Auteur comique il est, et cela lui suffit ; et n’étant que cela, il se trouve être à mes yeux le plus grand, le plus extraordinaire, le plus complet des génies dramatiques passés, présents et futurs. […] Cette petite fenêtre que Momus, le mythologique railleur, regrettait que les dieux n’eussent pas pratiquée dans la poitrine de l’homme afin qu’on pût savoir ce qui se passait là, — cette petite fenêtre, Molière l’a ouverte, lui, il y a mis l’œil du maître, et rien ne lui a échappé. […] Quand il parle de sa flamme, lui, c’est dans un autre style, quoiqu’il en die ; et ce n’est pas sur cet air là qu’il exprime à Célimène … l’excès prodigieux De ce fatal amour né de ses traîtres yeux ! […] que vous savez bien ici contre moi-même, Perfide, vous servir de ma faiblesse extrême, Et ménager pour vous l’excès prodigieux De ce fatal amour né de vos traîtres yeux ! […] Rendez-moi, s’il se peut, ce billet innocent ; À vous prêter les mains ma tendresse consent… Il fermera les yeux sur Oronte !
Semblable à ces déesses des anciennes épopées qui apparaissaient aux mortels, elle enchante nos yeux, subjugue nos cœurs ; mais, si nous voulons la saisir, nous embrassons une nuée. […] Croyez-vous que nous eussions aussi bien vu cela, si le poète avait fait arriver sous nos yeux ce qu’il fait raconter ? […] Serait-ce qu’elle compare aujourd’hui leurs œuvres à cet idéal devenu clair à ses yeux, et la netteté de cette intuition est-elle cause que ses sentiments actuels sont justes ? […] Uranie leur dira-t-elle : Vous êtes des aveugles qui me priez de vous montrer le soleil ; allez-vous faire ouvrir les yeux, et vous n’aurez pas besoin que je vous le montre ? […] Mais c’est une étrange entreprise que celle d’ouvrir les yeux à des malades qui croient voir mieux que leur médecin.
La ressemblance de nos traits trompoit l’œil même de ma mere. […] Margiste saisit ce moment pour la dérober à tous les yeux & faire courir le bruit de sa mort. […] Il n’est point de serpent ni de monstre odieux Qui par l’art imité ne puisse plaire aux yeux.
Il faut convenir que personne n’a reçu de la Nature plus de talents que M. de Molière pour pouvoir jouer tout le genre humain, pour trouver le ridicule des choses les plus sérieuses, et pour l’exposer avec finesse et naïveté aux yeux du public. […] Mille de ces beaux traits aujourd’hui si vantés Furent des sots esprits à nos yeux rebutés. […] Le même auteur voyant Molière au tombeau dépouillé de tous les ornements extérieurs dont l’éclat avait ébloui les meilleurs yeux, durant qu’il paraissait lui-même sur son théâtre, remarqua plus facilement ce qui avait tant imposé au monde, c’est-à-dire, ce caractère aisé et naturel, mais un peu trop populaire, trop bas, trop plaisant et trop bouffon. […] Nous avons vu la plus célèbre des pièces de Molière ; mais ceux qui souhaiteront voir la plus scandaleuse, ou du moins la plus hardie, pourront jeter les yeux sur le Tartuffe, où il a prétendu comprendre dans la juridiction de son théâtre le droit qu’ont les ministres de l’Église de reprendre les hypocrites, et de déclamer contre la fausse dévotion.
mes sens s’évanouissent, Mes yeux sont obscurcis & mes genoux fléchissent. […] Si je le prends par devant, il me pochera un œil ; si je le prends par derriere, c’est le prendre en poltron : il faut le prendre en flanc. […] Phanor ordonne qu’on lui creve les yeux sur-le-champ. […] Il raconte à Clotalde tout ce qui a frappé ses yeux, & ce fidele sujet saisit cette occasion pour lui reprocher l’abus odieux qu’il a voulu faire de sa puissance ; il lui dit qu’un Roi ne doit jamais avoir, même en songe, des pensées qui puissent faire rougir sa vertu. […] Je ne vous parle point d’assez d’autres exploits Qui n’ont pas pour témoins eu les yeux de mes Rois.
Il suffit pour vous le prouver de mettre sous vos yeux l’extrait de sa piece favorite. […] Ce sont des nouveautés dont mes yeux sont témoins, Et vous voyez le prix dont sont payés mes soins. […] Vous me feriez damner, ma mere ; je vous dis Que j’ai vu de mes yeux un crime si hardi. […] Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, Ce qu’on appelle vu : faut-il vous le rebattre Aux oreilles cent fois, & crier comme quatre ? […] Je devois donc, ma mere, attendre qu’à mes yeux Il eût....
Surpris d’abord l’un & l’autre de cette entrevue, ils ne tarderent pas à se regarder d’un œil favorable. […] Dorat a composé sa Lettre de Zéila, jeune Sauvage, esclave à Constantinople, à Valcourt, Officier François : il n’a pas mis sous les yeux du lecteur l’ingratitude horrible d’Inkle qui vend sa bienfaitrice & sa maîtresse. […] A peine eus-je dit ces mots, des pleurs roulerent dans ses yeux. […] Je restai confondu, & il m’accompagna jusqu’à la chaloupe, où nous nous séparâmes, les larmes aux yeux. […] L’étonnement lui coupa d’abord toute expression ; il n’en croyoit pas ses yeux ; il leva vingt fois les mains au ciel pour attester son Prophete & tout ce qu’il avoit jamais révéré.
Le caractère divin du coupable est une excuse de plus aux yeux du spectateur, qui ne rencontre qu’à la fin l’objection timide de Sosie : Le seigneur Jupiter sait dorer la pilule595 ; et certes, ce n’est pas assez de trois paroles ironiques dans la bouche d’un valet méprisable, pour ramener à un jugement moral le spectateur démoralisé de main de maître par trois actes irrésistibles. […] Devant mes yeux, seigneur, a passé votre enfance, Et j’ai de vos vertus vu fleurir l’espérance... […] C’est la même leçon tendrement corruptrice que chantent en sérénade à Julie les musiciens d’Eraste dans M. de Pourceaugnac : Répands, charmante nuit, répands sur tous les yeux De tes pavots la douce violence, Et ne laisse veiller en ces aimables lieux Que les cœurs que l’amour soumet à sa puissance. […] Ce chapitre explique en partie les condamnations qui l’ont frappé : aux yeux d’un évêque, qu’importait le beau, le bon, le sublime, quand la part du mal était si grande653 ? […] Tout ce qui nourrit les passions est de ce genre… Qui sauroit reconnoître ce que c’est en l’homme qu’un certain fonds de joie sensuelle, et je ne sais quelle disposition inquiète et vague au plaisir des sens qui ne tend à rien et qui tend à tout, connoîtroit la source secrète des plus grands péchés… Le spectacle saisit les yeux : les tendres discours, les chants passionnés, pénètrent le cœur par les oreilles.
mes yeux sont éteints. […] On croit qu’il parle de sa tendresse pour la bourse, & de l’amour que ses beaux yeux lui ont inspiré. […] Mes Lecteurs ne peuvent en juger sans l’avoir sous les yeux. […] Il jette les yeux sur Phædrie, fille d’Euclion, qu’il croit misérable. […] laisse-moi entrer seulement : si je ne te coupe la langue, si je ne t’arrache les yeux.... tu verras.
Sous les yeux mêmes du roi, son fils Hémon, fidèle amant d’Antigone, se perce de son épée, et quelques instants après on lui annonce qu’Eurydice sa femme a suivi Hémon aux enfers. […] Ferme dans sa foi religieuse complote, il maintient la neutralité la plus absolue, et rendant à tous les Dieux un honneur égal, il éprouve pour l’action qui se passe sous ses yeux une sorte d’horreur. […] Le meurtrier est un « coupe-bourse de l’empire et des lois » pour lequel il a le plus profond mépris, et que la couronne ne rend pas sacré à ses yeux. […] Il faut que leur propre personnage soit aussi frivole, aussi nul aussi sot à leurs yeux qu’à ceux du public. […] C’est ainsi qu’Horace nous trace un portrait vivant des mœurs de son temps, et de toutes les sottises qu’il avait sous les yeux.
Mais cette conférence, qui remonte au 1er juin 1663, avait, aux yeux des contemporains, un tort considérable, celui d’être de l’auteur de la pièce, de M. de Molière lui-même. […] C’est là que l’admirent les yeux de tourterelle de cette petite blonde, modeste, tendre, et boiteuse comme la prière, qui s’appelle mademoiselle Louise La Beaume Le Blanc de la Vallière. […] — Et voyez comme son œil pétille ; l’eau lui vient à la bouche. […] Il semble, tant il charge ses traits, ride le front, roule les yeux et joue des sourcils, qu’Arnolphe se sente pousser vraiment des cornes ! […] Supposez que ce soit sous nos yeux qu’Agnès surprise enferme Horace dans l’armoire ; qu’y aura-t-il là de si piquant ?
Et, si des œuvres d’art on descend aux plus simples images, portraits des éditions courantes, estampes populaires, bons points d’écoles, etc., c’est toujours la répétition plus ou moins lointaine du buste de Houdon que l’on a sous les yeux. […] La tête est droite, la figure énergique, les yeux pleins de flamme : aussi peut-on conjecturer que cette toile a été peinte lorsqu’il était encore dans sa pleine vigueur, entre 1660 et 1665. […] Il est certain que Houdon, avec sa conscience habituelle, a eu devant les yeux deux au moins des portraits que je viens de signaler ou les gravures qui en avaient été faites ; mais il s’est servi avec une liberté créatrice des élémens qu’ils lui fournissaient. Il a allongé la figure, agrandi et rapproché les yeux, aminci le nez, allégé les lèvres, abaissé les épaules ; tout en conservant la force accentuée des traits, il les a poussés de parti-pris à la distinction et à la finesse. […] A Paris, il conserve la même habitude ; on le rencontre souvent dans les boutiques où fréquentent les gens du bel air, et il ne les quitte pas de l’œil, tandis qu’ils font leurs emplettes.
