On voit ressusciter plus de morts sur les théâtres d’Espagne, qu’on ne voit mourir de pieces sur les nôtres. […] La facilité avec laquelle on amene des événements singuliers, quand on veut s’étayer d’un pareil secours, leur a fait enfanter une infinité de pieces en ce genre, qu’ils n’ont pas manqué de nous apporter, lorsque nos Princes les ont appellés pour contribuer à leurs plaisirs. Il est certain que des comédiens étrangers, transportés en France, & devant des personnes qui pour la plupart n’entendent point leur langage, doivent être bien plus amusants avec des pieces remplies de spectacles & embellies de tous les prestiges de la magie, qu’avec les pieces les plus ingénieusement intriguées. […] Voilà ce qui séduisit nos peres, & ce qui fit enfanter toutes les pieces à machines qu’on représenta devant le fameux Cardinal, & la Circé de Thomas Corneille. […] Nous n’avons pas fait mention dans le Chapitre précédent de la Princesse d’Elide de Moliere, ni de sa Psyché, quoique ces deux pieces soient héroïques : nous n’en dirons rien dans celui-ci, quoique toutes les deux soient des pieces à spectacle : nous en parlerons dans le Chapitre suivant, parceque l’Auteur les a rangées dans la classe des Comédies-Ballets : ce qui prouve suffisamment que nos pieces à spectacle, nos Comédies-Ballets, ainsi que nos Comédies héroïques, ont toutes pris naissance, comme je l’ai dit, des Comédies héroïques des Espagnols.
Nous avons dans ce genre mille comédies qui sont plus sérieuses, plus philosophiques, que nombre de pieces bien intriguées. […] Des farces ou petites pieces à scenes détachées. […] Malheur à qui ne sait pas voir dans la derniere de ces pieces une exposition, une intrigue, un dénouement. […] Passons à la comédie des Fâcheux, & nous y verrons les mêmes combinaisons que dans les pieces les plus régulieres. […] Il confond les pieces de ce genre dans la classe des pieces dont nous venons de parler ; elles se ressemblent en effet par bien des côtés : il est cependant entre elles quelques différences qu’il est bon de faire remarquer.
Voulez-vous une raison plus convaincante, & qui prouve mieux qu’on ne veut plus de ces pieces à l’antique » ? […] « Pourquoi, dira-t-on encore, la foule ne court-elle pas aux pieces de Moliere » ? […] « Enfin, me répondra-t-on encore, pourquoi applaudit-on les pieces que vous n’approuvez pas » ? […] « Mais pourquoi ne nous donne-t-on plus de nouveautés dans le goût des pieces que vous prônez si fort » ? […] A-t-on si grand tort de dire que nombre de comédiens ne connoissent que leur rôle, même dans les pieces qu’ils représentent journellement » ?
de Voltaire, & quantité de nos meilleures pieces ; tout cela est inutile, si vous n’avez les plus grandes protections. […] Je connois des pieces reçues qui attendent depuis cinq ans les honneurs de la scene. Les Comédiens ont-ils trop de pieces, dispersez-les entre deux troupes. […] Aucune, puisqu’une de ses inconséquences est de ne lire que les pieces représentées avec fracas. […] — Les pieces anciennes : elles valent bien les nouvelles. — D’accord.
Une des pieces de Plaute a bien complettement ce défaut. […] Les Italiens ont nombre de pieces dans ce goût. […] Telles sont celles de Dave dans l’Andrienne de Térence ; telles sont celles de presque toutes les pieces anciennes que nous avons citées. […] Si l’Auteur juge ces pieces dignes de nos premiers treteaux, nous n’avons pas le plus petit mot à lui répondre. […] Nous avons dit en passant que les Anciens avoient le défaut de ne pas faire dénouer leurs pieces d’intrigue par l’intriguant même ; nous ne pouvons nous déguiser que nos pieces dans ce genre ont le même vice.
Je vais faire l’extrait des deux plus belles pieces héroïques du Théâtre Italien, toutes les deux prises de l’Espagnol, toutes les deux traduites en François. […] Il n’y a qu’à supprimer les deux Arlequins, & pour lors les deux pieces purement héroïques, & sans mêlange de bouffonneries, seront charmantes. […] Les François ont fait des pieces purement héroïques. […] Dès qu’il s’agit de grandeur, il y en a toujours dans les pieces espagnoles. […] Outre les pieces héroïques, dont nous sommes redevables aux Espagnols, nous leur devons encore les pieces à spectacles, & ce que nous appellons comédie-ballet.
Térence termine toutes ses pieces par le mot de plaudite, applaudissez. […] Regnard a fini son Légataire comme Plaute finit ses pieces. […] C’est apparemment la coutume où l’on a toujours été de voir des pieces sans commencement & sans fin, qui a introduit cet usage. Mais pourquoi finir par là des pieces très bien faites, comme la Casa con dos puertas, la Maison à deux portes, de Calderon, & les trois Freres rivaux, de la Font ? […] Goldoni, Auteur très estimable, & le restaurateur du théâtre Italien, adresse à la fin de quelques-unes de ses pieces un sonnet au spectateur.
Les Comiques ont jusqu’ici employé trois manieres pour remplir ou pour alonger leurs pieces à caractere par le secours des épisodes. […] De là ces pieces où le principal personnage a deux caracteres tout-à-fait opposés, comme nous venons de le remarquer. De là ces pieces encore, auxquelles l’Auteur a voulu donner de l’embonpoint, & qui ne sont que boursoufflées. […] A combien de nos pieces ne pourrions-nous pas appliquer ce proverbe ! […] De nos pieces voilà la peinture comique : Les détails, ce sont les brillants ; Et le fond, c’est la femme étique.
Les Espagnols, les Italiens se sont moqués très souvent de cette regle ; on voit dans leur théâtre des pieces qui annoncent un déréglement d’esprit inconcevable. […] L’Abbé d’Aubignac peut avoir raison de vouloir resserrer la durée d’une action ; mais il a tort de ne pas permettre que les actions comiques se passent durant la nuit : notre théâtre perdroit une infinité de fort bonnes pieces. […] Il en est ainsi des pieces à intrigue. […] Si Riccoboni n’avoit pas mis plus d’un fil, plus d’une intrigue, plus d’une action dans ses pieces, il n’auroit surement pas soutenu une aussi mauvaise cause, & auroit encore moins prétendu la défendre avec d’aussi foibles raisons. […] Quelques Auteurs n’ont introduit plusieurs fils, plusieurs intrigues dans leurs pieces, que parcequ’ils ont donné une même dose d’amour à tous leurs personnages, & qu’ils n’ont pas eu l’art de subordonner la tendresse de l’un à celle de l’autre.
Aussi dans le recueil immense de leurs pieces, n’en trouve-t-on pas une seule dont un homme de goût soûtienne la lecture. […] Voici le titre de deux de ces pieces, par où le lecteur pourra s’en former quelque idée. […] ) personne qui fait profession de représenter des pieces de théatre, composées pour l’instruction & l’amusement du public. […] Voilà donc deux causes du caractere des pieces d’Aristophane, le goût du peuple & celui de l’auteur. […] De-là vient qu’il y a dans ces pieces de mauvaises pointes, des bouffonneries, des turlupinades, de petits jeux de mots.
Voyons quel fut le succès des pieces que Moliere fit exprès pour la Cour. […] Il n’est pas nécessaire de citer Psyché, tragédie-ballet du même Auteur, pour prouver ce que j’ai avancé, & faire voir que les pieces composées pour des fêtes ne réussissent jamais quand on les livre au public, ou qu’elles n’ont du moins qu’un succès momentané. […] Moliere voyant par sa propre expérience, ou persuadé par la justesse de son goût, que les pieces faites pour amener des danses, des chants, des machines, des décorations, & analogues à la façon de penser ou à la situation momentanée de quelques personnes, ne pouvoient avoir qu’un succès passager, n’a traité dans ce genre que celles dont son maître ou les circonstances lui indiquoient le sujet. Toutes les fois qu’il n’a pas été enchaîné par des motifs aussi puissants, les agréments ont été faits pour les pieces, & non les pieces pour les agréments : aussi peut-on à volonté les admettre ou les retrancher sans toucher aux beautés solides de la piece.
