Si la scene n’avoit pas des regles plus difficiles, les Auteurs brilleroient à peu de frais, & il leur seroit aussi impossible d’en faire de mauvaises, qu’il est rare d’en produire de bonnes. […] vont s’écrier les personnes qui, ne jugeant que sur parole, croient le Misanthrope sans défaut, & le mettent au-dessus de toutes les pieces de Moliere, parceque Boileau a dit : Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnois plus l’Auteur du Misanthrope. […] Je la passerois si le Misanthrope étoit la derniere bonne piece de notre Auteur ; mais il a fait après elle les Femmes savantes, l’Avare, le Tartufe : & je conclus de là, avec toutes les personnes sensées, que l’exclamation de Moliere, Ah ! […] J’ai vu des comédiens qui, en jouant les rôles de la Fleche & de Maître Simon, ne croyoient pas apparemment la cause de leur fuite assez bien marquée par l’Auteur, & qui répétoient en fuyant, pendard !
Quelle était alors sa préoccupation secrète, mystérieuse, outre ses essais comme acteur et auteur ? […] Mais entre le roi et la foule, que de Messieurs, que de dames, que de graves auteurs, que d’importants seigneurs blessés, piqués, outragés, que d’honneurs à venger ! […] La pièce enfin est déclarée un attentat contre la souveraineté de Dieu; et, si on laisse vivre l’auteur, si le roi ne protège pas le ciel contre sa rébellion, tout est perdu ! […] N’était que la reproduction d’une boutade qui, un jour avait échappé, en sa présence, à l’auteur des Satires. […] La ville entière, durant trois mois, par son empressement, par ses bravos et son enthousiasme, vengea l’auteur de toutes les cabales.
Les Auteurs n’ont d’autre mérite que celui de les avoir indiquées. […] Les Auteurs de l’Histoire du Théâtre François assurent que le dialogue des premieres scenes des Fourberies ressemble tout-à-fait à celui des deux premieres scenes de la Sœur, comédie de Rotrou. Il y a en effet un endroit où les deux Auteurs ont donné à leur dialogue la même coupe, la même vivacité. […] De cette façon l’illusion augmente, & sur-tout le jeu théâtral, partie bien précieuse, puisque les applaudissements que l’acteur reçoit reviennent à l’Auteur. […] Ne seroit-il pas possible à un Auteur de lier toutes les beautés de la piece de Térence à celles que Moliere a mises dans la sienne ?
Celui qui entreprendrait cet ouvrage y rassemblerait tous les beaux préceptes d’Aristote, de Cicéron, de Quintilien, de Lucien, de Longin et des autres célèbres auteurs. […] S’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein. […] Elles l’encouragent, elles le consolent, elles lui présentent le tableau idéal d’une perfection qui rendrait la critique même l’égale des choses inventées, par la raison que dit encore La Bruyère : « Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. […] Enfin, et ceci est une critique à faire aux pédants (meâ culpâ), armés de citations dans l’une et l’autre langue ( utriusque linguæ , disait Horace) : « Ne paraissez pas si savant, de grâce ; humanisez votre discours et parlez pour être entendu. » Qui voudrait avoir le secret de la critique appliqué à l’art du théâtre, se pourrait contenter d’étudier et de méditer La Critique de l’École des femmes ; il y trouverait les meilleurs et les plus utiles préceptes de prudence, de modération, de finesse, et comme dit un de nos vieux auteurs : En délectant profiteras. […] Régnier, un des plus charmants comédiens du Théâtre-Français, dans une lettre adressée à M. le ministre de l’intérieur, avait indiqué cet emplacement au monument que la Ville de Paris devait élever à l’auteur du Misanthrope !
La profondeur de ses études sur le vice et sur la passion se retrouvent dans Athalie et Mathan. « Nous n’aurions que cette seule pièce, dit notre auteur, nous devinerions tout Racine. » « Indépendamment de cette sève nouvelle dans la création des caractères, continue t-il, la poésie déborde, toujours sans nuire à l’éloquence, dans les situations et les tableaux. […] Ils sont aux aguets, prêts à dépasser les intentions de l’auteur et à faire retomber sur le modèle ce qui ne doit atteindre que l’imitation. […] C’est un Ariste, un pédagogue chargé de diriger le parterre et de l’empêcher de tirer de la pièce une leçon contraire aux intentions de l’auteur; mais le parterre est un écolier mutin et très indocile, qui se fait sa leçon à lui-même et n’entend pas qu’on la lui fasse. […] De même que l’auteur des Pensées repousse tous les divertissements, tout ce qui détourne et amuse, et que de vive force il ramène l’homme en présence des réalités redoutables de la mort et de l’éternité, de même Alceste condamne tous les ménagements et ne connaît d’autre loi que la loi de la sincérité, en tout et partout. […] Hâtons-nous de dire que ce dernier volume publié de Vinet, composé de fragments de l’auteur et, en très grande partie, d’un texte emprunté aux cahiers de ses étudiants, ne peut être cité que sous toutes réserves.