Je suis persuadé que si l’on suit cette méthode, la peinture paroîtra bien foible aux yeux du spectateur. […] Mais c’est à votre joie un surcroît sans égal, D’en avoir pour témoins les yeux de ce rival : Et mes prétentions, hautement étouffées, A vos vœux triomphants sont d’illustres trophées. […] Si l’ingrate, à mes yeux, pour flatter votre flamme, A jamais n’être à moi vient d’engager son ame, Je saurai bien trouver, dans mon juste courroux, Les moyens d’empêcher qu’elle ne soit à vous. […] Il n’a pas le courage d’exécuter sa résolution, & il dit à Lélie : Suffit, vous savez bien ou le bât me fait mal : Mais votre conscience & le soin de votre ame Vous devroient mettre aux yeux que ma femme est ma femme ; Et vouloir à ma barbe en faire votre bien, Que ce n’est pas du tout agir en bon chrétien.
Elles veulent la mort ou le couvent… Ces deux solutions se valent à leurs yeux. […] Elle est inutile, incapable de remplir ses devoirs naturels d’épouse et de mère, les seuls qui soient sacrés aux yeux du poète. […] Ils ne semblent nullement sur la scène pour y philosopher, y faire de la morale, mais enfin ils s’émeuvent de ce qu’ils voient, ils redoutent, ils réprouvent, ils raillent ce vice, ce ridicule qu’ils ont constamment sous les yeux. […] Maintenant, consciente du péril, elle s’efforcera de son mieux d’ouvrir les yeux à son maître. […] Harpagon, aux yeux duquel les deux mots « sans dot » en matière de mariage tiennent lieu « de beauté, de jeunesse, de naissance, d’honneur, de sagesse et de probité », se verra méprisé par un fils insolent qui bravera sa malédiction.
Cette idée ressort de la scène avec une évidence qui brûle les yeux. […] Mais ils ne voient point ce qui crève les yeux de tous leurs amis. […] Il faut espérer que ce succès incontestable leur dessillera les yeux. […] l’idée, cette fois, parle aux yeux ! […] J’espère que le succès des Ménechmes lui ouvrira les yeux.
En vous disant, mesdames et messieurs, que nous allons revenir au xviie siècle, je ne songe pas, bien entendu, à remettre cette époque sous vos yeux. […] Vous savez que Pascal avait toujours un gouffre sous les yeux. […] À partir de ce moment, nous avons sous les yeux un homme perplexe, agité, tourmenté, à demi trompé déjà, et qui n’en persiste pas moins dans une entreprise dont il reconnaît lui-même la déraison et l’injustice. […] Est-ce qu’en voyant d’un côté cet Horace qui n’a qu’à se montrer pour être aimé et de l’autre Arnolphe qui a passé l’âge de plaire et qui n’y songe même plus, le secret de la comédie ne se manifeste pas à vos yeux ? […] Eh bien, ces modèles que Racine avait sous les yeux, Molière les connaissait aussi.
Je veux frapper des mains, hausser le bras, lever les yeux eu ciel, baisser la tête, remuer les pieds, aller à droit, à gauche, en avant, en arrière, tourner…748. » Le comique reprend encore le dessus ; mais Fénelon a-t-il mieux dit749 ? […] Il s’est moqué de chaque secte dans ce qu’elle offrait à ses yeux de ridicule ; et quelques plaisanteries fort comiques sur les principales écoles de philosophie sont tout ce qu’on peut tirer de lui là-dessus795. […] Celle-ci, vague, fugitive, souvent même obscurcie aux yeux vulgaires, a pu être précisée et illuminée par le génie de quelques hommes : c’est ce qu’a fait Platon dans sa République, qui est réellement et surtout un livre, de morale ; c’est ce qu’a fait Cicéron dans son traité des Devoirs ; c’est ce qu’a fait aussi Molière dans son théâtre. […] Contemplant les hommes avec des yeux plus pénétrants que pas un, il a mieux vu la conscience de l’humanité, il a mieux lu dans son âme et dans celle des autres la loi morale qui y est mystérieusement empreinte. […] Enfin, après une réfutation minutieuse des vingt-six arguments par lesquels l’épicurisme essaie de prouver que l’âme est mortelle, réfutation qui n’occupe pas moins de vingt-sept colonnes in-folio, Gassendi ajoute que son but n’est pas d’apporter à la foi, qui n’en a pas besoin, le secours des lumières de la raison, mais de montrer à ceux qui ferment les yeux pour ne point voir cette lumière, et qui attribuent une haute sagesse aux adversaires de l’immortalité, qu’ils se jettent non-seulement en dehors de la foi, mais aussi en dehors de la saine raison.
Mais cela même en double le prix à nos yeux. […] Moi, je les vois si bien, qu’ils me crèvent les yeux. […] Ce fait est, à nos yeux, d’une haute signification. […] Il se borne à mettre sous leurs yeux les effets d’une éducation pédantesque. […] Que ceux dont les yeux n’ont pas la force de soutenir ce spectacle, les détournent.
Ote-toi de mes yeux, coquin ! ôte-toi de mes yeux ! […] L’éloquence, la fermeté, ou la vigueur qu’on y ajouteroit, éblouiroit peut-être tout-de-suite, mais seroit réellement un défaut aux yeux des Connoisseurs, puisqu’elle défigureroit le caractere de Philinte, du moins si je l’ai bien vu. […] Pour le prouver, jettons les yeux sur une des plus mauvaises, sur l’Etourdi.
Goldoni seroit peut-être encore meilleure, si, avant que de la livrer au grand jour, il eût été témoin de ce qui s’est passé sous mes yeux précisément pendant les premieres représentations de sa comédie. […] Monsieur, répond le pere la larme à l’œil, il ne peut faire que celui-là, ou celui de Cordonnier ; mais il en coûte tant pour faire l’apprentissage & pour passer Maître ! […] « Voyez, ajoute-t-elle, cette grande imbécille qui depuis quelque temps maigrit à vue d’œil ! […] Nous nous sommes secondement obligés à faire voir que les Auteurs venus après Moliere se sont plus ou moins rapprochés de la perfection à mesure qu’ils se sont plus ou moins rapprochés de ce grand homme ; & nous avons encore rempli notre tâche à cet égard, en mettant sous les yeux du lecteur, chemin faisant & sans affectation, les beautés & les défauts de chaque moderne.
Bussy-Rabutin, dans ses Amours des Gaules 61, raconte comment il arriva que madame de Montespan, sous les yeux, dans la société intime de madame de La Vallière, devint sa rivale préférée, longtemps avant que cette amante passionnée s’en doutât, longtemps encore après qu’elle en eût la certitude ; le roi se trouvant alors partagé entre la maîtresse qu’il n’aimait plus, celle qu’il commençait à aimer, et la reine, dont il affligeait la tendresse, toutefois sans déserter sa couche. […] Les yeux qui veillaient pour éclairer la reine n’étaient pas plus pénétrants que ceux du marquis de Montespan depuis que sa femme, enivrée de la passion du roi, était devenue dédaigneuse et insolente pour ce mari jaloux. […] Mademoiselle de Montpensier rapporte à la page déjà citée que peu après les propos dont elle réprimanda Montespan, « madame de Montausier étant dans un passage derrière la chambre de la reine, où l’on met ordinairement un flambeau en plein jour, elle vit une grande femme qui venait droit à elle, et qui, lorsqu’elle en fut proche, disparut à ses yeux, ce qui lui fit une si vive impression dans la tête et une si grande crainte qu’elle en tomba malade. » Le duc de Saint-Simon raconte ce fait singulier et mystérieux d’une manière plus significative. […] La suite prouverait qu’alors les yeux de cette femme respectable furent dessillés sur les relations du roi avec madame de Montespan ; qu’elle fut épouvantée de l’idée d’avoir opposé de la résistance à un mari qu’elle croyait follement jaloux d’une femme irréprochable : il est du moins certain, par le témoignage de mademoiselle de Montpensier, par celui du duc de Saint-Simon, qu’à la suite de l’apparition qui eut lieu dans le passage de l’appartement de la reine, madame de Montausier rentra chez elle malade, ne sortit plus de sa chambre que pour quitter la cour et rentrer dans sa propre maison, à Paris, où elle languit, ne recevant qu’un petit nombre d’amis particuliers.
Austère philosophe armé de la satire, Des secrets dont les yeux creusaient la profondeur, Tu ne pus sans tristesse observer la laideur, Et puis, le sort cruel, pour tourmenter ta vie, Déchaîna deux démons, la Béjart et l’envie. […] D’un poétique éclair ton visage rayonne ; Voilà ton large front, ton œil contemplateur, Des replis de notre âme intime scrutateur, Tes deux épais sourcils que ta sage malice Semblait froncer exprès pour effrayer le vice, Tes lèvres d’où jaillit ce langage nerveux, Qui, sans prudes détours disant ce que tu veux, Fort comme ta raison, vrai comme la nature, Reste du monde entier l’éternelle lecture. […] L’autre, dans son allure et libre et familière, Du vieil esprit français pétulante écolière, L’œil ardent, le pied leste, et l’air toujours dispos, Amuse les passants de ses joyeux propos, Transforme chaque scène en plaisante querelle, Confond George Dandin, tourmente Sganarelle, Enveloppe en riant Géronte dans un sac, Lance la pharmacie au dos de Pourceaugnac, Et, se moquant d’Argan sous sa robe d’hermine, Dans un patois latin berne la Médecine.
A son œil prévenu, sans un petit chapeau, Il n’est point de femme qui plaise. […] Je croirois cependant avoir touché son ame, Si ses yeux ne m’ont pas flatté. […] « Voyez-le tel qu’il est : il s’est peint dans mes yeux : « Ils vous disent : Je vous adore : « Mon cœur vous le dit encor mieux... » Eraste. […] Bélise, sœur d’Eraste, paroît la larme à l’œil & le désespoir dans le cœur ; un homme qui venoit l’épouser est arrêté en route par une maladie très dangereuse.
