Mon pere a perdu l’esprit. […] Il n’est pas question de faire voir ici que le génie doit l’emporter sur l’esprit de détail. […] Je suis troublé par tant de chagrins qui partagent mon esprit ! […] Tous ses personnages se souhaitent le bon jour & le bon soir avec un esprit à perte de vue. […] Ils savent qu’on ne veut, qu’on ne demande plus que de l’esprit ; ils en mettent par-tout.
Un esprit observateur ne tarda pas à connaître la différence de ces deux genres, il en traça la ligne de démarcation. […] Je n’entrerai dans aucun de ces détails fastidieux, de ces divisions éternelles créées par cet esprit froid et analytique qui, à force de vouloir faire ressortir chaque beauté, finit par enlever à nos chefs-d’œuvre leur magnifique ensemble, rétrécit l’esprit du lecteur, et d’un colosse ne fait souvent qu’un squelette informe. […] Quel esprit pénétrant pour saisir les nuances, les aperçus fugitifs d’un vice ou d’un ridicule, quelque passager qu’il paraisse ! […] Qui croirait que l’esprit humain ait pu s’élever jusque-là ? […] Tout auteur qui dans une comédie saura parler à l’esprit et au cœur, est assuré d’avance du succès le plus éclatant.
La régence de Marie de Médicis fut ce qu’elle devait être sous une reine sans esprit et sans dignité : elle fut orageuse et ignoble. L’esprit des Concini, leur dévergondage, leur insolence, leur politique servirent de prétexte aux princes de Condé, aux princes de Vendôme, aux ducs de Mayenne, de Longueville, de Guise, de Nevers et de Bouillon, pour se soulever. […] Les personnages de la cour et leurs vicissitudes n’étaient pas de nature à y rappeler les esprits sages. […] Il y a lieu de croire cependant qu’on y reçut Madeleine de Scudéry, âgée de treize ans seulement, en 1620, mais qui était du même âge que Julie de Rambouillet, et avait assez d’esprit pour être sa compagne. […] Segrais, venu plus tard, en parle en ces termes : « Elle était, dit-il, bienfaisante et accueillante, et elle avait l’esprit droit et juste : c’est elle qui a corrigé les méchantes coutumes qu’il y avait avant elle.
Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants, Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens, Et régler la dépense avec économie, Doit être son étude et sa philosophie. […] On aime pour aimer et non pour autre chose ; Ce n’est qu’à l’esprit seul que vont tous les transports, Et l’on ne s’aperçoit jamais qu’on ait un corps. […] Mariane dans Le Tartuffe, Lucile dans Le Bourgeois gentilhomme, Angélique dans Le Malade imaginaire sont autant de caractères charmants de jeunes filles, au milieu desquels il semble que notre grand poète se soit plu à vivre en esprit, comme s’il s’en fut fait une sorte de famille. […] Et qu’il ne fasse pas éclater en tous lieux L’esprit contrariant qu’il a reçu des cieux ? […] À qui s’étonnerait, en général, de trouver chez les servantes de Molière tant d’esprit et de bon sens, notre spirituel compatriote a déjà répondu d’avance en rappelant l’exemple de cette brave Laforêt qui réunissait au meilleur des cœurs un esprit si judicieux que Molière lui soumettait ses ouvrages, de cette excellente fille qui fut pour lui une sorte d’humble Providence dont la sainte affection et le dévouement infatigable savaient le soulager dans ses souffrances physiques et le consoler dans ses douleurs morales.
On ne saurait lui refuser de la finesse d’esprit, mais seulement elle s’exerce sur des objets trop minutieux. […] Il peut souvent y avoir un trait d’esprit jusque dans le choix d’un air, ou dans une allusion à ses anciennes paroles. […] Les esprits vifs et enjoués qui se vouent maintenant à ce genre sont peu connus hors de Paris, et ne s’en mettent guère en peine. […] Il ne voit pas que c’en serait fait ainsi de toute liberté d’âme et d’esprit dans la jouissance des beaux-arts. […] Son tableau est d’une vérité frappante, soit pour la peinture des faits, soit pour celle de l’esprit du temps.