Mais rapprochons sans partialité les choses qui se ressemblent dans les deux pieces. […] Nous avons déja vu dans le second volume de cet ouvrage, Chapitre XIII, des pieces intriguées par les Maîtres, que, dans les Fausses Infidélités, un fat maussade, nommé Mondor, entreprend de subjuguer les maîtresses de deux de ses amis ; qu’il leur écrit ; qu’elles se montrent les lettres ; qu’elles veulent punir l’original par un feint retour ; que l’un des rivaux de Mondor est jaloux ; que l’autre ne fait que rire d’une pareille rivalité ; que le premier reproche à son ami son sang-froid ; que le second le raille sur sa jalousie, &c. […] Si je fais un Chapitre pour parler des imitations répandues dans mes pieces, on trouvera peut-être mauvais que j’occupe le lecteur de moi-même ; si je n’en parle point, on m’accusera d’avoir voulu cacher mes larcins. […] La seconde de ces pieces est faite d’après une scene du Soldat fanfaron de Plaute ; la troisieme est imitée d’une partie de l’intrigue des Vingt-six Infortunes d’Arlequin, piece italienne, & d’une scene des Bacchides de Plaute. […] Quant à mes pieces données au théâtre italien par la troupe lyrique, un Conte m’a fourni l’idée du nouveau Marié, ou les Importuns, opéra comique d’un acte.
Moliere lui-même, au commencement de sa carriere, a suivi le torrent, s’est laissé entraîner par l’usage, & nous a peint les mœurs les plus anciennes, en introduisant dans ses premieres pieces quelques personnages tels que ses Marchands d’Esclaves & ses Filles dans l’esclavage. […] « Plaute & Térence, dira-t-on, ont mis la scene de la plupart de leurs pieces dans un pays étranger par rapport aux Romains, pour qui ces comédies étoient composées : l’intrigue de leurs pieces suppose les loix & les mœurs grecques. […] Quand ils composerent leurs pieces, la comédie étoit à Rome un poëme d’un genre nouveau, & les Grecs avoient déja fait d’excellentes comédies. […] Mais remarquons que de pareils portraits ne peuvent figurer que dans de petites pieces telles que le Procureur arbitre 40, ou la Coupe enchantée 41. […] Moliere, loin de bâtir l’intrigue d’une seule de ses pieces sur le vice ou le ridicule attribué à quelques-unes de nos provinces, n’a seulement pas daigné en faire des scenes détachées.
Les caracteres de tous les temps sont préferables aux autres pour deux raisons : la premiere, parceque si l’Auteur réussit à les peindre comme il faut, sa gloire est plus durable ; il n’est pas douteux que le spectateur ne prenne plus de plaisir à voir jouer sur le théâtre des travers, des ridicules ou des vices qui le frappent tous les jours dans la société, que s’il ne les connoissoit que par tradition : de telles pieces bien faites réunissent le double avantage de frapper toujours les connoisseurs & le commun des hommes : elles ont sans cesse les graces de la nouveauté60. […] Nous verrons, quand nous parlerons de l’Art de l’Imitation, que Moliere, pour composer la plus grande partie de ses pieces, & principalement son Avare, a pris des traits chez une infinité d’Auteurs qui avoient peint avant lui l’avarice. […] Je ne veux pas décourager les jeunes Auteurs qui entreprendroient de faire la guerre aux ridicules, aux travers, même aux vices naissants : au contraire, je leur ai fait voir les difficultés qu’il y a dans le succès, non pour ralentir leur zele, mais pour les engager à redoubler leurs efforts : je leur dirai même, pour les encourager, que si ces sortes de pieces procurent une gloire souvent moins durable, elle est ordinairement plus éclatante. […] Je puis répondre qu’ils ont cessé d’exister depuis si peu de temps, que nous nous rappellons encore leurs traits : d’ailleurs les pieces de Moliere peuvent se comparer aux portraits de l’illustre M.
Les comédies de ce genre sont premiérement moins naturelles, moins vraisemblables que les pieces dans lesquelles on n’admet aucun être surnaturel ; en second lieu l’Auteur ne sauroit que très difficilement y ménager une intrigue : si à force d’art il y réussit, cette intrigue doit, de toute nécessité, être défectueuse, puisqu’elle ne peut jamais rouler sur le principal personnage. […] Il faut bien se garder encore de confondre toutes les pieces à scenes détachées dans lesquelles une Divinité préside. […] Cet exemple suffit pour faire voir que les pieces de son espece peuvent pétiller d’esprit & de gaieté si la critique est juste, si les épigrammes sont enfantées par une fine raillerie, & non par la noire malignité ; mais il ne faut pas se dissimuler qu’elles n’étendent pas bien loin la gloire de leur Auteur, puisqu’elles ne font que paroître & disparoître, puisqu’elles ne durent que pendant la nouveauté des pieces qu’elles critiquent. […] Les pieces de cette espece sont beaucoup plus morales, plus philosophiques, & peuvent être plus long-temps à la mode que celles de la premiere classe, puisqu’elles font la satyre des mœurs, des caracteres vicieux, qu’elles y joignent des leçons excellentes, & que le cœur de l’homme varie bien moins que son esprit ; mais elles sont nécessairement plus froides, plus monotones. […] On doit y ranger toutes les pieces qui, comme la suivante, critiquent en même temps & le cœur & l’esprit, même les modes & les usages.
Térence n’a pas une de ses pieces qui ne soit précédée d’un prologue. Plaute s’épargnoit quelquefois, avec raison, la peine d’en faire, témoin son Curculion qui n’en a pas ; mais peu de ses pieces ont cet avantage. […] Un prologue précédoit toujours les pieces monstrueuses de nos anciens poëtes. […] Je ne veux pas décider sur les deux pieces..... […] Le parterre est une assemblée de gens d’esprit, qui sont les juges nés de toutes les pieces nouvelles.
On a dit que Destouches faisoit toujours contraster les deux premiers personnages de ses pieces ; c’est à tort, du moins dans celles de ses pieces qui sont restées au théâtre. […] nous serons forcés d’avouer le contraire, du moins dans quelques-unes de ses pieces. […] Il n’y a donc point dans cette scene, ainsi que dans les deux rôles, durant toute la piece, le moindre contraste d’intérêt, pas même celui que l’amour fait naître dans les pieces les plus médiocres. […] Je connois plusieurs pieces dans lesquelles le personnage mis en opposition avec le premier brille plus que lui, l’écrase si bien qu’il s’empare de toute l’attention des spectateurs, & passe aux yeux de la plupart pour le héros de la piece. […] Dans les pieces à caractere, le titre doit annoncer le caractere du héros ; l’exposition doit l’ébaucher ; toutes les scenes, même la plus petite, doivent le peindre, & le dénouement doit lui donner le dernier coup de pinceau.
Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que cet assemblage de pieces rapportées, en apparence fait au hasard, & sans esquisse, formoit un tout agréable. […] Nous allons voir si les pieces de Dufresny s’en ressentent. […] Toutes les deux, loin d’être amenées naturellement dans ces deux pieces, y tombent des nues : il reste à juger les deux scenes détachées. […] Nous avons assez parlé des imitations qui ont fait tomber les pieces de Dufresny : passons à celles qui lui ont valu des succès dans la nouveauté de ses pieces, ou à leur reprise. […] Nous les aurions sans cesse confondus, si nous eussions suivi la date de leurs pieces.
Plaute & Térence ont distribué toutes leurs pieces en cinq parties ; en conséquence il fut un temps en France où une comédie qui auroit eu moins de cinq actes, auroit paru un monstre, quelque bonne qu’elle eût été d’ailleurs. […] Il n’a pas introduit sur notre théâtre les petites pieces ; il n’en est que le restaurateur. […] Bientôt nous suivîmes les traces des Italiens, comme ils ont depuis suivi les nôtres ; & nous fîmes des pieces en trois actes, comme ils en font présentement en cinq. […] La division des pieces en trois actes est beaucoup plus naturelle & infiniment plus aisée. […] Il est des pieces qui, comme je l’ai fait voir dans le Chapitre de la liaison des scenes, laissent le théâtre vuide ou sans acteurs plusieurs fois dans un acte.