Monsieur, Après avoir vu d’un côté que vous aviez dessein d’établir quelques Officiers subalternes, pour avoir inspection sur certaines petites choses auxquelles vous ne sauriez prendre garde vous-même, & remarqué de l’autre qu’il se commet tous les jours de lourdes bévues dans les enseignes de cette ville, au grand scandale des étrangers, & de ceux de nos patriotes qui en sont les curieux admirateurs, je vous prie, en toute humilité, de vouloir bien me choisir pour votre surintendant. . . . . parceque, faute d’un tel officier, on ne voit rien dans ces objets qui se présentent par-tout à nos yeux, qui sente la belle littérature ou le bon goût. […] Je lui fais signe de la tête, des yeux ; il feint de ne pas m’entendre : le cruel ! […] J’oyois un de ces jours la Messe à deux genoux, Faisant mainte oraison, l’œil au Ciel, les mains jointes, Le cœur ouvert aux pleurs & tout percé de pointes Qu’un dévot repentir élançoit dedans moi, Tremblant des peurs d’enfer, & tout brûlant de foi : Quand un jeune frisé, relevé de moustache, De galoche, de botte & d’un ample panache, Me vint prendre, & me dit, pensant dire un bon mot : Pour un poete du temps vous êtes trop dévot ! […] Voyant un Président, je lui parle d’affaire ; S’il avoit des procès, qu’il étoit nécessaire D’être toujours après ces Messieurs bonneter ; Qu’il ne laissât, pour moi, de les solliciter ; Quant à lui, qu’il étoit homme d’intelligence, Qui savoit comme on perd son bien par négligence ; Où marche l’intérêt, qu’il faut ouvrir les yeux. […] Et moi qui cependant n’étois de la partie, J’esquive doucement, & m’en vais à grands pas, La queue en loup qui fuit, & les yeux contre bas, Le cœur sautant de joie, & triste d’apparence.
Mais sommes-nous bien à l’aise pour le démentir et le rejeter, si, sans parti pris, nous nous remettons devant les yeux celles qu’il semble viser tout d’abord ? […] Alors, on voit jusqu’où peut aller l’extravagance humaine nourrie par une passion ; on voit à quels désordres, à quels ravages peut se porter une passion qui s’est emparée d’un homme, on voit jusqu’à quelles extrémités elle peut aller, parce qu’on l’a sous les yeux, et parce que cela crève les yeux ! […] Eh bien, ce genre de conception du monde et de la société, Molière l’a eu et l’a rendu, parce qu’il l’avait sous les yeux. […] Mais ce n’était pas assez pour Molière, c’eût été assez pour un autre peut-être, de peindre les ridicules qu’il avait sous les yeux ; il avait sous les yeux les directeurs de conscience et leurs intrigues, la morale outrée des jansénistes, les maximes relâchées des jésuites. […] Au contraire, la comédie choisit immédiatement ses sujets dans le monde dont les passions s’agitent sous ses yeux.
. — Mes yeux se ferment. — Des moustaches ! […] Il n’est rien de parfait ici-bas, pas même la femme ; c’est beaucoup lorsqu’un être créé fait luire à nos yeux quelques rayons affaiblis de la vraie perfection et de l’éternelle beauté. […] Il a trouvé parmi eux des méchants et des fourbes cachés sous le manteau de la vertu ou de la religion ; mais cette méchanceté ou cette hypocrisie n’ont point fermé ses yeux aux sincères vertus des autres. […] En disant cela, le bon Chrysale a le sourire sur les lèvres et les larmes dans les yeux. […] Ce fils et cette fille, qui auraient pu la voir d’un œil jaloux, elle a su se ménager leur amitié.
Quand je plaisais à tes yeux ; J’étais content de ma vie, Et ne voyais Rois ni Dieux Dont le sort me fit envie. […] Cloris, qu’on vante si fort, M’aime d’une ardeur fidèle ; Si ses yeux voulaient ma mort, Je mourrais content pour elle.
Un vif éclair brillait aux yeux du moribond ; Sa bouche s’agitait, et sur son large front, Des images, tantôt riantes, tantôt sombres, S’échappant de son cœur, glissaient comme des ombres. […] Bientôt son œil s’éteint, son visage est plus pâle, Les accents de sa voix sont brisés par le râle, Un dernier sentiment sur son front vient errer : Il écoute, il sourit ! […] cet essor nouveau qu’embrasse son œil d’aigle, Ce n’est plus un vain jeu de baladin, d’acteur, C’est l’art du moraliste et du législateur. […] Une pauvre vieille femme surtout se lit remarquer : toute tremblante, elle déposa son obole en détournant la tête et en s’essuyant les yeux, car elle avait vu Caillié tout enfant et elle disait : celui-ci était le camarade de mon fils ; il était le dernier parmi nous, et voilà qu’aujourd’hui il est le premier. […] Un témoin raconte que le matin même du jour où Molière expira presque sous les yeux du public, madame Molière et le jeune Baron firent tous leurs efforts, en voyant son état de faiblesse pour l’empêcher de monter sur la scène, mais tout fut inutile : un homme, leur dit-il, souffre beaucoup avant de mourir.
Ces différentes variations ne font ni un grand mal ni un grand bien à l’humanité : les yeux libertins y gagnent plus ou moins, voilà tout ; & vu leur peu de conséquence, elles ne doivent pas occuper bien sérieusement un Poëte comique. […] Thalie sait nous corriger encore, en prenant à nos yeux tous les ridicules, tous les travers, tous les vices dont elle veut purger nos cœurs, & en nous exposant leur difformité dans tout son jour. […] C’est par les critiques fines & judicieuses dont l’Impromptu de Versailles est parsemé, qu’il a ouvert les yeux des comédiens sur les défauts & les beautés de leur art. […] Jettez les yeux sur les détours de la Justice : voyez combien d’appels & de degrés de jurisdiction ! […] C’est être libertin que d’avoir de bons yeux ; Et qui n’adore pas de vaines simagrées, N’a ni respect ni foi pour les choses sacrées.
Et cette autre Climène, qui se trouve mal pour avoir vu l’École des Femmes, et qui pousse la pudeur jusqu’à l’obscénité 289 : « cette personne qui est précieuse depuis les pieds- jusqu’à la tête, et la plus grande façonnière du monde ; il semble que tout son corps soit démonté, et que les mouvements de ses hanches, de ses épaules et de sa tête n’aillent que par ressorts ; elle affecte toujours un ton de voix languissant et niais, fait la moue pour montrer une petite bouche, et roule les yeux pour les faire paroître grands : » en somme, « la plus sotte bête qui se soit jamais.mêlée de raisonner290 ! […] Il mit sous les yeux la maison gouvernée par les précieuses et les savantes : il montra toutes les conséquences funestes de la conduite en apparence excusable d’une mère qui sort de son modeste et saint domaine pour se lancer dans la carrière du bel esprit et de la philosophie303. […] Molière met sous vos yeux, en exemple, la femme douce, sage, instruite, spirituelle et modeste ; il vous montre Henriette, pleine de bon sens, de timidité, de grâce, de fines reparties ; sa droiture d’esprit lui suffit pour être inaccessible aux fades compliments d’un diseur de douceurs qui n’en veut qu’à sa dot316 ; pour répondre à un gros pédant ce mot plein d’esprit français et de grâce féminine : Excusez-moi, monsieur, je n’entends pas le grec317 ; pour déclarer nettement à l’homme qui veut l’épouser malgré elle, qu’elle ne se sent point la force de supporter les charges et les périls du mariage sans le soutien de l’amour318. […] D’où vient qu’elle a l’œil trouble et le teint si terni ? […] Les costumes donnés par Molière à ses personnages, la modeste parure d’Elmire, la simple robe blanche d’Henriette, la splendide toilette jaune et rouge de Célimène, etc., étaient des leçons parlant aux yeux.
Évidemment, il a sous les yeux, non pas la dissertation du P. […] vous aviez de vrais yeux au théâtre ? […] De vrais yeux, Monseigneur ! […] Le feu de la fièvre est dans ses yeux ! […] et la ruse aussitôt sautait aux yeux des spectateurs les mieux prévenus.
Ému d’enthousiasme aux leçons d’un tel maître, le jeune Poquelin traduisit en vers, sous ses yeux, le poème de Lucrèce ; ce fut son premier essai poétique. […] Il contenterait encore son amour, en la faisait être, sur le théâtre, aux yeux du public, ce qu’il n’avait pu la faire dans sa maison. […] A produit à mes yeux ma disgrâce et sa honte. […] détourna-t-il les yeux du présent, pour ne plus revivre que dans son passé ? […] Ils le conjurèrent, les larmes aux yeux, de ne point jouer ce jour-là, et de prendre du repos pour se remettre : « Comment voulez-vous que je fasse ?
J’entends dire depuis long-temps qu’il y auroit une façon très simple d’admettre deux personnages tout-à-fait ressemblants dans une piece, sans blesser les yeux du spectateur ; & l’expédient divin qu’on voudroit employer pour cela, seroit de faire représenter les deux rôles par le même acteur. […] Dois-je en croire mes yeux ? […] Les yeux du spectateur seront plus satisfaits, à la vérité, parceque Préville ne peut que ressembler parfaitement à Préville ; mais son esprit le sera moins, parcequ’il ne pourra point se faire illusion aussi facilement, & qu’il ne s’interessera plus aux embarras que Préville pourra causer à Préville. […] Fixe donc bien les yeux sur cette porte, crainte que Philicomasie, voyant que tu n’es pas sur tes gardes, ne sorte tout doucement de la maison voisine.
Retirez-vous, & ne vous présentez jamais devant mes yeux. — Eh ! […] Allons, mets l’épée à la main : ces Messieurs sont trop honnêtes gens pour empêcher que nous terminions ici notre différend. | Le jeune Comte en même temps, les yeux pleins de rage, s’avançoit contre le Marquis, prêt à le percer, lorsque celui-ci, voyant l’extrémité à laquelle il étoit réduit, mit la main sur la garde de son épée. — Songez-vous bien, lui dit-il, à quoi vous voulez m’obliger ? […] puis-je faire autrement, dans la malheureuse situation où je me trouve, interrompit le vieux Marquis, d’un ton de voix mal assuré, & les yeux remplis de larmes ? […] Tout cela ne peut se faire, si l’imitateur, habile dans l’art d’imaginer, ne crée un plan, une marche, des personnages, des incidents propres à faire briller les traits qui l’ont frappé dans la piece étrangere, & les dégager du fatras qui les dépareroit à nos yeux.
