions, à qui ne saurait point que le Théâtre respecté chez les Grecs, avili chez les Romains, ressuscité dans les États du Souverain Pontifea, redevable de la première Tragédie à un Archevêqueb, de la première Comédie à un Cardinalc, protégé en France par deux Cardinauxd, y fut à la fois anathématisé dans les Chaires, autorisé par un Privilège du Roi, et proscrit dans les Tribunaux. […] Mais que Molière eût traité ce sujet, il l’eût dirigé vers un but philosophique ; il eût peint la destinée d’un vieux garçon, qui n’inspirant un véritable intérêt à personne, est dépouillé tout vivant par ses collatéraux et ses valets. […] Chez lui jamais de ces Marquis burlesques, de ces vieilles amoureuses, de ces Aramintes folles à dessein ; personnages de convention parmi ses successeurs, et dont le ridicule forcé ne peignant rien, ne corrige personne. […] S’il a mis sur la Scène des intrigues avec de jeunes personnes, c’est qu’alors on s’adressait à elles plutôt qu’à leurs mères, qui avaient rarement la prétention d’être les sœurs aînées de leurs filles.

182. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Vous avais-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulais vous donner pour maris ?  […] Ils haïssent seulement : La science et l’esprit qui gâtent les personnes, qui dessèchent le cœur d’Armande, lui font mépriser le mariage, prendre en horreur non pas absolument l’époux, mais les enfants et le ménage ; qui mettent un mauvais orgueil au cœur de Philaminte, l’entraînent à malmener son bon homme de mari, achèvent de rendre folle la pauvre Bélise comme ils ont rendu Cathos et Madelon ingrates et ridicules. […] Derrière les grilles, la personne humaine cesse d’être libre, la femme voit sa beauté se faner sans profit, son âme se dessécher ou s’abêtir. […] Par malheur, il se trouve avoir auprès de lui deux personnes auxquelles il « n’en imposera » jamais : sa bonne bourgeoise de femme, et sa mâtine de servante, Nicole. […] Que le dessein de vivre en honnête personne Dépend des qualités du mari qu’on lui donne… Et qui donne à sa fille un homme qu’elle hait Est responsable au ciel des fautes qu’elle fait.

183. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. De l’Entr’acte. » pp. 289-308

Allons commettre un autre au soin que l’on me donne, Et prenons le secours d’une sage personne. […] Je ne décide point si les entr’actes d’Eugénie sont bons ou mauvais ; mais il m’ont paru très contraires au goût, tout-à-fait hors de la nature & de la vraisemblance, d’autant plus dangereux que l’Auteur les établit avec adresse, & qu’avec beaucoup d’esprit on peut non seulement persuader, mais éblouir les personnes qui ne veulent pas se donner la peine de réfléchir, ou qui ont encore de meilleures raisons pour n’en rien faire. […] Elle ôte ensuite de la malle quelques ajustements & un chapeau galant de sa maîtresse, qu’elle essaie avec complaisance devant une glace, après avoir regardé si personne ne peut la voir.

184. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXIX. De l’action dans les Pieces à caractere. » pp. 448-468

Si toutes les personnes qui ont devancé le héros sur la scene doivent nous entretenir de lui ; si, après l’avoir vu, tout ce qui l’entoure & ce qui se fait autour de lui doit nous le rappeller ; il est bien plus essentiel que le caractere, une fois sur le théâtre, ne dise & ne fasse que des choses propres à continuer de le peindre. […] Valere lui dit qu’il a raison, parcequ’il ne sauroit avoir tort ; mais qu’on ne doit point précipiter les choses, qu’il ne faut point forcer les inclinations des jeunes personnes, &c. […] Plusieurs personnes soutiennent qu’il ne faut presque point d’action dans une comédie de caractere.

185. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

La troupe se composant de dix personnes, chacune d’elles avait au moins cinq cents écus d’assuré. […] Scaramouche est chargé de l’éducation d’un fils de famille qui suit une intrigue amoureuse avec une jeune personne du voisinage. […] Il monte, en effet, trouve la jeune personne endormie.

186. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Du Choix du Titre. » pp. 94-102

L’intrigue roule sur quelques personnes que les vendanges réunissent, le titre est donc bon. […] Dans la premiere piece, ce que disent, ce que font les acteurs principaux ne vaudroit rien s’ils n’étoient réellement des Procureurs en vacances, ou des personnes à-peu-près de leur état ; le titre va donc au sujet.

187. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. De la liaison des Scenes. » pp. 250-260

Puisque l’idée de l’orchestre m’est venue, & que j’ai résolu de me rendre intelligible à toutes sortes de personnes, je prétends que l’orchestre peut très bien faire connoître les scenes qui ne sont pas enchaînées l’une à l’autre : en conséquence faisons la preuve de la preuve même, & revenons pour cet effet au double exemple que j’ai cité plus haut. […] Il faut nécessairement préparer & amener d’un peu loin un autre personnage, qui, à l’aide d’un monologue, mette une distance vraisemblable entre les personnes qui ne doivent pas se trouver ensemble.

188. (1769) Idées sur Molière pp. 57-67

Il ne voit pas que le prodige de ton art est d’avoir montré le Misanthrope de manière qu’il n’y a personne, excepté le méchant, qui ne voulût être Alceste avec ses ridicules. […] Et personne ne le disait plus haut que ceux qui ne savaient ni faire rire ni faire pleurer.

189. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « epigraph »

On disputera fort et ferme de part et d’autre, sans que personne se rende.

190. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. Des Pieces intriguées par un Valet. » pp. 125-134

Pendant cette jolie manœuvre, le jeune guerrier voit à Thebes, parmi les prisonnieres, une jeune personne qui cache son nom. […] Il est clair qu’il faut des courtiers aux amants assez malheureux pour ne pouvoir faire l’amour de plain-pied : à qui s’adresseront-ils donc, si ce n’est aux personnes qui les entourent ?

191. (1838) Du monument de Molière (Revue de Paris) pp. 120-

On l’a du moins compris ainsi, et voilà pourquoi, excepté les comédiens et quelques souscripteurs qui ne sont jamais tant hommes de lettres qu’un jour de souscription, personne n’a déboursé un petit écu enthousiaste pour le monument de Molière. […] Qu’on défende aux journalistes de nommer Molière, dans leurs feuilletons, pendant dix ans, et dans moins de dix ans vous n’en serez plus aux regrets de n’avoir rencontré personne pour remplacer Molière.

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