Le stratagême dont Cléante se sert est employé dans plusieurs pieces italiennes. […] Bien des gens prétendent que la réception burlesque du Malade imaginaire est aussi imitée des Italiens : je n’ai trouvé rien d’approchant dans aucune de leurs anciennes pieces. […] Un Auteur propose deux pieces à Trivelin qui les trouve jolies, mais il a besoin d’un prologue. […] « Scarron, me dira-t-on peut-être, pouvoit connoître seulement les pieces qu’il a imitées, ou, pour mieux dire, qu’il a traduites ». […] Pourquoi ne les a-t-il pas insérées dans ses pieces de théâtre ?
Les divers déguisements qu’ils ont introduits dans leurs pieces pour y servir de base à l’édifice entier, ont tous la même cause, le même but, & le public sait trop bien que tous ne servent qu’à éprouver l’humeur, le caractere, la fidélité d’une personne qu’on veut épouser, ou à parvenir à lui parler ou à lui remettre une lettre. […] Oui par la forme, & jamais par le fond : je puis aisément le prouver par les plus fameuses de nos pieces fondées sur un déguisement. […] Nous avons encore un très grand nombre de pieces dans lesquelles une femme se déguise en homme, un homme en femme, en jardiniere, en soubrette : ces déguisements sont dignes pour la plupart de figurer avec ceux d’Arlequin statue, enfant, perroquet, ramonneur, fauteuil, petit More, squelette, &c. […] Il y a dans un très grand nombre de pieces intriguées par des déguisements, un vice que nos prédécesseurs tiennent de nos voisins : il a été toléré dans la renaissance des Lettres en France, mais il feroit certainement siffler aujourd’hui un Auteur.
Quoique les pieces intriguées par une ressemblance ne soient pas les meilleures, on a cependant grand tort de vouloir les bannir de la scene. […] Le Théâtre Italien a quantité de pieces intriguées par une ressemblance, dans lesquelles un seul acteur ne joue pas deux rôles : dans les deux Arlequins, piece calquée sur les Ménechmes de Plaute, il faut nécessairement deux Arlequins. […] Mais quand les Italiens ne mettent pas la ressemblance sur le compte de leurs personnages masqués, leurs pieces ont le même défaut, la même invraisemblance que les Françoises, & leurs spectateurs ont autant besoin de bonne volonté que les nôtres pour se prêter à la fiction. […] Tout cela prouve que les pieces intriguées par une ressemblance demandent le plus grand art. […] C’est ce que j’ai tâché de faire dans une de mes pieces, intitulée le Tuteur dupé, mais plus connue sous le titre de la Maison à deux portes.
Il faut bien se garder de confondre les pieces intriguées réellement par le hasard, ou celles qui paroissent intriguées par le hasard. […] « Dans les pieces intriguées par le hasard, aucun des personnages n’a dessein de traverser l’action, qui semble aller d’elle-même à sa fin, mais qui néanmoins se trouve interrompue par des événements que le pur hasard semble avoir amenés. […] Riccoboni s’est trompé : on ne peut absolument pas compter l’Amphitrion parmi les pieces intriguées par le hasard ; le hasard n’y préside ni au principe de l’action, ni aux incidents, ni au dénouement, & il s’en faut bien que les personnages n’aient aucun dessein de traverser l’action. […] Après avoir prouvé que les pieces citées par Riccoboni ne sont nullement intriguées par le hasard, ajoutons que les pieces dans lesquelles le hasard présideroit seul au principe, à l’intrigue & au dénouement, seroient aujourd’hui très peu estimées, & le mériteroient. […] Les coups du hasard, quoique nombreux, sont mieux ménagés dans la Cistelaire que dans les deux premieres pieces.
Il donna avant & depuis ce tems-là, plusieurs pieces dans le veritable goût de la comedie, que nos auteurs avoient negligé, corrompus par l’exemple des Espagnols & des Italiens, qui donnent beaucoup plus aux intrigues surprenantes, & aux plaisanteries forcées, qu’à la peinture des mœurs & de la vie civile. Les plus excellentes pieces de Moliere, sont le Misanthrope, le Tartuffe, les Femmes sçavantes, l’Avare, & le Festin de Pierre. […] & qui a composé diverses pieces de theâtre, la Polyxene, des Epîtres, &c.
Diderot sur sa parole ; mais je sens bien vivement le bonheur de me trouver de son sentiment à l’égard des pieces de théâtre. […] Une piece d’un nouveau genre paroît, elle est soutenue par une cabale puissante, un acteur en impose à la multitude en y extravagant ; on part de là pour dire que toutes les pieces doivent être faites & représentées comme celle-là : elle a réussi, il n’importe comment. […] D’ailleurs, loin de penser que Moliere soit l’ami des contrastes, je l’en crois l’ennemi capital ; du moins ai-je de la peine à trouver un contraste parfait dans une seule de ses pieces à caractere. […] Je ne parle pas de l’Ecole des Femmes & de l’Ecole des Maris, parceque les héros de ces pieces n’ont pas de caracteres décidés ; ils n’ont que des nuances de plusieurs autres caracteres, du Jaloux, du Bourru, &c. […] Toutes les pieces de Moliere fourmillent de pareils contrastes.
Il prétend qu’une intrigue amoureuse est utile aux pieces d’intrigue, mais que les fables à caractere peuvent se passer d’un semblable appui. […] On me dira peut-être que le grand art d’un Auteur est de savoir plaire, & que, puisque les scenes amoureuses ravissent, enchantent, nos poëtes font très bien d’en larder plusieurs dans leurs drames, & de faire même des pieces exprès pour en amener. […] Qu’on parcoure tous ses ouvrages : quand une fois la fable de ses drames est en train, il n’en interrompt jamais la marche rapide par la conversation de deux amants assez désœuvrés pour faire des dissertations sur l’amour ; ou lorsqu’il a mis des scenes amoureuses dans ses pieces, il a trouvé l’art de les animer. […] Que les Auteurs s’appliquent donc à rendre leurs amants intéressants, à mettre leurs scenes amoureuses en action, & qu’étudiant l’art inconcevable de Moliere, ils apprennent à tout vivifier comme lui, & sur-tout à ne point affadir leurs pieces en croyant les rendre touchantes. […] Boissy avoit le talent d’intéresser ses spectateurs en saisissant habilement la folie du jour, en aiguisant sa critique par les traits du vaudeville ; mais aussi la plupart de ses pieces ont-elles disparu avec l’anecdote qui les avoit fait naître.
A mesure qu’il travaille, la sécheresse, l’ingratitude de son sujet font naître mille difficultés, qu’il est besoin de vaincre ou d’écarter l’une après l’autre : de là ces scenes tout-à-fait décousues ou préparées avec effort ; de là ces expositions continuelles ; de là ces pieces monstrueuses, qui, quoique remplies de ces écarts de l’esprit, de ces traits de lumiere qui décelent de grands talents aux yeux des connoisseurs, déplaisent cependant au grand nombre, & se voient sacrifiées, avec quelque justice, à ces drames sans feu, sans imagination, & qui ne doivent tout leur mérite qu’au choix heureux d’un sujet pris dans un roman. […] L’homme que nous avons supposé ne manquera pas de s’écrier que le Dépit Amoureux est une des plus belles pieces de Moliere, puisqu’il en est peu où l’on trouve un si grand nombre de beautés ; & il sera tout étonné quand on lui dira que c’est une des moins bonnes. […] Comme ces six titres annoncent six pieces à caractere, nous ne les analyserons que lorsqu’il sera question du choix & de la distinction des caracteres. […] Il semble donc que nous devrions parler, à la suite de ce Chapitre, du but comique & moral ; mais nous réserverons cette matiere pour le volume où il sera question du genre des pieces. […] J’ai rapporté plusieurs petites tirades de cette piece, parcequ’elles m’ont servi, non seulement à rendre l’extrait de chaque scene plus rapide, mais encore parcequ’elles mettent le Lecteur à portée de juger de la versification de Moliere dans ses premieres pieces, de la comparer dans la suite avec celle de ses dernieres, & d’y remarquer à quel point l’Auteur avoit su châtier son style.