Ce nombre peut étonner, si, même en mettant à part le peu d’intérêt de la pièce, on considère qu’à Paris elle se montra dépouillée de tous ces brillants accessoires qui, à Versailles, en avaient fait du moins un plaisir pour les yeux et pour les oreilles. […] À considérer le fond du sujet, un jeune prince, obligé de feindre l’insensibilité, pour vaincre celle de la beauté qu’il aime, n’a rien de commun avec Louis XIV, faisant partager à mademoiselle de La Vallière, sans ruse et sans effort, la passion qu’il a conçue pour elle, et n’employant dans ses amours d’autre dissimulation que celle qui pouvait en dérober quelque temps le secret à des yeux jaloux, et en augmenter le charme par le mystère. […] Ce sont là de ces beautés dont le peuple de tous les pays est idolâtre : il ne faut que des yeux pour les admirer. […] Quant à l’unité de lieu, règle beaucoup moins étroite, dont l’infraction s’est fait absoudre plus d’une fois par le succès, elle est violée presque aussi souvent qu’elle peut l’être, puisque la scène change d’acte en acte ; et Molière a peut-être voulu qu’il en fût ainsi dans une pièce qui, renonçant à contenter la raison, devait s’attacher d’autant plus à satisfaire l’imagination et les yeux : mais il a eu le soin de circonscrire ces nombreux déplacements dans un petit espace ; et l’action, commencée dans une ville maritime de la Sicile, borne ses excursions à la côte voisine ou à la campagne environnante. […] Pour refuser de voir le doigt de Dieu marqué dans un événement où les lois de la nature sont renversées, pour résister au témoignage de ses yeux et de ses oreilles, et mieux aimer les accuser d’erreur, que de se rendre à l’évidence d’un fait miraculeux, il faut avoir été conduit, par l’abus du raisonnement, à rejeter tout ce qui est d’un ordre surnaturel, et à ne voir dans l’univers que la matière mise en mouvement par sa propre énergie, comme disent les docteurs en athéisme.
Ce changement, qui ne paroît rien aux yeux du vulgaire, décele l’homme de génie aux yeux des connoisseurs. […] Dans la derniere, un cinquieme Médecin, indigné contre les quatre premiers, qui ont fini par se quereller, vient leur reprocher de ruiner leur art par leurs contestations, & de découvrir aux yeux du peuple toute la forfanterie & le charlatanisme dont les Savants se sont déja apperçus. […] Enfin les voilà près, en se tuant, de finir cette piece : mais ce pere, dont le naturel est bon, n’a pas la cruauté de souffrir à ses yeux une si tragique aventure. […] Vos yeux toutefois ne m’égorgerent pas du premier coup ; mais cela provint de ce que je ne sentois que de loin l’influence porte-trait de votre rayonnant visage ; car ma rechignante destinée m’avoit colloqué superficiellement à l’ourlet de la sphere de votre activité.
Lucinde est éprise de Moncade ; on cherche à lui persuader que son amant est un perfide : pour le lui prouver, on dit à Moncade qu’une belle dame est charmée de son mérite, qu’il aura une conversation secrete avec elle, s’il veut se laisser conduire dans son appartement avec les yeux bandés ; il y consent, & assigne le lieu où on le trouvera. […] Mais l’explication n’en est pas difficile : J’étudierois vos yeux, adorable Lucile ; Tout à la fois timide, amoureux, incertain, Je verrois dans ces yeux quel sera mon destin ; Je verrois si je dois vous taire mon martyre, Ou, sans vous offenser, si je puis vous le dire.
Qui marche toujours les yeux baissés et qui a toujours un bréviaire sous le bras ? […] Au moins à leurs yeux. […] Une égale débilité d’esprit caractérise les deux chefs de maison, et les valets de Liseo n’ont pas l’œil moins clairvoyant ni la parole moins impertinente que la servante Dorine.
Leurs regards ne sont jamais dissipés ; leurs yeux ne parcourent pas les loges ; ils savent que leur salle est remplie, mais ils parlent et agissent comme s’ils ne voyaient que ceux qui ont part à leur rôle et à leur action. »Ainsi qu’Armande, La Grange excelle à composer ses costumes, il les porte avec la même élégance. […] Jamais son visage ne s’est paré de plus vives couleurs ni ses yeux ne se sont armés de traits plus vifs et plus perçans. […] vous êtes une bête. — C’est une chose étrange, réplique Armande sans s’émouvoir, c’est une chose étrange qu’une petite cérémonie soit capable de nous ôter toutes nos belles qualités, et qu’un mari et un galant vous regardent la même personne avec des yeux si différens ! […] Je n’ai plus d’yeux pour ses défauts, il m’en reste seulement pour ce qu’elle a d’aimable. […] Il ne faut donc pas chercher dans sa conduite, ou plutôt y mettre les yeux fermés une régularité bourgeoise qui n’y est pas et n’y saurait être.
Il avait les yeux collés sur trois ou quatre personnes de qualité qui marchandaient des dentelles. […] Les trois premiers actes seulement figurèrent alors sous les yeux du Roi et de la Cour. […] Depuis qu’il le couve des yeux, sa négligence paternelle a été si coupable qu’il va bientôt devenir grand-père, à son insu. […] Bref, il est clair que les beaux yeux de sa cassette finiront par être les plus forts. […] D’où vient qu’elle a l’œil trouble, et le teint si terni ?
Fasse le Ciel qu’Amphitrion vainqueur Avec plaisir soit revu de sa femme, Et que ce jour, favorable à ma flamme, Vous redonne à mes yeux avec le même cœur, Que j’y retrouve autant d’ardeur Que vous en rapporte mon ame ! […] Ne fis-je pas éclater à vos yeux Les soudains mouvements d’une entiere alégresse ? […] Une fois sortis de la ville qui a vu naître leurs talents, qui les a même cultivés, ils pensent n’avoir rien laissé après eux qui soit digne d’être peint aux yeux du peuple brillant qu’ils veulent amuser. […] Enfin tout l’art consiste à fixer la scene dans un lieu où le public soit accoutumé à voir ce que l’Auteur veut présenter à ses yeux.
Il a sur votre face épanché des beautés Dont les yeux sont surpris, & les cœurs transportés : Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’un ardent amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint. D’abord j’appréhendois que cette ardeur secrete Ne fût du noir esprit une surprise adroite ; Et même à fuir vos yeux mon cœur se résolut, Vous croyant un obstacle à faire mon salut. […] Notre jeune amoureux n’avoit donc d’autre consolation que de repaître ses yeux, de suivre sa maîtresse, & de l’accompagner quand elle alloit chez ses maîtres de musique, & de la ramener chez elle. […] Ses cheveux étoient en désordre, ses pieds nus ; la douleur étoit peinte sur son visage, un torrent de larmes couloit de ses yeux, elle n’avoit que de méchants habits ; enfin elle étoit faite de maniere, que si elle n’avoit eu un fond de beauté à toute sorte d’épreuves, tant de choses n’auroient pas manqué de l’éteindre & de l’effacer.
Ainsi, vous descendez en vain des aïeux dont vous êtes né ; ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu’ils ont fait d’illustre ne vous donne aucun avantage ; au contraire, l’éclat n’en rejaillit sur vous qu’à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d’un chacun la honte de vos actions. […] Je trouve que toute imposture est indigne d’un honnête homme, et qu’il y a de la lâcheté à déguiser ce que le ciel nous a fait naître, à se parer aux yeux du monde d’un titre dérobé, à se vouloir donner pour ce qu’on n’est pas. […] Immoler au parterre 715 l’orgueil du nom et de la race pour y substituer l’orgueil du mérite, faire de l’acte royal qui conférait des duchés-pairies la cérémonie du mamamouchi, c’était un acte de courage dans un temps où, à nos yeux, l’esprit de justice et de liberté était représenté par le duc de Saint-Simon, si indigné de voir des bourgeois dans les charges. […] Dans les Fâcheux, passent en courant devant les yeux étonnés d’une telle variété, le marquis du bel air725, le marquis musicien726, le marquis duelliste727, le marquis joueur728, le marquis chasseur729, le marquis obligeant730. […] » On trouve dans Molière la louange du prince sans cesse rapportée à ses travaux, non à sa personne ; l’affirmation de ses devoirs envers tous, de ses obligations à voir par ses yeux, à punir, à récompenser, à veiller au bien et à l’honneur du pays747.
Apprenons à voir par nos yeux ; lisons nous-mêmes la piece latine ; comparons-la à la françoise que nous allons analyser scene à scene, & jugeons ensuite. […] Leur foudre, si je mens, m’extermine à vos yeux ! […] Un semblable miracle est trop prodigieux, Pour m’en fier à moins qu’au rapport de mes yeux. […] Non, non, vos propres yeux vous le feront savoir ; Ce n’est point en dormant que je fais mon devoir : J’ai veillé pour mon mal, j’ai veillé pour ma honte ; Veillant je me suis vu, veillant je vous le conte. […] Hâtons-nous, suis mes pas, & m’oblige à te croire, Faisant mes propres yeux témoins de cette histoire ; Par cette vue enfin je resterai confus.
On ne sauroit trop les exhorter à continuer, parceque rien n’est à négliger quand on veut plaire, & qu’il est beau de parler quelquefois aux yeux comme aux oreilles : mais on doit les avertir qu’un tableau n’est frappant & ne produit son effet, que lorsqu’il est naturellement amené par le sujet, & que les scenes qui le précedent en ont préparé l’ordonnance. […] L’une baisse les yeux & paroît interdite, (Regardant Céliante.)
Nous avons ici Lope Tocho, fils de Jean Tocho, qui est un bon garçon, & que nous connoissons ; je sais qu’il regarde la petite de bon œil ; c’est son vrai fait : elle sera fort bien avec lui, qui est son égal, & nous les aurons toujours l’un & l’autre devant nous ; au lieu que nous ne verrons ni notre gendre ni elle si vous l’allez marier à la Cour & dans vos grands Palais, où personne ne l’entendra, ni elle n’entendra rien elle-même. […] On ne jette les yeux qu’en passant sur les pauvres, & on les arrête sur les riches ; si le riche étoit autrefois pauvre, on ne fait que murmurer & en médire, & le pis est que, quand on a commencé, on ne finit point. . . . . […] Je trouve que toute imposture est indigne d’un honnête homme, & qu’il y a de la lâcheté à déguiser ce que le Ciel nous a fait naître, à se parer aux yeux du monde d’un titre dérobé, à se vouloir donner pour ce qu’on n’est pas.
Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants, Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens, Et régler la dépense avec économie, Doit être son étude & sa philosophie. […] Il y a deux especes de caracteres nationaux, parcequ’il faut distinguer parmi les caracteres propres à toutes les nations, ceux qui sont si bien articulés, si bien prononcés, qu’il n’y a qu’une seule maniere pour les peindre à tous les yeux, & ceux qui demandent à être présentés avec des couleurs différentes selon les divers pays où l’on fait leur portrait.