« On se moquait à la cour, dit madame de Caylus, de ces sociétés de gens oisifs, uniquement occupés à développer un sentiment et à juger d’un ouvrage d’esprit. […] Elle avait de l’esprit infiniment, un esprit capable, instruit, extraordinaire en toute chose, il fallait une grande politesse pour être de sa cour ; car tout ce qu’il y avait d’honnêtes gens de tout sexe s’y rendait de tous côtés. […] La princesse Parthénie madame de Sablé) avait le goût aussi délicat que l’esprit ; rien n’égalait la magnificence des festins qu’elle faisait : tous les mets en étaient exquis, et sa propreté a été au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. […] C’était aussi un garçon d’esprit. […] Les supérieurs de la maison sont charmés de son esprit, elle les gouverne tous.
quel esprit ! […] À cette raison impartiale, il joignait l’esprit le plus observateur qui fût jamais. […] Depuis sa mort, tout ce que peut faire l’esprit venant après le génie, on l’a vu exécuté. […] Répandre l’esprit de société fut le but qu’il se proposa. […] De bons esprits ont pensé qu’il fallait la révolution d’un siècle pour renouveler le champ de la Comédie.
Il y a même de ces mots heureux pris bien avant dans l’esprit humain. […] Tel est au théâtre l’inconvénient d’un travers d’esprit, qui est nécessairement momentané. […] C’est là surtout ce qui le distingue : il pétille d’esprit, et cet esprit est absolument original. […] Ses intrigues sont toujours un peu forcées, excepté celle de l’Esprit de contradiction; aussi n’a-t-il qu’un acte. […] On joue quelques pièces de Hauteroche : son Esprit follet est un mauvais drame italien, écrit en style de Scarron, et fait pour la multitude, qui aime les histoires d’esprits et d’apparitions.
Sur la fin de ses jours, les facultés de son esprit parurent baisser, et ses parents agirent pour qu’il fût mis en curatelle. […] Elle détruit, elle exclut leurs plus naturelles et leurs plus aimables qualités, la grâce, et cette sorte de pudeur qui doit voiler leur esprit même. […] Il subira des variations, il changera d’objet et de forme, selon le mouvement des esprits et des mœurs ; mais il subsistera toujours, et la race des Philamintes est impérissable comme celle des Trissotins. […] Cette différence de conduite et de sentiments, dans une situation presque semblable, provient tout naturellement de la différence des états, des esprits et des caractères. […] Mais cette manie est telle, qu’habituellement leur esprit en est hébété et leur cœur endurci ; elle les a rendus crédules, opiniâtres, irascibles et surtout égoïstes.
Quand même un homme auroit l’esprit assez juste, le goût assez épuré pour ne se laisser corrompre ni par les admirateurs ni par les critiques outrés, quand même il seroit en état de se dépouiller de tout esprit de parti & de porter un jugement sain, il doit attendre, pour le prononcer, que la voix publique l’ait confirmé29. […] Aucun sans doute n’a assez de petitesse d’esprit pour cela. […] Il lui vint dans l’esprit de forcer l’inflexible la Roque, malgré son serment ; il se féminisa sous le nom de Mademoiselle Malcrais de la Vigne ; il fit part de son idée à une femme d’esprit de ses amies, qui se chargea d’être son Secrétaire. […] Le faiseur d’écran a pris cette histoire dans l’Esprit des conversations agréables. […] Ce qu’il y a de fort plaisant, c’est que tous trois sont amoureux de cette même Angélique qui, grace au mensonge de Nérine sa suivante, passe dans leur esprit pour un parti très noble & très opulent.
La tournure de votre esprit ou quelque dépit amoureux vous attache-t-il sur les pas de la plaintive élegie ? […] C’est l’esprit qui a toujours porté les premiers coups au génie. […] puis-je voir le Génie Ne hanter que l’Esprit pour toute compagnie ! […] L’Esprit & Clinquant son confident conspirent contre le Génie & le Bon-sens. […] Il faut que l’Esprit & Clinquant aient conspiré de nouveau contre le Génie & le Bon-sens, puisque ces derniers n’osent plus paroître.
Cet objet si vanté Surpasse-t-il Lucinde en esprit, en beauté ? […] Votre esprit S’égare... […] Faites un effort d’esprit. […] J’ai l’esprit bouché sur le manege des femmes. […] vous avez l’esprit bouché !