Leurs meilleures pieces sont, de l’aveu de tout le monde, l’Avocat Patelin, & le Muet. […] Le fonds de l’intrigue est le même dans les deux pieces. […] Les Scenes des deux pieces comparées. […] Les dénouements des deux pieces comparés. […] L’Eunuque valut considérablement au Poëte Latin, puisque les Ediles lui en donnerent huit mille pieces, c’est-à-dire, deux cents écus, qui en ce temps-là étoient une somme considérable.
Les trois premiers titres sont bons, en ce que les trois pieces instruisent de leur devoir les maris, les amis, les meres. […] Dans les deux dernieres pieces, Arlequin & l’Indienne, tout en étalant la simplicité de leurs mœurs, font la critique des nôtres. […] Je me dispenserai d’analyser encore ces différentes pieces pour voir si leurs titres leur conviennent. […] Ces titres sont dans le même cas que les précédents ; nous en parlerons dans un des Chapitres destinés aux pieces à caracteres.
Je nomme pieces intriguées par une chose inanimée, celles, par exemple, auxquelles une lettre, un ou plusieurs portraits, servent de fondement. […] On peut décider aisément de l’effet que produit dans ces deux pieces la chose inanimée. […] Je ne citerai aucun exemple des pieces intriguées par une lettre ; tout le monde sait qu’un Auteur pourroit sans peine faire dix actes par le secours d’un billet sans dessus.
D’Ancourt, Regnard & plusieurs autres ont presque toutes leurs pieces dans ce genre. […] Bien s’en faut que les moralités de toutes les pieces soient aussi sensibles. […] Il l’a bien prouvé dans ses autres pieces. […] De toutes les pieces de Regnard, celle-ci fait voir un plus grand nombre de scélérats bien récompensés. […] Dans la derniere de ces pieces, le héros trouve entre les mains de sa femme le portrait d’un jeune homme ; un instant après, il voit dans sa maison l’original du portrait.
« Mais, me dira-t-on, il s’agit ici des pieces intriguées par des noms, & vous ne nous citez que des bouts de scenes amenées par des noms ». […] Que mes filles, Monsieur, ont sur elles les pieces Que contient ce mémoire especes par especes. […] Il est des pieces dans lesquelles les acteurs, à l’aide d’un nom changé, jouent un personnage qui n’est pas le leur : mais il n’est pas question dans cet article de cette espece de comédie, parceque c’est du personnage qu’ils jouent, & non du faux nom, que naissent les situations & les plaisanteries : ces pieces doivent se ranger dans la classe de celles qu’un déguisement intrigue ; il étoit essentiel de faire en passant cette remarque.
Sa Troupe fut arrêtée tout-à-fait au service de sa Majesté l’an 1665, & il continua jusques à sa mort à donner des pieces qui eurent un grand succés. […] Les Poëtes, comme je l’ai déjà dit, ne laisserent pas tomber cette occasion de pointiller ; ils firent courir quantité de petites pieces : mais « dde tout ce qu’on fit sur cette mort, rien ne fut plus approuvé que ces quatre vers Latins, qu’on a trouvé à propos de conserver : » Roscius hic situs est tristi Molierus in urnâ, » Cui genus humanum ludere, ludus erat. […] Je croi pouvoir dire qu’en fait d’Ouvrages de plume, il n’y a gueres de choses où tant de gens aient reconnu la supériorité de ce siecle, que dans les pieces comiques. […] Moliere épousa la petite Bejard quelque tems après avoir établi sa troupe à Paris ; il fit quelques pieces de theatre, & entre autres la Princesse d’Elide, où sa femme qui joua la Princesse, d parut avec tant d’éclat, qu’il eut tout lieu de se repentir de l’avoir exposée au milieu de cette jeunesse brillante de la Cour. […] On y trouve plusieurs autres pieces semblables, avec une oraison funebre en prose un peu badine.
L’on vous accommode de toutes pieces, sans que vous puissiez vous venger, & la gentilhommerie vous tient les bras liés ! […] Nous avons dit ailleurs qu’un Auteur devoit donner à son héros l’âge où sa passion, son vice, son ridicule ont ordinairement le plus de force ; mais ne pourroit-on pas aussi, à l’exemple des Italiens qui font plusieurs pieces sur le même sujet pour suivre une intrigue, ne pourroit-on pas, dis-je, faire plusieurs pieces pour épuiser un caractere, en nous peignant sa naissance, ses divers progrès, & sa fin ? […] Je ne me suis engagé ni à faire les comédies dont je viens de parler, ni à fournir les matériaux suffisants ; mais, je le répete, je suis fermement persuadé qu’on pourroit donner dans plusieurs pieces suivies l’histoire d’une passion, d’un vice, d’un ridicule, &c.
Examinons de sang froid toutes les pieces dont l’action ne commence qu’après la fin ordinaire des autres, c’est-à-dire après le mariage des principaux personnages. […] Il n’est pas, comme on l’a prétendu, le créateur du comique larmoyant ; plusieurs Auteurs avant lui, Plaute & Térence même, ont donné des pieces dans ce genre. […] Piron appelloit les pieces de cet Auteur les Sermons du révérend Pere la Chaussée.
Il ne sera pas question ici des imitations répandues dans la quantité prodigieuse de pieces que M. […] Une Dame venoit d’acheter deux ou trois pieces d’étoffe ; sa niece entre, fait l’éloge des étoffes, trouve sur-tout l’une des pieces charmante. […] Quand l’Avare, les Femmes savantes & ses meilleures pieces sont tombées aux premieres représentations, auroit-il été le maître de les faire reprendre dans un temps plus favorable ?
Que cela soit vrai ou non, les partisans outrés de Racine le rapportent pour prouver la vérité de sa diction ; ils ont raison, mais ils ne prouvent point ainsi la vérité & sur-tout la vivacité de l’action de ses pieces. […] Je sais qu’il y a des pieces dans lesquelles l’Auteur ne s’est pas embarrassé de lier les incidents. […] Il en est cependant dans Moliere, même dans les pieces que l’ignorance & le sot bel esprit croient avilir en les nommant des farces.
Guidé par la nature, le goût, le discernement, il connut qu’un poëte dramatique, loin de se faire une diction à lui, ne doit avoir que celle que le caractere de ses pieces ou de ses personnages amene naturellement. […] Nos Auteurs modernes ne se sont pas contentés d’employer la même diction pour toutes leurs pieces sans distinction ; ils ont poussé la chose jusqu’au point de faire parler tous leurs personnages sur le même ton. […] Les Auteurs qui sont venus après le pere de la vraie comédie, ont, je n’en doute point, tenté de marcher sur les traces de ce grand homme, & de présenter leurs idées avec des expressions naturelles, comiques, intelligibles aux spectateurs les moins éclairés : mais la nature a épuisé ses dons en faveur de Moliere, & s’est montrée avare pour ses successeurs, qui n’ayant pas un génie capable d’imaginer des fables nouvelles, d’imiter heureusement celles des Anciens, ou de profiter des idées des nations voisines ; ne pouvant enfanter que des pieces dont l’action & le mouvement suffisent à peine pour soutenir un seul acte, & ne voulant pas ressembler à Poisson, qui se nommoit plaisamment un cinquieme d’Auteur, parcequ’il n’avoit fait que de petites pieces, imaginerent d’amuser le spectateur & de l’éblouir par des pensées brillantes. […] Un Roi, aussi grand par lui-même que par son rang, a dit dans ses ouvrages, qu’il aimeroit mieux se voir jouer dans une comédie bien faite & dans le bon genre, que d’assister seulement à l’une de nos pieces modernes. […] Si les Auteurs ont le plus grand tort du monde de mettre, dans leurs pieces, des choses qui ne tiennent qu’au caprice d’un lieu ou d’un moment, comment peuvent-ils, sans frémir, employer des mots, des expressions qui, bien souvent, ne sont de mode que vingt-quatre heures, & dans une seule ville.