L’école des mœurs doit être non seulement assez décente pour ne pas corrompre le cœur & l’esprit ; elle doit l’être jusqu’au point de ne blesser ni les yeux ni les oreilles, je ne dis pas d’une jeune personne qu’une mere croit pouvoir mener au spectacle sur la foi de l’honnêteté publique, j’ajoute de tout homme qui pense. […] Cependant, me dira-t-on, on joue très souvent des drames remplis de ces détails qui ne sont rien moins qu’équivoques, de ces traits qui fixent les yeux du parterre sur les Dames pour distinguer celles qui rougissent réellement d’avec celles qui ne font que semblant. […] Imitons nos prédécesseurs dans les traits qui peignent la candeur de leur ame, & non dans ceux qui l’avilissent à nos yeux, comme ceux que je vais rapporter. […] Osez-vous bien après cela vous présenter aux yeux du monde ? […] Le héros des personnages mistifiés croyoit sans doute que tout le monde devoit regarder les mistifications du même œil.
Quant aux Auteurs qui trouvent nos peres trop simples d’avoir ri à la comédie, qui blâment par conséquent les anciens, s’écartent tout-à-fait de leur maniere, & pensent s’immortaliser en usurpant le poignard de Melpomene pour le remettre à Thalie, ou qui lui font faire la grimace en la forçant de sourire d’un œil & de pleurer de l’autre, ils ont trop bien pris leur parti pour que mes réflexions puissent leur paroître bonnes. […] Transportons-nous au Sallon du Louvre, nous y verrons l’ignorant, attiré par la foule, parcourir d’un œil rapide & distrait les morceaux exquis des plus fameux Peintres, & disparoître bien vîte pour éviter l’ennui qui le poursuit. […] c’est un homme qui, riche de tous les dons de la nature & de toutes les acquisitions de l’art, sauroit subjuguer en même temps les yeux, les oreilles, l’esprit & le cœur. […] On lit dans ses yeux qu’il s’occupe non seulement de lui, mais de tous les autres personnages ; non seulement de ce qui se passe sur la scene, mais de tous les incidents qui en peuvent naître.
Pendant qu’il s’empêchoit de lui parler, il ne laissoit pas de faire des réflexions sur sa beauté ; & croyant ne tourner les yeux vers elle que par bienséance, il commença peu à peu à la regarder avec admiration, & après cela avec tant de plaisir qu’il ne pouvoit plus s’en détacher. […] Mais le caractere de Cléon n’est peint pendant cinq actes que par des récits précipités & monotones : dans la piece angloise Timon acheve de se ruiner sous nos yeux, & ses générosités nous font aisément concevoir qu’il a pu dépenser des sommes immenses. […] Nérine conseille à sa maîtresse de jetter les yeux sur quelque honnête homme, & de se marier sans l’aveu de son pere. […] Cléon & l’Epine son valet se sont déguisés en danseurs pour s’introduire chez Oronte ; ils paroissent aux yeux d’Isabelle & de Nérine. […] Quand Dufresne ne vouloit pas faire la grace au public de paroître à ses yeux, il députoit son laquais vers les comédiens, en lui disant : « Un tel, allez dire à ces gens que je ne jouerai pas ».
Ce fut Molière qui eut le courage de s’en servir et qui, par ses Précieuses ridicules, ouvrit les yeux de la nation. » Le danger pressait moins. […] Mais alors tout cela crève de scélératesse et d’iniquité ; c’est une histoire de bandits que nous avons sous les yeux, et non pas un épisode du spectacle ordinaire de la vie. […] Est-ce que l’on n’y trouve pas un peu de « faux clins d’yeux et d’élans affectés ? […] Ils vivent cachés, ils se dérobent, ou ils ferment les yeux ! […] Nous les connaissons très bien ; notre siècle en expose à nos yeux une troupe considérable.
» et « les beaux yeux de la cassette » sont passés dans la conversation courante. […] — Devant mes yeux, Seigneur, a passé votre enfance. […] Molière l’imite une fois, mais d’ordinaire il n’aime qu’à jeter sur la scène un personnage observé de près, qu’il a vu de ses yeux. […] Tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? […] Il ne s’agit pas de se fermer les yeux.
Une histoire non écrite, mais qui, passant de bouche en bouche, transmise d’exemple en exemple, doit conserver à la postérité la plus reculée la manière dont les merveilles de l’art furent rendues d’après les avis et sous les yeux du génie qui les enfanta. […] Fasse le ciel, qu’insensiblement séduit, comme Arnolphe, par les charmes naissants d’une enfant élevée sous ses yeux, il n’ait pas les mêmes raisons que lui pour s’en repentir ! […] Premièrement, louez-le, dans votre journal, d’avoir laissé percer un instant sur son visage, aux yeux des spectateurs, la joie qu’il éprouve lorsqu’Orgon donne sa malédiction à son fils. […] J’ai vu depuis des acteurs très contents d’eux, lorsqu’ils avaient débité, sur le ton du madrigal, tout ce que Cléonte, dans son dépit, adresse d’amoureux, de passionné, aux petits yeux, à la grande bouche de celle qu’il aime. […] Je vous entends, nous répond-il, mais rassurez-vous ; avec du blanc, du rouge, un frac étroit, un pantalon menteur, une cravate jusqu’au nez, des cheveux ébouriffés sur les yeux… — On vous demandera, beau masque, où est le bal ?
Je vais mettre sous les yeux du lecteur tout ce que les ennemis & les défenseurs outrés du monologue disent pour & contre ; je risquerai mon sentiment sur les raisons que les uns & les autres porteront, & le public décidera. […] Enrique combattit & sur mer & sur terre, Et laissa les trois quarts de son corps à la guerre ; Car il perdit un œil à Gand, le fait est sûr ; La cuisse droite à Mons, le bras gauche à Namur. […] Marton reste sur la scene & le suit des yeux.
Celles qui attaquent les ridicules, les travers, les vices, & qui développent à nos yeux le cœur humain pour nous en faire voir la fausseté. […] La Vérité dit à Mercure qu’elle ne veut plus rester dans cette solitude depuis qu’elle est instruite des désordres où les hommes sont livrés ; qu’elle veut encore se présenter à leurs yeux pour tâcher de les ramener. […] Une corme brillante & fraîche D’une jeune fillette avoit charmé les yeux ; Mais ce fruit, qui sembloit un fruit délicieux, Au goût parut dur & revêche.
— Sire, c’est Molière, » avait répondu Boileau à Louis XIV avec la justesse de jugement qui fait son suprême mérite aux yeux des amis des lettres. […] Il ne nous suffit plus, comme aux premiers spectateurs de Molière, qu une comédie nous charme par la vérité des caractères, l’habileté de l’intrigue et l’agrément du langage : nous voulons savoir quel esprit secret l’anime, quel but invisible aux yeux vulgaires s’est proposé l’auteur, au nom de quels principes latents il a fait parler et agir les personnages qui s’agitent devant nous. […] Nous ne pouvons voir de tels tableaux sans qu’il en résulte quelque réflexion sur nous-mêmes, et une sorte de comparaison tacite faite par notre conscience entre notre propre personne et ces personnages en l’air produits devant nos yeux. […] Il se contentait de mettre les mœurs en tableaux, de dessiner nettement un caractère, de faire ressortir les travers d’un personnage par le contraste exagéré d’un autre, sans presque jamais dire ce qu’il pensait au fond, ni vouloir, comme le font souvent les modernes, proposer aux spectateurs, dans l’espèce de problème moral qu’il agitait devant eux, une solution si secondaire à ses yeux qu’elle manque absolument à quelques-uns de ses chefs-d’œuvre.
Si on ne la voit pas ou si on la nie, aucun raisonnement ne saurait ouvrir les yeux aux aveugles, ni fermer la bouche aux sophistes. […] L’auteur n’a eu qu’à copier ce qu’il avait sous les yeux. […] Plaute et Térence n’ont d’autre importance à mes yeux que de nous aider à deviner la forme de la comédie de Ménandre. […] Je serai pour Molière un juge sans faiblesse ; je saurai voir et montrer ses défauts ; mais je ne veux fermer ni mes yeux ni ma bouche sur ses qualités. […] Le second des critiques allemands, je viens essayer d’ouvrir les yeux de la France et de l’Europe sur le chef-d’œuvre le plus original de la littérature d’outre-Rhin.
On a beau dire que les Anciens étoient les Anciens, que leurs regles étoient bonnes pour eux : la raison ne vieillit pas : ses loix ne perdent jamais de leur force : il est du dernier ridicule de vouloir faire passer avec quelque ombre de vraisemblance sous les yeux des spectateurs assemblés pendant trois heures seulement, ce qui pourroit s’exécuter à peine dans plusieurs années. […] Je ne dis point qu’un Auteur doive resserrer son action dans le petit espace que le théâtre nous présente ; tous nos théâtres, plus ou moins grands, sont censés avoir l’étendue qu’un homme peut parcourir de l’œil. […] Si Moliere, par exemple, pour peindre son Harpagon, avoit mis en même temps sous les yeux du spectateur, & les traits d’avarice de son enfance, & ceux qu’il fait lorsqu’il veut sacrifier sa fille à l’amour d’un homme qui la prend sans dot, cette duplicité d’action seroit choquante, parceque l’avarice d’un enfant est tout-à-fait différente de celle d’un homme mûr.
Églé et l’Amoureux de quinze ans sont deux tableaux d’un dessin pur et gracieux ; et cependant, lorsque l’auteur se livre à des compositions dramatiques, on voit que c’est encore la muse de la chanson qui l’inspire ; elle veut essayer un ton plus grave, des manières plus imposantes, mais elle se trahit à la naïveté de son langage, à la délicatesse de ses formes, et l’œil le moins clairvoyant reconnaît Érato sous le masque de Thalie. […] N’attendez pas, Messieurs, que je soulève le voile qui les dérobe à vos yeux ; ne- croyez pas que je déroule devant vous cette longue liste de productions monstrueuses dans lesquelles le bon goût, la langue et les mœurs furent également outragés. […] Ton œil perçant saurait bien découvrir la fausseté sous les attributs de la franchise ; la vanité, sous l’extérieur de la bonhomie ; et l’égoïsme, sous le faste de la bienfaisance.
Vous ne pouviez rien faire que vous ne fussiez bientôt excusé à mes yeux. […] Je ne crois point qu’Isabelle Soit une femme mortelle, C’est plutôt quelqu’un des dieux Qui s’est déguisé en femme Afin de nous ravir l’âme Par l’oreille et par les yeux. […] Magnin, confirme les nombreux éloges adressés à la beauté d’Isabelle ; son profil est à la fois correct et expressif, et en la voyant dans ses gracieux atours florentins, on croit presque avoir sous les yeux un portrait de mademoiselle Rachel dans le costume de Marie Stuart », toutefois avec un peu plus d’embonpoint.