» Qu’elle songe à l’avenir, et que, sous tous les dehors de la grâce et de l’esprit, elle nourrisse au fond du cœur la sérieuse pensée du devoir, de l’époux qu’elle devra aimer, des enfants qu’elle devra élever350. […] Elle reste inébranlable dans son rôle saint et charmant d’épouse, de mère, et même de femme d’esprit, ce qui ne gâte rien. […] Qu’elle apporte, par ses charmes et son esprit, cet élément de grâce et d’agrément que l’homme tout seul ne peut mettre dans la vie commune380. Qu’elle soit indulgente, polie ; qu’elle n’aille point perdre son temps dans ces conversations où le prochain est toujours attaqué ; qu’elle apprenne à être sage sans aigreur, et à avoir de l’esprit sans médire381. […] Si l’homme est grand par l’esprit, la. femme est éminente par le cœur.
Cette prévention s’imprima tellement dans son esprit, qu’il ne restoit dans la boutique qu’avec chagrin : de maniere que revenant un jour de la Comédie, son pere lui demanda pourquoi il étoit si mélancholique depuis quelque tems ? […] Voici un trait que j’ai appris de feu Bellocq, Valet-de-Chambre du Roi, homme de beaucoup d’esprit & qui faisoit de très-jolis Vers. […] Il tenoit une bonne table, où les Chapelles, les Fourcrois & plusieurs gens d’esprit & bons convives étoient bien venus. […] Mais dans quelques Pieces où Moliere a voulu satisfaire le Peuple, n’y trouve-t’on pas des Scenes & même des Actes entiers, qui charment l’homme d’esprit ? […] De ce mariage nâquit une fille unique, qui s’est distinguée par son merite & par la beauté & l’agrément de son esprit ; mais qui ne jouit pas d’une fortune opulente.
Des hommes de beaucoup d’esprit et de talent ont travaillé après lui, sans pouvoir ni lui ressembler ni l’atteindre. […] Mais d’un plus doux esprit….. […] N’est-ce pas un défaut de raison, un travers de l’esprit? […] Qu’un sot s’avise de dire à quelqu’un : Monsieur, trouvez-vous que j’aie de l’esprit? […] La colère n’y regarde pas de si près, et l’homme de l’esprit le plus sévère peut manquer de goût quand il se fâche.
L’esprit d’une jeune femme décente, est diablement voilé en France, pour les convenances. […] Un caractère plein de force et d’esprit. […] Mon esprit n’est pas occupé à la sentir, mais à en sortir. […] D’ailleurs, Sosie est plein d’esprit. Cet esprit réveille, intéresse (a [ex. ce paradoxe]).
Doué d’un esprit observateur et fin, Marivaux semble prendre à tâche de la gâter. […] Les saillies, les mots heureux y abondent et sont toujours d’accord avec l’esprit et le caractère des personnages. […] C’est à vous ; et vos ris complaisants Tirent de son esprit tous ces traits médisants. […] Du reste, il est curieux de voir dans quelle erreur cette vertu d’Alceste a fait tomber non seulement des gens sensés, mais encore des esprits d’élite. […] Mais, d’un plus doux esprit...
Les Espagnols, les Italiens se sont moqués très souvent de cette regle ; on voit dans leur théâtre des pieces qui annoncent un déréglement d’esprit inconcevable. […] Il faut encore observer de ne les pas trop charger d’incidents, dans la crainte d’embarrasser l’esprit du spectateur : & ce qu’il faut sur-tout éviter, mais qui n’est pas facile, c’est de donner aux deux actions un égal intérêt ; car la perfection d’une fable d’action double est de partager si bien le cœur & l’esprit du spectateur, qu’il soit également affecté des deux actions ». […] Si la double intrigue doit également affecter le cœur & l’esprit du spectateur, il faut nécessairement que l’une & l’autre l’intéressent également. Si la double intrigue ne doit pas l’intéresser également, il ne faut pas que chacune en particulier affecte également son cœur & son esprit. […] « Le Pastor Fido passe pour l’effort de l’esprit humain en ce genre ; & cependant, malgré tout l’intérêt qui est dans l’action de Silvio & de Dorinde, les spectateurs n’ont, dans le cours de la piece, le cœur & l’esprit occupés que de l’intérêt d’Amarillis & de Mirtillo.
Et que d’esprit ! […] Le mot d’étourderie, dans la langue actuelle, porte à notre esprit l’idée d’une extrême vivacité d’esprit, compliquée de beaucoup d’inattention. […] J’avoue que je n’ai pas l’esprit aussi détaché que vous. […] Tartuffe, qui est un homme d’esprit ne s’y frotterait pas. […] Mais il sauve tout, à force d’esprit et de grâce.