Les étrangers ont la hardiesse de reprocher à Moliere que ses pieces ne sont pas intéressantes. […] Les pieces intéressantes des Espagnols sont encore plus monstrueuses. […] Je donne un défi aux pieces les plus intéressantes de tous les Théâtres, & je leur fais l’affront de leur opposer Pourceaugnac, bien entendu qu’on en supprimera les bondi & les lavements, enfin tous les intermedes, puisqu’ils ne sont pas de la piece, & qu’on les a confondus à tort dans les scenes. […] On projette de rompre ce ridicule mariage à force de jouer des pieces au prétendu.
67 Cette regle prescrite par la raison, est sur tout plus essentielle dans les pieces à caractere. […] Je puis trouver des exemples dans tant de pieces, que je n’en citerai aucune. […] Mille pieces en finissant me laissent inquiet sur le sort de quelque acteur : dans le Tartufe, par exemple, le fils d’Orgon m’a dit dès le premier acte, qu’il est amoureux de la sœur de Valere ; je voudrois bien qu’un mot m’apprît au dénouement si ses feux seront couronnés. […] Je ne parle point des pieces qui sont sans dénouement, telles que celles où, pour terminer par quelque chose, l’on invite les acteurs à aller se mettre à table.
Nous donnerons donc le titre de comédie allégorique aux pieces dans lesquelles l’Auteur, mettant continuellement sur la figure de Thalie le masque de l’allégorie, change le nom des choses, défigure même les personnes, & laisse au spectateur intelligent le soin de développer le sens caché. Nos premiers Dramatiques cachoient dans leurs pieces allégoriques une moralité ; ils s’y érigeoient en médecins spirituels ; quelques-uns bornoient leurs charitables soins à la santé du corps : peu à peu devenus moins pieux, moins zélés pour le bien de leur prochain, ils ont fait servir l’allégorie à couvrir des images ou des propos indécents. […] La liste de leurs pieces allégori-satyriques est très longue. […] Nous avons quelques petites pieces parsemées de traits allégoriques, si fins, si délicats qu’elles rentrent dans le genre gracieux dont nous allons parler.
Baron est particuliérement imitateur, traducteur, ou copiste, dans trois de ses pieces ; le Jaloux, l’Andrienne, & les Adelphes ou l’Ecole des Peres. […] Une lettre déchirée l’a produite dans les deux pieces. […] Les héros des deux premieres pieces ne s’amusent pas à de pareilles minuties. […] Toutes les fois que j’ai lu cet Auteur, je me suis étonné comment, depuis tant de siecles, personne ne s’est avisé de nous donner une de ses pieces telles qu’elles sont. […] On publia de même à Paris, lorsque la Coquette & l’Homme à bonne fortune y parurent, que ces deux pieces étoient de M. d’Alegre, & l’on donna l’Andrienne à un Jésuite.
Moliere, le divin Moliere lui-même, n’a pas quatre pieces qui ne soient imitées, en général ou en partie, d’un autre Auteur ; & je vais le prouver : loin de vouloir par-là diminuer le nombre de ses lauriers, je prétends leur donner un nouvel éclat, puisque Moliere a si bien embelli ses copies, qu’on les préfere aux originaux, qu’il est devenu lui-même un objet d’imitation pour ses successeurs, & que tous n’ont obtenu des suffrages qu’en se rapprochant de ce grand homme. […] Ce seroit aussi un sûr moyen de le rendre piquant, si, en parlant de quelques pieces modernes, j’étendois un peu mes réflexions ; mais je ne me permettrai pas d’égayer ainsi le Lecteur.
Si toutes les bonnes pieces qui sont dans le Recueil de d’Ancourt étoient de sa composition, nous nous garderions bien de ne le placer qu’après Dufresny, Brueys & Palaprat : mais personne n’ignore que l’Impromptu de la Garnison fut envoyé de Namur aux Comédiens ; que la folle Enchere est d’une Dame14, les Trois Cousines de Barrau, & que Saint-Yon est le véritable auteur du Chevalier à la mode & des Bourgeoises à la mode, deux pieces excellentes en cinq actes, qui valent elles seules toutes les comédies de d’Ancourt. On sait encore que d’Ancourt, assistant aux lectures faites à l’assemblée des Comédiens, mettoit à profit les bonnes choses qui se trouvoient dans les pieces refusées. […] Ces romans étant excellents, les pieces ne peuvent être mauvaises que par la faute de l’imitateur. […] L’analyse de ces deux pieces doit non seulement prouver la mal-adresse, le peu de goût de d’Ancourt, elle peut encore nous faire juger de la gaucherie avec laquelle les Auteurs les plus spirituels15 ont transporté les pieces étrangeres sur notre théâtre, sans les accommoder à nos mœurs, à nos usages, à nos bienséances, sans même leur ôter leurs invraisemblances les plus ridicules. […] Plusieurs de ses petites pieces, comme le Fonds perdu, la Désolation des Joueuses, la Maison de campagne, la Gazette, la Foire de Bezons, les Eaux de Bourbon, la Loterie, &c.
Son cœur s’envole en pieces de son sein ; il en sort des éclairs : elle arrachera le cœur à Don Carlos, & déchirera ensuite le sien pour détruire le portrait de l’ingrat. […] Le Lecteur peut décider dans laquelle des deux pieces cette petite saillie de gaieté est mieux à sa place. […] « Charles Coypel, d’une famille fertile en grands peintres, & même très savant dans cet art, né en 1695, & mort en 1752, avoit composé plusieurs pieces de théâtre, dont quelques-unes ont été jouées à la Cour, les autres sur des théâtres de société. […] J’ai mis toutes ces pieces sous l’année 1718, parceque le 10 Juillet de cette année on joua à la Comédie Italienne une piece dudit sieur Coypel, intitulée les Amours à la chasse, & que c’est la premiere qu’on connoisse de lui. […] Si le Seigneur éclairé à qui nous devons la Bibliotheque du Théâtre, donnoit au Public le recueil de Coypel, il feroit de cet Auteur un homme célebre, quand même toutes ses pieces ne seroient que médiocres.
Comment a fait Moliere, me dira-t-on, quand de l’Avare de Plaute & de plusieurs autres ébauchés dans dix pieces différentes, il a composé le sien ? […] Au reste, je ne prétends pas exclure de la scene cette espece de caractere mitigé, s’il m’est permis d’employer cette expression, dont nous venons de parler ; il peut très bien figurer dans de petites pieces, dans des scenes épisodiques, ou chez des personnages subalternes, pour faire opposition avec des caracteres principaux qui sont très rares, quoi qu’on en dise, du moins ceux qui peuvent figurer dans une piece à grande prétention. […] Dans l’une de ces pieces le héros cherche à se loger dans une chambre placée vis-à-vis un des reverberes des rues : il espere par-là pouvoir se passer de lampe.
D’Ancourt est l’homme qui a le mieux dialogué ses pieces. […] Pour prouver ce que j’avance, revenons à deux pieces que j’ai citées plus haut. […] Lelio raconte le plan d’une de ses pieces. […] Le Poëte offre plusieurs pieces au Chef, qui sont toutes refusées. […] J’estime infiniment le Seigneur Goldoni ; mais, à sa place, j’aimerois mieux avoir fait vingt pieces de moins, & n’être pas l’Auteur d’un pareil vomitif.
L’Amour, fugitif dans les deux pieces, s’amuse à séduire les Nymphes de Diane. […] Les pieces dans ce goût ne doivent être que des miniatures. […] On voit dans l’ancien théâtre plusieurs pieces sous ce titre.
Cela est vrai : mais il faudroit les distribuer avec prudence, ne pas en mettre sans nécessité, & sur-tout ne pas en faire une trop grande quantité ; ou bien on a tout l’air d’avoir travaillé ses scenes principales avant que d’avoir dressé son plan, & de n’avoir fait ses monologues que comme autant de pieces de marqueterie ou de remplissage, pour les accrocher tant bien que mal les unes aux autres. […] Je vois d’ici un monologue qui est gai, dans lequel le personnage se livre, nous expose son affaire la plus pressante, ses projets, & les met en action ; qui fournit à lui seul plus de jeu théâtral que bien des pieces ; qui est très applaudi, sur-tout quand il est joué par un bon acteur ; & qui avec cela, toute réflexion faite, ne vaut rien. […] Ils n’ont pu résister, Madame, à notre effort : Nous les avons taillés en pieces, Mis Ptérélas leur chef à mort, Pris Télebe d’assaut ; & déja dans le port Tout retentit de nos prouesses.