La beauté et le choix des matériaux, la forme triomphale de la façade du monument, l’exécution générale en tant que main-d’œuvre, les détails d’architecture et de sculpture soigneusement faits, enfin, comme considération vulgaire mais vraie, un édifice tout neuf, tout orné qui apparaît à la place d’une ignoble masure et de laides tentures de toile, toutes ces choses ne pouvaient manquer de flatter les yeux. […] Maintenant si, nous plaçant devant la fontaine, nous la considérons dans son ensemble, l’œil est aussitôt blessé par l’irrégularité des lignes des façades latérales, qui coupent obliquement, et sous un angle différent, les ligues de la façade principale. […] Quant aux détails de cette architecture, pour ne parler que des principaux, il nous semble que l’attique qui couronne l’édifice est chose désagréable à l’œil; il est, sans doute, destiné à masquer le toit du bâtiment, sinon il est inutile ; mais, tel qu’il est, ses angles font des ressauts qui ajoutent encore à l’irrégularité des lignes.
C’est elle qui vivifie, anime son théâtre tout entier, et lui donne aux yeux d’un observateur réfléchi une forte, j’allais dire une majestueuse unité. […] Le lecteur me pardonnera de remettre sous ses yeux une partie de la scène : MARPHURIUS. […] Thomas Diafoirus se tourne toujours vers l’astre resplendissant des yeux adorables de sa maîtresse. […] Douce et sereine figure, que la mort même ne put troubler : sentant s’affaiblir les battements de son cœur, il posa dessus la main de son ami, et ferma les yeux en lui disant : « Vous voyez ce qu’est la vie de l’homme. » Or, il faut l’avouer, le nouveau disciple, que le père de Chapelle amenait à l’illustre philosophe, se fût difficilement soustrait à son influence. […] L’humanité, pour tout dire en un mot, il l’aime, et voilà pourquoi il combat tous ces préjugés et ces coutumes barbares qui la gênent et la violentent : en face des Arnolphes et des Sganarelles il se fait l’ardent défenseur de sa liberté ; — il l’aime et c’est pourquoi aussi il ferme les yeux sur ses fautes, admet ses penchants et ses inclinations, et de peur de la faire souffrir ne lui propose que sa morale du juste milieu (60).
Ses yeux, plus éclairés que ceux du Médecin, Pénetrent que mon mal vient d’un feu clandestin ; Et sa vive amitié tourne si bien mon ame, Qu’il arrache l’aveu de ma secrete flamme. […] Que la foudre, à tes yeux, m’écrase, si je mens !
Un fusil vient à frapper ses yeux, Il le met sur l’épaule, & fait le merveilleux, Enfonce fiérement son chapeau sur la tête, Va de droite & de gauche, avance un pas, arrête, Nous ajuste, fait feu, s’amuse de nos cris, Et vole dans nos bras pour calmer nos esprits. […] Avant que d’entreprendre un récit ennuyeux, Il dit qu’il fera rire, & l’on bâille à ses yeux. […] En prononçant ces dernieres paroles, il sourioit tendrement, & ses yeux étoient mouillés de larmes. […] A ces mots, se mesurant des yeux, il se promenoit devant une glace. […] Il faut d’abord se frotter le front, se ronger les ongles, regarder le ciel, fixer les yeux en terre, frapper du pied, battre la muraille de sa tête, marcher à grands pas, s’arrêter tout court, s’asseoir tantôt sur une chaise, tantôt sur une autre.
le grand œil ! […] Que ses yeux étaient beaux alors ! […] son fils a déjà la pâleur et l’œil affamé d’un vrai philosophe. […] Il se laisse bander les yeux, et conduire à ce rendez-vous, comme un enfant. […] Quels grands yeux ils auraient ouverts !
Les Auteurs Italiens, singes nés des Auteurs Espagnols, n’ont pas osé, à la vérité, mettre en jeu les Anges & les Saints, sous les yeux du Chef de la Religion ; mais ils ont bien pris leur revanche avec les diables, les démons, les sorciers. […] On baille à leur Pantalon avare, à leur Cabinet, à leur Femme jalouse, &c. qui sont des pieces très bonnes, & l’on s’amuse aux représentations du Turban enchanté, d’Arlequin cru Prince, de Camille Magicienne, & du Prince de Salerne, qui ne parlent pas à l’esprit, mais qui amusent les yeux, les surprennent même, & qui malheureusement ne sont que trop faites pour en imposer au grand nombre.
Molière fut également à même d’étudier de ses propres yeux l’art et les représentations théâtrales des comédiens de cette nation, puisque, de 1660 à 1673, la troupe de Joseph de Prado, entretenue par la reine Marie-Thérèse, alternait avec les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, tout comme les Italiens avec Molière au Palais-Royal. […] Mais, après avoir terminé ce premier travail, je voulus franchir les limites où il m’avait contraint de me renfermer ; je m’engageai alors librement dans les curieuses perspectives que j’avais vues s’ouvrira mes yeux, et j’essayai d’y pénétrer le plus avant qu’il me fut possible.
Les négligences qu’un œil exercé découvre sans peine dans cet ouvrage peuvent servir à expliquer un juge ment de La Bruyère qui serait pour nous une énigme impénétrable, si nous ne consultions que le Misanthrope et les Femmes savantes. […] Sans doute bien des choses qui blessaient le goût de La Bruyère ne sont pas aperçues par nos yeux.
C’était encore un courtisan quand il disait, dans une dédicace, à la mère de cet enfant adultérin : Le temps qui détruit tout, respectant votre appui, Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage, ………………………………………………… Sous vos auspices, ces vers Seront jugés, malgré l’envie, Dignes des yeux de l’univers. […] Grâces à vos exemples, Ils n’ont devant les yeux que des objets d’horreur, De mépris d’eux et de leurs temples, D’avarice qui va jusques à la fureur…………… C’était un sage politique quand il montrait dans la fable du Vieillard et l’Âne, que le pouvoir ne doit point compter sur l’obéissance sans affection.
Léandre fait appeller ses parents & leur dit, les larmes aux yeux : (Il se jette à genoux. […] L’un & l’autre n’ont à tromper que les oreilles : Henri a besoin de persuader, il doit faire illusion aux oreilles & aux yeux. […] Tout cela s’appelle dormir les yeux ouverts. […] Là, entre autres plusieurs choses, nous avons arrêté nos yeux sur une galere turque assez bien équipée. […] Pour cet effet il est bon d’avoir sous les yeux un précis de la piece latine.
Entrez à cette fête heureuse des yeux enchantés et des oreilles charmées, vous n’entendrez parler que de l’amour, vous n’avez sous les yeux que des faces amoureuses et tout au moins des galanteries à brûle-pourpoint ! […] Mais à l’aspect de cette ingénue, de cette jeune fille riante, et de ces beaux yeux qui brillent si doucement, je me mets inévitablement à songer combien de méchants vers, combien d’horribles parodies, combien d’affreux quolibets, combien de sales équivoques deviendront la pâture quotidienne de cette jeunesse honnête et florissante ! […] Quelques lecteurs croient « néanmoins le payer avec usure s’ils disent magistralement qu’ils ont lu son livre, et qu’il y a de l’esprit ; mais il leur renvoie tous ces éloges qu’il n’a pas cherchés par son travail et par ses veilles ; il porte plus haut ses projets ; il agit pour une fin plus relevée ; il demande aux hommes un plus grand et un plus rare succès que les louanges et même que les récompenses, qui est de les rendre meilleurs. » Ce sont là des pages admirables et tout à fait dignes que le critique honnête homme les ait sans cesse sous les yeux. […] La ville et la cour avaient les yeux fixés sur eux ; ils vivaient avec Molière, ils créaient avec lui ses comédies ; ils étaient les instruments immédiats de cet infatigable génie ; chaque jour leur amenait un nouveau chef-d’œuvre, une plaisanterie nouvelle, un personnage nouveau.
Celui de Laponie mérite une attention particulière : c’est le seul où il paraisse avoir porté plutôt l’œil observateur d’un philosophe que la curiosité distraite d’un voyageur. […] L’œil voit d’abord ce mont dont les antres profonds Fournissent à Paris l’honneur de ses plafonds, Où de trente moulins les ailes étendues M’apprennent chaque jour quel vent chasse les nues. Le jardin est étroit ; mais les yeux satisfaits S’y promènent au loin sur de vastes marais. […] Il décrit son convoi : Mes yeux ont vu passer dans la place prochaine Des menins de la mort une bande inhumaine. […] J’avoue que cette ressemblance n’est guère vraisemblable, et qu’en la supposant aussi grande qu’elle peut l’être, le contraste du militaire et du provincial dans le langage et les manières est si marqué, qu’on ne peut pas croire que l’œil d’une annuité puisse s’y tromper.
L’amour vrai ne naît point au hasard, par une séduction des sens, par une fascination des yeux, ni même par un agrément de l’esprit : tous ces charmes ne produisent que des caprices passagers, d’autant plus vite éteints qu’ils sont nés plus soudainement425, comme les belles passions de don Juan 426 ou les vieux désirs d’Harpagon 427. […] Tenez, mon cœur s’émeut à toutes ces tendresses ; Cela ragaillardit tout à fait mes vieux jours, Et je me ressouviens de mes jeunes amours437, qui n’a devant les yeux cet amour pur et naturel, plein de joie et d’honneur, que Phèdre dépeint avec tant de vérité dans son désespoir de n’en pouvoir jouir : Hélas ! […] Et Philinte lui répond, car la coquetterie de Clitandre et d’Acaste 476 n’est pas moins blâmée par Molière que celle de Célimène, et le vice à ses yeux n’est pas moindre en l’homme qu’en la femme : Et moi, de mon côté, je ne m’oppose pas, Madame, à ces bontés qu’ont pour lui vos appas ; Et lui-même, s’il veut, il peut bien vous instruire De ce que là-dessus j’ai pris soin de lui dire ; Mais si, par un hymen qui les joindrait tous deux, Vous étiez hors d’état de recevoir ses vœux, Tous les miens tenteroient la faveur éclatante Qu’avec tant de bonté votre âme lui présente477. […] IX : « Elle a les yeux petits, mais elle les a pleins de feu, les plus brillants, les plus perçants du monde, les plus touchants qu’on puisse voir.