L’éternel attrait des pièces de Molière, c’est que l’auteur ne s’y montre pas, c’est que nous ne voyons que ses personnages, et dans ses personnages l’humanité tout entière. […] Toutefois, le goût dramatique s’était développé en lui avant d’instinct du moraliste : comme auteur il tâtonna longtemps avant de trouver un terrain digne de lui ; il improvisa pour divertir la foule quelques pièces bouffonnes à la manière des Italiens, qu’il imitait encore dans L’Étourdi et dans Le Dépit amoureux. […] Lié dès lors et comme enlacé à la vie de théâtre par ses goûts d’acteur, par ses succès d’auteur, et aussi, il faut bien l’avouer, par ses faiblesses d’homme, il comprit enfin que la tâche unique d’amuser ses contemporains était un rôle vulgaire, que la scène où il était monté devait être élevée et épurée, et qu’elle pouvait devenir une école pour réformer les travers de l’esprit et les vices du cœur, ou, tout au moins, pour les déconcerter par le ridicule. […] Cette ruse de l’esprit, qui se cache avec le secret désir d’être surpris, tient au caractère de l’auteur, et il ne l’emploie guère que lorsqu’il parle en son propre nom.
Notre auteur, charmé d’abord de l’aisance pleine de grâce du jeune aspirant, fut plus étonné encore du talent avec lequel il débitait. […] Molière était déjà chef de troupe lorsqu’il se fit connaître comme auteur. […] L’auteur italien, Cigognini, poète de peu de renom, et en tout cas bien inférieur à Molière, n’a point mal rendu cette situation remarquable. […] À nos yeux il ne trahit ni le vice du sujet, ni l’impuissance de l’auteur, mais bien les périls de l’entreprise. […] Ménage, qui n’en connaissait pas l’auteur, le déclara du plus mauvais goût, sur quoi les deux poètes se dirent des choses très vives.
Ils l’ont saisi d’abord et avant qu’il ait eu le loisir de les trouver mauvais; il les a loués modestement en ma présence, et il ne les a pas loués depuis devant personne : je l’excuse et je n’en demande pas davantage à un auteur; je le plains même d’avoir écouté de belles choses qu’il n’a point faites 7 . » Et, de vrai, cela se comprend dans une carrière où l’imagination est continuellement surexcitée, où il faut créer sans cesse et avec le plus d’esprit possible, où il est nécessaire de plaire à un public. […] Si vous consultez nos auteurs, Législateurs et glossateurs, Justinian, Papinian, Ulpian et Tribonian, ’ Fernand, Rebuffe, Jean Imole, Paul Castre, Julian, Barthole, Josan, Alciat et Cujas, Ce grand homme si capable, La polygamie est un cas Est un cas pendable.
L’Auteur va nous dire s’il eut lieu de s’en féliciter ou de s’en repentir. […] Elle est bâtie sur le même fonds ; l’Auteur avoit les mêmes ressources. […] Devant nous querelle s’est mue Pour une piece assez connue, Et qui vient d’Auteur assez bon, Moliere, notre mignon. […] Permettons à chacun d’en rire ; Défendons à tous d’en médire ; Et déclarons que son Auteur Dans son style a de la douceur, De la netteté, de la grace ; Qu’avec tant de nature il trace Les sujets & les passions, Et débite des mots si bons, Qu’un esprit bien fait, quoi qu’on die, Doit admirer sa comédie, Et le prendre, tout bien compté, Pour Térence ressuscité. […] L’Auteur de cet arrêt avoit placé la scene & ses personnages sur le théâtre du Palais Royal.
Dans la Métromanie, ouvrage qui immortalisera son Auteur, on est enchanté lorsqu’on voit le héros emprunter jusqu’à son nom de la manie qui le domine. […] de l’Empyrée amoureux d’une beauté imaginaire qui l’a charmé par les vers ingénieux qu’elle met dans le Mercure ; lorsqu’il croit les Muses attristées parcequ’il a perdu ses tablettes ; lorsqu’il se déclare malgré lui pour l’Auteur de la piece nouvelle ; sur-tout lorsqu’il seche dans l’impatience d’apprendre le succès de son ouvrage. […] De quel front, à quel titre oserois-je m’offrir, Moi, misérable Auteur, qu’on viendroit de flétrir ?
Une piece italienne, jouée à l’in-promptu par les Comédiens Italiens sous le titre d’Arlichino Medico volante, Arlequin Médecin volant, sembla si plaisante à nos Auteurs François, que plusieurs s’empresserent de la traduire, pour la donner sur différents théâtres. […] Il est aisé de voir que Moliere a pris de l’Auteur Italien la feinte maladie de l’héroïne, le déguisement de l’amoureux, les impertinences que Sganarelle dit en parlant à tort & à travers d’Hippocrate & des matieres de la malade, d’une façon moins grossiere pourtant qu’Arlequin & Crispin : il lui doit aussi le lazzi de tendre la main derriere le dos pour recevoir de l’argent, & l’enlevement de la fausse malade ; mais la vengeance de la femme, & l’idée si singuliere de faire un Médecin à grands coups de bâton, sont puisées dans une histoire connue en Russie vingt ans avant que Moliere fît un Médecin malgré lui.