Voilà sans doute la raison pour laquelle nous avons un très petit nombre de pieces dans ce genre. […] Je présenterai, pour modele & pour exemple, un trait de fourberie pris dans une de mes pieces. […] Il regne dans ses pieces tragiques un ton fade & doucereux qui fit dire à Boileau : Les héros, dans Quinault, parlent bien autrement ; Et, jusqu’à je vous hais, tout s’y dit tendrement.
Je le sais bien ; mais il auroit dû garder la science & l’air de dignité qu’il avoit puisés dans ses négociations pour ses opérations politiques seulement, & se montrer moins digne, moins froid, moins guindé, dans ses pieces ; il n’auroit tenu qu’à lui : il suffit de voir son triple Mariage pour s’en convaincre. […] Je me garde bien de penser qu’il faille avilir notre scene par la peinture des mœurs de la vile canaille ; mettre sur notre théâtre, comme sur celui d’Italie, tous les caracteres sur le compte d’un personnage bas, & nous amuser ou croire nous amuser, pendant cinq actes, avec les fripponneries de deux coquins, comme dans une de leurs pieces intitulée les grands Voleurs. […] On se lasse de la mauvaise compagnie sur le théâtre comme dans le monde, & l’on dit des Auteurs qui font de pareilles pieces, ce que Despréaux dit du satyrique Regnier.
Je dois faire remarquer qu’il y a un grand défaut dans la piece que je viens de citer, & que ce défaut est très ordinaire aux pieces dans lesquelles un seul intrigant paroît sous plusieurs travestissements. […] Après avoir prouvé que plusieurs intrigants nuisent à une piece lorsque leurs ruses tendent toutes au même but, tâchons présentement de faire voir que deux intrigants rendroient au contraire les pieces plus piquantes, si, loin de travailler pour parvenir à la même fin, ils se croisoient au contraire de dessein prémédité, & agissoient pour se nuire.
Le meilleur, à mon avis, est de nous familiariser avec les pieces de Moliere, de les analyser, de les méditer ; nous y apprendrons l’art si difficile de mettre en œuvre tous les caracteres, d’apprécier au juste ce que chacun d’eux peut produire, de l’isoler ou de l’associer à un, deux, trois, ou plusieurs autres personnages en conséquence de leur valeur précise, afin que tous puissent produire l’effet dont ils sont capables, sans se nuire mutuellement. […] On ne manquera pas de répondre « que la comédie des Fâcheux est épisodique ; qu’il seroit bien désagréable, lorsqu’on a plusieurs petits caracteres à placer, de ne pouvoir faire que des pieces à scenes détachées ».
Tous les connoisseurs regardent chaque scene d’une comédie comme autant de petites pieces qui, liées & réunies ensemble, composent un poëme dramatique en un ou plusieurs actes. […] vont s’écrier les personnes qui, ne jugeant que sur parole, croient le Misanthrope sans défaut, & le mettent au-dessus de toutes les pieces de Moliere, parceque Boileau a dit : Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnois plus l’Auteur du Misanthrope. […] On part de là pour prouver que toutes les pieces devroient être faites comme le Misanthrope ; & que si Moliere avoit vécu davantage, il n’auroit travaillé que dans ce genre. […] signifioit je parviendrai à lier fortement toutes les parties de mes drames à l’action principale, à rendre tous mes personnages si nécessaires, qu’on ne puisse pas les accuser d’être épisodiques, & de n’être amenés sur la scene que pour faire briller le principal ; à unir si bien mes plus petits ressorts au ressort principal, qu’ils concourent ensemble à un dénouement qui satisfasse le spectateur sur le sort des principaux personnages, & non sur celui des subalternes : enfin je parviendrai à faire des pieces plus propres à être jouées sur un Théâtre qu’à être lues dans une Académie.
Toutes nos pieces modernes semblent se disputer le droit de nous en fournir des exemples. […] Il est aisé de voir, dans nombre de nos pieces, que leurs Auteurs se sont donné beaucoup de peine pour choisir les noms de leurs personnages, & qu’ils ont cru par-là ajouter beaucoup au comique ou au moral de leur ouvrage. […] Il s’est bien gardé, dans ses grandes pieces, d’employer de pareils ressorts pour exciter le rire. […] Les noms qui indiquent le pays des personnages ne sont encore bons que dans les petites pieces, ou dans les farces. […] Dans la derniere de ces pieces il composa le principal rôle pour Dufresne, qui le rendit très bien : on dit même qu’il ne le quittoit pas hors du théâtre.
Mais les pieces sont plus souvent lues que représentées ; le lecteur ne voit pas la décoration : d’ailleurs il faut que l’Auteur m’apprenne positivement chez qui ou devant la maison de qui je suis. Il est juste qu’après avoir cité les pieces dans lesquelles Moliere a satisfait à cette regle, je cite celles où il l’a négligée. […] On pourroit reprocher la même faute à presque toutes les pieces des anciens ; & quand Moliere fit le Dépit Amoureux, il les imitoit jusques dans leurs défauts. […] Nous nous étendrons plus au long sur ce défaut, quand nous traiterons des pieces à caractere.
Voilà de quoi faire six pieces excellentes, divines, s’écrient d’abord les enthousiastes. […] En second lieu, le Défiant est plus difficile qu’on ne pense à mettre sur la scene, parcequ’on doit nécessairement le rendre la dupe de son caractere ; ce qui n’est pas aisé, puisqu’on ne sauroit le faire trahir par un de ses confidents, comme l’on a fait dans mille autres pieces. […] Moliere n’a traité que deux ou trois caracteres généraux ; toutes ses pieces fourmillent pourtant de caracteres. […] Si j’exhorte les Auteurs à connoître toutes les pieces de nos différents comiques avant que de traiter un sujet, c’est que j’ai éprouvé les dangers & les désagréments qu’on risque à ne pas le faire.
Il lui couvrit la tête d’un petit morion doré, couvert de plumes, lui ceignit une épée, & lui ayant mis une lance à la main, lui dit « que la vie des femmes mariées qui vouloient être estimées vertueuses, étoit de veiller leurs maris pendant leur sommeil, armées de toutes pieces comme elle étoit ». […] Cependant l’imbécille Laure ne manquoit pas de passer les nuits armée de toutes pieces, & de passer les jours auprès d’un ouvrage qu’elle avoit appris à faire au couvent. […] La nuit vint, il entra dans le jardin, & monta le plus doucement qu’il put jusqu’à la chambre de Laure, dans le temps que la stupide se promenoit à grands pas dans sa chambre, armée de toutes pieces, & la lance dans la main, suivant les salutaires instructions de son extravagant mari. […] J’entends plusieurs de mes Lecteurs se dire intérieurement qu’il est bien aisé de composer des pieces quand on a sous la main d’aussi bons matériaux. […] Si je savois quelqu’un qui se pût figurer De cajoler ma femme & me déshonorer ; Il seroit hors d’état de faire des caresses, Car je déchirerois son corps en mille pieces.
Vois naître tour à tour de nos feux triomphants, Des pieces de théâtre & de rares enfants ! […] On peut voir aisément ; par les pieces à caractere de Moliere, la différence qu’il y a d’une comédie qui laisse perdre de vue le héros ou le sujet promis, avec celles qui, dans chaque scene, développent aux yeux du spectateur le travers, le vice ou le ridicule annoncé par le titre. […] (Il ouvre la bourse & en tire quelques pieces.)
Nous pouvons encore faire remarquer que ses pieces intitulées, le Bal, le Carnaval de Venise, les Vendanges, ne sont imitées de nulle part, & qu’elles sont ignorées ; tandis que toutes ses autres comédies, qui fourmillent d’imitations, sont représentées journellement. […] Tout cela est pris de Plaute, mais de deux pieces différentes. […] Si vous en exceptez cette différence, qui n’est pas à l’avantage de Regnard, les deux pieces sont les mêmes pour le fond du sujet, les caracteres, les moyens & l’intrigue. […] Quand on compare les pieces de Moliere avec leurs originaux, on l’admire davantage : il n’en est pas ainsi de Regnard, sur-tout dans cette derniere imitation. […] Les deux scenes dans lesquelles Crispin joue successivement les personnages du neveu & de la niece, pour les faire haïr de Géronte, sont dans mille pieces italiennes.