Ce ne sont plus deux furieux qui cherchent à terminer bien vîte leur combat par des coups mortels, ce sont au contraire deux athletes qui, placés dans la position la plus favorable pour faire admirer la souplesse, la grace & la vivacité de leurs mouvements divers, se fournissent tour-à-tour les moyens de les développer aux yeux du spectateur charmé. […] Toute femme qui plaît vous trouve en son chemin, Et vos yeux font la guerre à tout le genre humain. […] Enfin ce que le monde a de plus spécieux, Mon coffre le renferme, & je l’ai sous mes yeux, Sous ma main ; & par-là l’avarice qu’on blâme, Est le plaisir des sens, & le charme de l’ame.
Clairville, impatient, vient apprendre son sort de la bouche de d’Orval, & se croit perdu en voyant les yeux de son ami se remplir de larmes. […] Sans qu’elle m’eût arrêté, contenu, peut-être même avant qu’elle eût levé les yeux sur moi, je devins timide ; de jour en jour je le devins davantage, & bientôt il ne me fut pas plus libre d’attenter à sa vertu qu’à sa vie. . . . . . . . . . […] Ses yeux, où la sérénité n’étoit plus, noyés dans les pleurs, se tournoient sur moi, s’en éloignoient, y revenoient.
A l’aspect de ce régal, on cligne de l’œil, on se lèche délicatement les lèvres. […] Parmi ses récréations publiques, celle que Louis XIV aimait le plus était le ballet : Molière fit des ballets pour ses yeux, et quelquefois pour ses jambes ; aussi pour ses oreilles, sans doute, car ces ballets avaient des récits : c’est même tout ce qui nous en reste, et c’est la plus grande partie des œuvres de Molière. […] De cette jolie mythologie à la française et de son luxe délicat il ne restera rien pour les yeux.
Il semble que, sans douceur, la vertu ne soit plus vertu à ses yeux, et que, dans l’idée sereine qu’il se fait de la femme, il ait toujours devant l’esprit le mot divin : « Major charitas 385. » Surtout, qu’elle soit franche. […] Il trouve indignes toutes ces manœuvres de la vanité, tous ces mensonges des yeux et des lèvres, tout ce travail perfide pour conquérir des amants qu’on n’aime pas, et pour tromper quelquefois un honnête homme qu’on désespère. […] Que le monde pardonne ce terme énergique, mais une femme sans cœur était à ses yeux un monstre, comme un homme sans honneur.
La société n’était point encore une arène où l’on se mesurât des yeux avec une défiance déguisée en politesse. […] Telle est la fécondité de ces proverbes, telle est l’étendue de leur application, qu’elle leur tient lieu de noblesse aux yeux des esprits les plus élevés, chez lesquels ils ne sont pas moins d’usage que parmi le Peuple. […] Il peindrait les nôtres : il arracherait le voile qui dérobe ces nuances à nos yeux. […] Ce paysage sur lequel vous avez promené vos yeux, le Peintre qui le considérait avec vous, le retrace sur la toile, et vous ne l’avez vu que dans ce moment.
Il serait bien triste que Dieu n’éclairât pas une âme faite pour lui. »Cependant les yeux jaloux de madame de Montespan ont découvert l’intrigue du roi et de madame de Fontanges. […] Le 9 juin, elle écrivait : « La faveur de madame de Maintenon croît toujours ; celle de Quantova (madame de Montespan) diminue à vue d’œil. » Le 21 : « On me mande que les conversations de S. […] Elle devait être féconde en jouissances nouvelles cette amitié vive qui, par une conversation animée, sans chicane et sans contrainte, multipliait sans cesse et variait à l’infini ses épanchements vers l’objet aimé, les lui offrait toujours avec intérêt et toujours à propos, provoquait les siens, lui communiquait une vie nouvelle, une existence inconnue, créait en lui un autre homme, avec des facultés jusque-là ignorées de lui-même, l’introduisait dans ce pays nouveau dont parle madame de Sévigné, où avec d’autres yeux il voyait d’autres choses et d’autres hommes, l’introduisait dans son propre cœur où il n’était jamais descendu, l’apprenait à s’étudier et à se connaître, lui donnait une conscience pénétrée du besoin de sa propre estime, une conscience qui lui rendit bon témoignage de lui et de son amie. […] Madame de Maintenon jetait souvent ses regards vers ses anciennes amies ; elles avaient toujours les yeux sur madame de Maintenon.
Mais ce qui rehaussa probablement encore le prix de ces dons aux yeux du pauvre Mondorge, ce fut le bon accueil qu’il reçut de son ancien camarade. […] Ils sentirent la justesse de ses observations, ouvrirent les yeux sur la position où ils s’étaient mis, et se retirèrent. […] Mais ce qui était un éloge flatteur aux yeux du duc de Montausier passe pour une odieuse calomnie à ceux de J. […] Le livret de la fête dit que cette pièce n’avait été composée que pour offrir des Turcs et des Maures aux yeux du Roi. […] Le 9 septembre 1668, il exposa aux yeux du public le tableau des vilenies d’Harpagon.
Joint qu’un fagot bien mis aux yeux du spectateur, Plaît et touche bien plus qu’un médiocre acteur. […] Peu de décors, puisqu’on ne jouait pas pour l’illusion des yeux. […] Il ouvre deux grands yeux ronds comme les yeux d’un oiseau de proie. Avec ces deux yeux là, il couve Elmire et l’enveloppe, il s’arrange de manière à ce qu’Elmire se lève sur le champ et lui fausse compagnie. […] Lorsque les yeux sont faits à un certain genre d’agrément, fût-il ridicule, ils ont besoin de ce ridicule, ou, si l’on veut, de cet agrément.
J’avoue que ce raisonnement prononcé avec vivacité, appuyé sur-tout d’un air leste & décidé, est éblouissant, & qu’il peut jetter de la poudre aux yeux ; peut-être a-t-il déja séduit quelqu’un de mes lecteurs : mais il ne lui faudra pas beaucoup de réflexion pour sentir que lorsqu’un peintre se borne à changer seulement le vernis d’un tableau, il ne fait pas un ouvrage bien estimable. […] On se trompe : le masque ne servira qu’à dérober aux yeux des spectateurs la force de la passion qui le domine, à diminuer son expression, à lui donner une uniformité ennuyeuse.
Monsieur, je viens faire paroître Léandre à vos yeux, & remettre Lucinde en votre pouvoir. […] La ressemblance entre ces deux dénouements est si frappante, qu’il suffit de les rapprocher sous les yeux du Lecteur.
Mais tandis qu’auprès de vous je n’aurai que les yeux de libres, tout ce que vous me montrerez ne peut que me faire enrager. […] Jamais on n’a été dans un état plus violent ; Tantale ne souffre pas tant que je souffris ; mes yeux, mon imagination s’accordoient pour me tourmenter & rendre mon supplice cruel.
. — Tout de bon, dit-elle ; j’en suis bien aise, c’est un ridicule de moins. « J’ai trouvé cela plaisant. » Le 6 septembre, elle écrivait de Vichy : « Madame disait l’autre jour à madame de Ludres, en badinant avec un compas : Il faut que je crève ces yeux-là, qui font tant de mal. — Crevez-les, madame, puisqu’ils n’ont pas fait tout ce que je voulais. » On voit dans les mémoires de Madame, que madame de Ludres finit par se retirer dans un couvent à Nancy, où elle vécut jusqu’à un âge fort avancé. […] Le 15 octobre, madame de Sévigné écrivait à sa fille « qu’on nommait la comtesse de Grammont pour une des mouches qui passaient devant les yeux ».
Ce vers très tendrement avec l’œil fixe et ouvert. […] Il est trop occupé à la recherche du bonheur pour songer à se comparer au personnage ridicule que vous faites passer sous ses yeux. […] Il est trop occupé à la recherche du bonheur pour songer à se comparer au personnage ridicule que vous faites passer sous ses yeux. […] On dira que je vois cela avec des yeux de commentateur. […] Son grand défaut, à mes yeux, est de manquer de cette vivacité dont Je Barbier de Séville et le premier acte du Médecin malgré lui sont des modèles.
L’autorité de Goudouli est-elle assez « valable » à ses yeux ? […] Pensez-en ce que vous voudrez ; mais il est certain qu’un de mes aïeux n’aurait eu qu’à ouvrir les yeux pour voir Molière, qu’à étendre la main pour effleurer et serrer la main de Molière !
Celle de la place Vendôme est beaucoup moins satisfaisante à l’œil que les tuyaux de briques de nos usines. […] S’il eût été Molière, il aurait eu, aux yeux du paysan, le tort de se faire jouer trois fois par semaine.
Le temple de Thalie apparaît à mes yeux ; Je n’en saurais douter, je la vois elle-même. […] Présentez-lui des pièces telles que Figaro, les Femmes, Heureusement ; étalez à ses yeux les scènes les plus licencieuses, les images les plus indécentes, pourvu qu’elles paraissent voilées d’une gaze légère et transparente, elle n’en sera point effarouchée ; mais prononcez devant elle un mot trop nu, quoique innocent, vous la ferez crier au scandale, à l’horreur.
Vous avez beau remonter à l’origine des choses et des idées ou à l’A B C de la grammaire et de la rhétorique, suivre un à un les pas de la logique ou faire appel au sens commun simplement, mettre en avant la raison ou, ce qui vaut mieux, la nature ; au fond de toutes vos théories littéraires il y a un sentiment, pas autre chose, analogue, non point au sentiment large d’un homme libre de préjugés qui trouve belles toutes les belles fleurs et belles toutes les belles femmes, chacune dans son genre de beauté, mais au sentiment étroit d’un petit propriétaire qui n’a d’yeux que pour les fleurs de ses plates-bandes et de ses pois, ou d’un jeune amoureux prêt à rompre les os au premier qui osera dire que sa maîtresse n’est pas la plus belle femme du monde. […] Vous faites comme notre amoureux de tout à l’heure, qui, s’il adore une femme aux yeux d’un bleu tendre et aux cheveux d’un blond cendré, s’écrie avec l’accent de l’enthousiasme et de la foi : « Voilà le fond d’une vraie beauté !
Indigne, scélérat, Déserteur de ménage & maudit renégat, Pour t’arracher les yeux.... […] Pour t’arracher les yeux.... […] Apprenons donc à distinguer les reconnoissances qui doivent se passer sous les yeux du public, d’avec celles dont le simple récit lui plaira davantage.