Passons donc aux liaisons qui pechent contre la présence continue des acteurs ; ouvrons tous les Théâtres étrangers, même celui du célebre Goldoni, & nous y trouverons mille exemples : nous en trouverons sur-tout dans les pieces où l’unité du lieu n’est pas observée ; tant il est vrai que toutes les parties de la comédie se tiennent & se servent mutuellement. […] Quelques pieces de ma connoissance en ont presque autant que de scenes dialoguées.
Les lazzis, les scenes, les situations, le caractere principal, rien n’est de l’invention de Moliere ; tout en est pris dans plusieurs pieces différentes, qui n’ont aucun rapport entre elles, & tout s’enchaîne cependant si bien dans la comédie dont il est question, que tout paroît avoir été imaginé pour elle. […] Mais elle est plus naturelle dans l’Avare que dans toutes les autres pieces ; elle y est sur-tout plus utile que dans les trois dernieres que nous avons citées, puisque c’est elle qui anime le cuisinier contre l’intendant, qui fait naître dans le premier le desir de se venger, & qui lui fait imaginer d’accuser l’intendant du vol dont l’Avare se plaint. […] Il est inutile de confronter les scenes que la situation amene naturellement dans les deux pieces. […] Comme, dans les pieces bien faites, les principaux personnages se peignent plus souvent par leurs actions que par leurs paroles ; ou, comme leurs paroles tiennent si bien à la scene, qu’elles sont pour ainsi dire en action, nous ne séparerons pas du même cadre ce que chacun des Avares a fait d’avec ce qu’il a dit. […] On ne sauroit aller nulle part, où l’on ne vous entende accommoder de toutes pieces ; vous êtes la fable & la risée de tout le monde ; & jamais on ne parle de vous, que sous les noms d’Avare, de Ladre, de Vilain & de Fesse-Mathieu.
On dit cependant que les comédies à caractere doivent être écrites en vers, & que la prose convient mieux aux farces, ou aux pieces vivement intriguées. […] Toutes ces pieces peuvent être également bonnes en vers & en prose ; mais il faut que l’Auteur sache moduler sa prose & ses vers sur le ton du sujet qu’il traite.
La vraisemblance est le fondement de toutes les pieces de théâtre ; elle est le caractere général auquel on doit reconnoître un bon & un mauvais Drame. […] Hector, en lisant Séneque, épele en effet, & met chaque mot en pieces, comme un enfant qui lit pour la premiere fois : surcroît d’invraisemblance qui fait bien rire le parterre des Dimanches, mais qui fait, avec juste raison, secouer la tête aux connoisseurs.
J’en ai tant vu de ces pieces à grand succès, desquelles on pourroit dire, après Boileau, J’ai vu l’Agésilas, Hélas ! […] Car enfin je m’imagine que ce qu’on appelle vertu dans les femmes, est comme ces pieces fausses qui ont tout l’éclat de l’or ou de l’argent, mais que la coupelle dissipe en fumée. […] Nous avons remarqué (dans le second volume de cet Ouvrage, Chapitre XXXIX, de l’action dans les pieces à caractere) qu’un Glorieux, fier des avantages qu’il possede réellement, les soutient avec une noblesse qui lui sied ; tandis que le suffisant, le présomptueux) vains des avantages qu’ils croient avoir, les annoncent avec une insolence qui ajoute un ridicule à leurs sottes prétentions. […] Nous placerions l’article de Boissy immédiatement après celui de Destouches, si nous pouvions puiser des leçons bien utiles dans ses imitations : plusieurs de ses petites pieces oubliées nous rappellent seulement qu’il ne faut pas imiter ces faits minutieux, incapables de figurer sur la scene, ou de l’occuper plus d’un jour.
Rien de plus plaisant que le souverain mépris qu’on affecte pour les pieces d’intrigue.
Les Auteurs frémiroient de la négligence qu’ils affectent pour les titres de leurs pieces, si, réfléchissant sur l’Histoire du Théâtre, si, étudiant la cause de la réussite ou de la chûte des pieces, ils daignoient voir que plusieurs bonnes comédies sont tombées, ou n’ont pas eu un grand succès, par la faute seule du titre.
Si les petites choses qui enthousiasment si fort nos élégants beaux esprits, suffisoient pour fournir les matériaux nécessaires à une piece, je conseillerois à nos Auteurs de prendre bien vîte un de ces Messieurs pour héros : mais comme leur caractere est accessoire & tient à mille autres, qu’il n’offre que des superficies de quelque côté qu’on le tourne, qu’il seroit minutieux sur la scene, qu’il n’intéresseroit qu’un très petit nombre de spectateurs, qu’il a été traité en détail dans plusieurs pieces différentes, je n’exhorterai personne à les prendre pour modele.
Il nous restera d’ailleurs assez de distinctions à faire, ainsi nous appellerons tout uniment pieces à caractere, celles ou les mœurs, les passions, les coutumes, les vices, les ridicules, les travers, &c.
Dans ces deux pieces, les deux meres prévenues pour un fils très mauvais sujet lui sacrifient leurs autres enfants, & finissent par recevoir de lui les chagrins les plus mortifiants. […] Mais nous avons fait voir que ces titres étoient dus seulement à ceux qui transportent sur la scene de petits incidents pris dans la société, qui ne font que dialoguer des romans, qui pillent de bons ouvrages pour en parer de mauvais ; ceux enfin qui font passer sur notre théâtre les pieces de nos voisins ou des anciens avec tous leurs défauts.
Moliere l’a senti quand il a mis sur la scene le Prince jaloux, le Cocu imaginaire, George Dandin : on y voit trois jaloux d’un rang tout-à-fait opposé ; l’un est Prince, l’autre un bon Bourgeois, & le troisieme un Paysan : tous les trois frapperoient également les hommes de tous les états, si les pieces étoient également bien faites.
Convenons qu’il ne sera question ici que de la belle nature, telle que l’a imité Moliere dans les parties & l’ensemble de ses meilleures pieces ; telle enfin que doit la voir un Philosophe qui se propose de corriger & de faire rire les hommes en leur peignant au naturel leurs gestes, leurs traits, leurs travers, leurs ridicules, leurs vices, enfin toutes les vérités que leur amour-propre leur déguise, ou qu’il tient cachées sous les replis du cœur humain.
S’ils sont devenus honnêtes, humains, compatissants ; s’ils ne s’entendent plus avec des Greffiers, des Sergents, pour se procurer de fausses pieces ; s’ils ne donnent pas un carrosse brillant à leurs femmes aux dépens des parties, & avec le produit du tour de bâton, pourquoi les mettre sur la scene ? […] Et pour faire connoître la chicane de la demanderesse... de la demanderesse, produit lesdites quatre pieces sous la cote G ; lesquelles...
La seule différence qu’il y ait entre ces deux pieces, du moins quant au fond, la voici. […] « L’Auteur révele aujourd’hui son secret : ce fut celui d’Aristophane dans la comédie des Nuées, & dans la plupart de ses pieces.
Les Tableaux font un grand effet sur le théâtre, aussi voit-on que nos Auteurs ont grand soin d’en placer dans leurs pieces.
Il ne s’ensuit pas de ce que j’ai dit, qu’il vaille mieux avoir fait le Malade imaginaire que les Femmes savantes ; mais je soutiens que si l’Auteur s’étoit donné autant de soins pour la premiere de ces pieces que pour la derniere, elle lui auroit fait plus d’honneur, & qu’à mérite égal le choix du sujet lui auroit valu la préférence.
La premiere de mes pieces n’a pas réussi, & c’est parceque j’avois apparemment fait pis que les plus mauvais Artistes. […] Je connoissois trop bien tout l’esprit qui y régnoit, & le mérite de son Auteur, connu par deux pieces charmantes, la jeune Indienne & le Marchand de Smyrne.
Je voudrois qu’on pût introduire aux représentations de nos pieces mi-comiques, un étranger qui ne sût pas notre langue. […] Alors mon homme, aidé du simple sens commun, pourroit lui répondre, je pense : « Puisque la satisfaction du cœur a deux façons de s’exprimer, gardez votre joie pleureuse pour les pieces que je viens voir avec l’intention d’y pleurer ; mais lorsque, sur la foi de votre affiche, je vous donne de l’argent pour rire, régalez-moi, je vous prie, d’un plaisir qui soit gai, & qui ne ressemble pas si fort au chagrin ».
Cette scene-est encore dans plusieurs pieces italiennes ; on l’a placée dans Pantalon Pere de famille. […] Certains Dogmatistes disent avoir appris, par tradition, qu’il fut apporté du Caire, où on le trouva dans une vieille cave, à l’entour de je ne sais quelle momie, sous les saintes masures d’une pyramide éboulée ; à la vérité, les figures grotesques que les trous, les pieces, les taches & les filets y composent bizarrement, ont beaucoup de rapport avec les figures hiéroglyphiques des Egyptiens. […] Qu’on lise Moliere, en comparant le plan de ces deux pieces, on conviendra, & je suis obligé de l’avouer moi-même, malgré mon enthousiasme pour Moliere, on conviendra, dis-je, que le plan de Térence l’emporte de beaucoup sur celui de Moliere, sur-tout si l’on se transporte au temps où les belles esclaves étoient en possession de faire tourner la tête à la jeunesse, & devenoient les héroïnes de toutes les aventures amoureuses. […] Une fois réunies, elles formeroient un chef-d’œuvre ; mais il faudroit pour cela être doué d’un esprit assez souple, assez adroit pour rapprocher ces différentes pieces de rapport, sans que la contrainte se décélât à travers ; & pour les assortir avec goût, il faudroit avoir assez de justesse & de sagacité dans l’imagination, pour accommoder aux bienséances de notre scene une intrigue qui roule sur une fille esclave, sur une autre qui ne peut épouser son amant parcequ’on la croit étrangere, & sur un mari qui a deux femmes.
Pour que les pieces de ce genre soient bonnes, il faut que l’événement sur lequel l’Auteur veut bâtir son intrigue soit premiérement très naturel, très vraisemblable ; qu’il soit ensuite connu par un très petit nombre d’acteurs ; & qu’un mot, en dévoilant tout le mystere, puisse amener un dénouement prompt & facile.
Nous avons même un peu touché aux pieces à caractere, en remarquant que dans le Distrait de Regnard, une distraction du héros auroit dû amener la catastrophe, & non un mensonge de son valet.
Oublions pour un moment que le Joueur ait été représenté trente ans après le Misanthrope, & jugeons des deux héros par leur ton ; nous croirons le cadet bien plus voisin de la barbarie que son aîné ; ou, si nous nous souvenons de la date des deux pieces, tout l’honneur que nous puissions faire à Regnard, est d’imaginer qu’il a voulu parodier son prédécesseur. […] Est-il possible qu’un homme d’esprit ait pu se déterminer à répéter, à retourner dans quatre pieces différentes, un dénouement pris chez un autre Auteur ?
On joue tous les jours sur notre théâtre des pieces où la gradation des moyens n’est pas toujours bien observée.
Quant à ce qui donne lieu à l’imbroglio des deux pieces, je veux dire la méprise que font les deux amants en épousant une sœur pour l’autre, elle est aussi peu vraisemblable en Italie qu’en France. […] Remarquons en passant que ce n’est pas dans ce dernier trait que Moliere brille, & qu’il auroit fort bien pu ne pas finir la scene par cette plate bouffonnerie qui se trouve dans plusieurs pieces italiennes8.
Plaute le transporta sur le théâtre de Rome ; c’est même celle de ses pieces qui a eu le plus grand succès. […] Ajoutons à la mal-adresse de cette scene, l’indécence avec laquelle Plaute fait battre Jupiter & Amphitrion à coups de poings, comme de vrais polissons, & nous aurons de la peine à nous imaginer que des personnes judicieuses aient pu balancer un instant sur le mérite des deux pieces.
Je pourrois le prouver par mille exemples puisés dans chacune de ses pieces ; je me contenterai d’un seul pris dans son Légataire.
Elle transcrivit plusieurs pieces de vers, on les adressa à la Roque qui en fut enchanté ; il se prit même de belle passion pour la Minerve du Crosil : il s’émancipa dans une de ses lettres jusqu’à dire : je vous aime, ma chere Bretonne ; pardonnez-moi cet aveu, mais le mot est lâché.
Imitons Moliere : tous les héros de ses pieces à caractere ont des caracteres principaux, témoins son Misanthrope, son Imposteur, son Avare, ses Femmes savantes, son Prince jaloux même ; aucun héros de ces différentes comédies n’est caractérisé par des demi-teintes, & des nuances seulement.
Les Docteurs ne sont admis que dans les pieces italiennes.
Barthe : cette piece en est digne à tous égards, puisque l’Auteur est, de nos jeunes Comiques, celui qui fait voir un talent plus décidé ; puisque son ouvrage est resté au théâtre, qu’il a eu le plus grand succès & qu’il le mérite ; puisqu’on y voit des scenes que les maîtres de l’art ne désavoueroient pas ; puisqu’enfin l’Auteur vise à la gloire de faire regner dans ses pieces le ton de la bonne compagnie.
En Espagne, la plupart des intrigues amoureuses se trament dans les Eglises ; plusieurs pieces y roulent sur des mysteres de la Religion : aussi les Espagnols ne sont-ils pas surpris qu’un Auteur place la scene dans une Eglise.
Je pourrois citer ici nombre d’exemples qui trouveront mieux leur place dans l’article où il sera question du juste embonpoint des pieces, des scenes, du dialogue.
Quand tout le monde fut couché, ce filou, qui n’avoit pas envie de dormir. . . . jetta par la fenêtre quelques pieces de drap à ses compagnons, n’osant pas en prendre beaucoup, ni d’autres meubles, de peur qu’on ne s’en apperçût au logis, parcequ’il falloit qu’il se fît voir.
« Cet Auteur a écrit une soixantaine de pieces.
a On pourroit partager & distinguer les pieces de Moliere en trois classes ; la premiere seroit pour des genies superieurs & des Maîtres de l’Art ; la seconde, pour des personnes nées avec un goût naturel pour les bonnes choses, & qui ont la pratique du beau monde ; la troisiéme, pour la bonne Bourgeoisie & pour le Peuple : cependant on dira aussi en même tems que les personnes d’un genie superieur & du meilleur goût trouveront toûjours quelques beautez, jusques dans les Pieces qu’on pourroit mettre dans la troisiéme classe.
Ne prenons qu’un exemple dans chacune de ces pieces.
Dans l’une & l’autre de ces pieces, les deux Marquis ont avec leur intendant une scene où il est question de signer un écrit où l’on parle beaucoup de créanciers, & où la négligence des Grands pour leurs affaires & leur penchant à se laisser voler sont bien peints.
On n’avoit pas encore imaginé de donner le titre de Drame aux pieces amphibies.
Le jeune Génois ajouta quelques pieces d’argent à sa premiere aumône, en lui souhaitant une meilleure fortune.
Térence, qui composoit ses comédies de deux pieces grecques, laisse presque toujours voir la corde à travers une double intrigue.
Est-ce le même Auteur, disoit on, qui a fait ces deux pieces ? […] Ils avoient deux petites pieces qu’ils faisoient rouler, Tricassin rival, & l’Andoüille de Troyes. […] Il ne fut pas plûtôt rentré dans son cabinet qu’il travailla au Medecin malgré lui, pour soutenir le Misanthrope, dont la seconde representation fut encore plus foible que la premiere ; ce qui l’obligea de se dépêcher de fabriquer son Fagotier, en quoi il n’eut pas beaucoup de peine, puisque c’étoit une de ces petites pieces, ou approchant, que sa Troupe avoit representées sur le champ dans les commencemens ; il n’avoit qu’à transcrire. […] Quel qu’ait été le Jugement des Connoisseurs sur ces deux dernieres pieces* le peuple, pour qui Moliere avoit eu intention de les faire, les vit en foule, & avec plaisir.