Ils n’ont pu se parler que des yeux : elle ne sait comment lui faire savoir qu’elle est sensible à sa recherche. […] J’ai mis le Lecteur à portée de juger Moliere & les cinq Auteurs qu’il a imités ; c’est à lui de prononcer en dernier ressort, quand nous aurons jetté les yeux sur quelques détails que notre comique a pris chez Térence. […] Et vous verrez ces visites muguettes D’un œil à témoigner de n’en être point sou ?
On sait trop bien dans Paris que vous avez de l’argent par-dessus les yeux, et qu’au lieu d’emprunter, vous prêtez à tout le monde : mais quelquefois, pour obliger, on se fait violence. […] Il faut parler toujours sans rien dire pour sembler spirituelle ; rire sans sujet pour paraître enjouée ; se redresser à tout moment pour étaler sa gorge ; ouvrir les yeux pour les agrandir, se mordre les lèvres pour les rougir ; parler de la tête à l’un, de l’éventail à l’autre ; donner une louange à celle-ci, un lardon à celle-là ; enfin, badiner, gesticuler, minauder 60 . » L’arrivée du printemps, qui amène le départ des officiers, jette le désarroi dans le monde des promeneuses, et les force à se rabattre sur les robins et les petits collets fort peu demandés en hiver : Heureux les bourgeois de Paris, Quand le plumet court à la gloire ! […] On irait là les examiner, on les mettrait au pas, à l’entre-pas, on les ferait trotter, galoper, et, sans s’amuser à la belle encolure qui souvent attrape les sottes, on ne prendrait que ceux qui ont bon pied, bon œil, et dont on pourrait tirer un bon service.
Il rencontre Arlequin, lui demande l’aumône : Arlequin lui donne un écu : Célio le remercie, puis jettant les yeux sur l’écu, il entre en furie, & levant le bâton sur Arlequin, il s’écrie : A moi un écu ! […] C’est trop, me disoit-il, c’est trop de la moitié, Je ne mérite pas de vous faire pitié : Et quand je refusois de le vouloir reprendre, Aux pauvres à mes yeux il alloit le répandre. […] Orgon pourroit bien en cela ressembler à Arlequin ; mais la ressemblance est si peu frappante, qu’il faut avoir de très bons yeux pour s’en appercevoir. […] Au premier jour d’après leur arrivée, Montufar se fit voir dans les rues, habillé comme je vous ai dit, marchant les bras croisés & baissant les yeux à la rencontre des femmes.
Peut-on se figurer l’importance qu’avait, aux yeux des autres et à ses propres yeux, l’habitant d’une petite ville de quinze cents ou de deux mille âmes, qui, seul de ses concitoyens, avait vu la Seine et le Louvre, les Tuileries et la Place-Royale, qui peut-être même avait aperçu le Roi allant à sa chapelle, ou montant dans son carrosse ? […] La prévention avait fasciné les yeux à ce point, qu’on vit l’ouvrage, non pas tel qu’il était, mais tel qu’on se l’était figuré d’avance. […] Admirons, en nous résumant, dans quelles erreurs étranges peut tomber un homme, d’ailleurs plein de lumières et de bonne foi, quand la prévention lui a mis son bandeau sur les yeux. […] Mais il a été prouvé plus d’une fois, dans le cours de la présente édition, qu’ils s’étaient permis d’altérer plus ou moins gravement le texte de leur auteur, constaté par des éditions faites sous ses yeux (voyez tome Ier, page 98, note 13). […] Tous deux sont dupes des artifices d’un personnage faux et cupide qui flatte leur manie pour s’emparer de leur bien et en frustrer leurs enfants ; mais, incapables de céder à la raison, ils ne peuvent être désabusés que par le témoignage de leurs sens : ils ne veulent pas se rendre, à moins de voir de leurs yeux et d’entendre de leurs oreilles.
Il s’occupa de reproduire le modèle incroyable qu’il avait sous les yeux, laissant aux lecteurs à venir, le soin de juger du mérite et de l’intérêt de la ressemblance. […] Pauvres femmes, dont nos pères se moquaient, leurs petits enfants vous ont cruellement regrettées quand ils se sont vus aux prises avec ces infantes prétentieuses, desséchées, hargneuses, un pied sur la tribune, un pied sur le Parnasse, échevelées avec art, mêlant la déclamation à l’enthousiasme, le hoquet au sourire, un œil en pleurs, un regard en gaîté, « cendre usée d’un flambeau allumé par Vénus » ! […] nous disait son regard (ses beaux yeux disaient tant de choses !) […] Elle vivait par le théâtre et pour le théâtre, et elle ne pouvait pas se consoler de n’être plus la fête de l’esprit, la fête des yeux et du cœur. […] Scribe à dater du jour où ce charmant esprit avait imaginé de couvrir d’un voile, et de charger d’un nuage, les deux beaux yeux de Valérie, afin que bientôt le voile tombant rendit une force inattendue à ce regard, perçant comme l’esprit, et tendre comme l’amour.
Don Juan ne voit le fantôme du Commandeur qu’avec les yeux de la chair ; Hamlet voit le fantôme de son père avec l’œil de son esprit ! […] Les uns et les autres, ils s’attendaient à un drame fantastique (le fantastique, tout comme le burlesque, est de tous les temps), et ils se voyaient en présence d’une immense comédie, où rien n’était sacrifié à l’amusement vulgaire et au plaisir des yeux. […] Chremyle est riche, il achète tout ce qui est à vendre… Survient alors l’éternelle entrave, l’éternel remords, la pauvreté, le pauvre de Don Juan, les yeux hagards et pleins de fureur ! […] J’ai sous les yeux la bouffonnerie du Point du Jour, écrite et composée sous l’invocation du Père Liber, étrange Dieu, accompagné de soixante-quatre voix, vingt-huit violes et quatorze luths ! […] — Véritable fille de l’Espagne, élégante jeunesse, visage charmant et brun, éclairé par ces deux grands yeux bienveillants et étonné ?
Il jeta les yeux autour de lui, disposé à reconnaître la faveur du roi, en faisant la guerre aux ridicules et aux vices de son temps. […] On prétend qu’il avait osé lever les yeux vers l’astre nouveau qui commençait à briller à la cour, vers la jeune La Vallière, cette tendre fille d’honneur. […] Ce que l’on appelle dot, les biens de la fortune, ne sont rien à mes yeux. […] Les amours de Clitandre et d’Henriette respirent une douce poésie de l’âme : ces natures si franches, si fidèles, si sûres d’elles-mêmes, relèvent l’espèce humaine à nos yeux. […] Telle est Henriette à nos yeux.
« Molière est le premier qui ait su tourner en scènes ces conversations du monde, et y mêler des portraits ; Le Misanthrope en est plein, c’est une peinture continuelle ; mais une peinture de ces ridicules que les yeux vulgaires n’aperçoivent pas. […] Les personnes qui attirent les yeux du public sont plus exposées que les autres à sa malignité et à ses plaisanteries. […] Mais quoiqu’ici je vous en die, Ce n’est rien, il faut sur les lieux, Poster son oreille et ses yeux. […] Élise, d’un autre côté, en lui permettant de faire cette supposition à son père, manque aux bonnes mœurs et à la bienséance ; et jamais l’on ne doit exposer de pareils modèles aux yeux du spectateur. […] C’est-à-dire, en un mot, ces fameuses merveilles, Dont je charme aujourd’hui, les yeux et les oreilles.
Mes yeux & mes soupirs vous l’ont dit mille fois ; Et pour mieux m’expliquer, j’emploie ici la voix. […] Lorsqu’il jette sur elle un regard sérieux, Son devoir aussi-tôt est de baisser les yeux, Et de n’oser jamais le regarder en face Que quand d’un doux regard il lui veut faire grace.
Jusqu’à ce moment nous avons dit notre façon de penser sur toutes les imitations bien ou mal faites qui sont passées sous nos yeux, nous allons suivre une autre méthode. […] Pour cet effet ils donnent le mot à Grégoire, métayer de Géronte & pere de Pasquin, qui vient la larme à l’œil annoncer à son maître que le feu du ciel est tombé sur sa maison de campagne & l’a réduit à la mendicité.
Molière l’abrégea, comme on peut s’en assurer par le texte imprimé sous ses yeux. […] Le maladroit faussaire avait été mieux servi par ses yeux que par son esprit et ses oreilles.
Il y a, à la vérité, un signe où elle reconnaît les grands hommes, et il n’est peut-être pas bien exact de dire que tous les objets soient égaux devant l’indifférence de sa curiosité ; Molière est mille fois plus intéressant à ses yeux que Cyrano de Bergerac, Pradon ou Boursault : « Plus un poète est parfait, dit-elle, plus il est national ; plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race ; la hauteur de l’arbre indique la profondeur des racines466. » Quoi qu’il en soit, l’école historique, je dis l’école historique idéale, à la considérer dans l’unité et la pureté de sa doctrine, annule la critique littéraire au sens où le langage a toujours entendu le mot de critique, puisqu’elle ne juge pas, ne blâme ni ne loue. […] Mais peut-être que tout à l’heure la musique de Haydn ou de Beethoven remplira vos yeux de larmes d’admiration, et me passera par-dessus la tête.
Moliere les a vues presque toutes, s’en est emparé, & les a traitées en grand homme : mais pourquoi n’a-t-il pas mis en action, sous les yeux du spectateur, le moment où la Princesse chante pour charmer son amant ? […] C’est trop vous tenir dans l’erreur, il faut lever le masque, &, dussiez-vous vous en prévaloir contre moi, découvrir à vos yeux les véritables sentiments de mon cœur. […] Devant mes yeux, Seigneur, a passé votre enfance, Et j’ai de vos vertus vu fleurir l’espérance : Mes regards observoient en vous des qualités Où je reconnoissois le sang dont vous sortez ; J’y découvrois un fonds d’esprit & de lumiere ; Je vous trouvois bien fait, l’air grand & l’ame fiere ; Votre cœur, votre adresse éclatoient chaque jour : Mais je m’inquiétois de ne point voir d’amour.
Il montra d’abord indifféremment tous les objets que lui offrait la société presque naissante ; il dut même, dans son origine, exposer aux yeux des spectateurs les infirmités de quelques personnages connus, et, par une imitation bouffonne, exciter le rire. […] Comment pourra-t-il animer la scène, intéresser, si le caractère qu’il a choisi se présente tout entier aux yeux du spectateur ? […] S’il est un principe certain, avéré, à l’abri de toute contestation, c’est que toute action dramatique doit reposer sur cette base, la vraisemblance : c’est sur elle que l’auteur doit porter l’œil le plus attentif ; qu’il évite surtout de la confondre avec le vrai.