Mais avec le christianisme, l’esprit pénétra jusqu’au fond de sa nature spirituelle. […] Rien ne leur fait défaut du côté de l’esprit. […] Il a l’esprit étroit et borné. […] Son esprit a soif d’action, et sa poitrine de liberté. […] En dehors de la chevalerie, il est accompli ; c’est un esprit sensé, c’est un cœur généreux, c’est un beau caractère.
Tous les yeux ne savent point voir un tel spectacle, tous les esprits, même de très-fins esprits, ne le savent point comprendre ; et, enfin, c’est ce que l’art de Molière n’a point réalisé. […] Races excellentes, gens distingués par l’éducation, d’un esprit pieux et d’une grande probité. […] On ne les voit pas surtout se dresser contre les gens d’esprit qui s’amusent à la satire. […] Elle a pour source, dit-il, l’aveuglement de l’esprit et la faiblesse du cœur, d’où naissent parmi les chrétiens deux caractères également contraires à l’esprit du christianisme. […] Alceste a du caractère et pas d’esprit, Philinte a de l’esprit et pas de caractère : c’est le cas de dire que tous deux ensemble ne pèsent pas un homme de bien.
Dans Scarron, un gentilhomme grenadin, souvent trompe par des femmes d’esprit, imagine d’en épouser une bien sotte qu’il fait élever exprès et qu’il entoure de valets aussi sots qu’elle. […] Il y avait, ce semble, un peu de présomption de la part d’un homme du monde, quel que fût son esprit, à travailler d’après une idée de Molière, pour le compte de Molière même. […] Un homme d’esprit et de goût entreprend de la défendre un peu méthodiquement contre les attaques sournoises d’un auteur, grand partisan des règles et surtout grand ennemi des succès d’autrui. […] Béjart était brave, et avait beaucoup de présence d’esprit. […] Il en est resté quatre au théâtre : Le Deuil, Le Cocher supposé, Crispin médecin, et L’Esprit follet.
Cette femme était madame Deshoulières, personne de beaucoup d’esprit et de talent. […] Combien d’esprits du premier ordre, et Voltaire en tête, les ont alternativement préférés ! […] Elle appréciait ces hommes illustres, elle les aimait, elle avait quelque chose de leur talent, beaucoup de la sagesse de leur esprit, un goût aussi pur en littérature, seulement plus délicat en tout ce qui touchait à la décence et peut-être à la morale. […] Elle a senti le mérite du fabuliste mieux que n’a fait Boileau, qui n’en parle point dans sa poétique : elle l’apprécie en moraliste profond, en esprit délicat et fin, en écrivain habile, en poète du premier ordre. […] « On ne fait point entrer », dit-elle, « certains esprits durs et farouches dans le charme et la facilité des ballets de Benserade et des fables de La Fontaine.
L’esprit lui vient avec l’amour. […] N’admirez-vous pas cette finesse d’esprit ? […] L’esprit s’efface alors pour faire place au cœur. […] Nul esprit n’est plus pervers que le sien. […] Un des bons esprits de ce temps, M.
Ce qui serait impossible à Alceste dans l’état où il est, c’est de faire un vrai trait d’esprit, ce qui demande du sang-froid, de la présence d’esprit, du calme et une pleine possession de soi-même. […] Le fond de la comédie est l’esprit de raillerie et de satire, et c’est-à-dire la cruauté des hommes civilisés. […] Remarquez de plus que la pièce tout entière est pénétrée, comme il est juste, du même esprit. […] Non, Molière est foncièrement bourgeois, conservateur, proverbial et d’esprit étroit. […] Tout ce que son sexe ne peut pas faire par lui-même et qui lui est nécessaire ou agréable, il faut qu’il ait l’art de nous le faire vouloir ; il faut donc qu’elle étudie à fond le cœur de l’homme, non par abstraction, l’esprit de l’homme en général, mais l’esprit des hommes qui l’entourent, l’esprit des hommes auxquels elle est assujettie, soit par la loi, soit par l’opinion.
Cet événement fut au nombre de ceux qui concoururent, dans la période de 1670 à 1680, à opérer de grands changements dans la situation, dans l’esprit et le caractère du roi, et a confirmer l’ascendant qu’avaient pris sur les mœurs de la cour les exemples des personnes en qui s’étaient conservées les traditions morales de l’hôtel de Rambouillet. Ce ne fut pas seulement la mort de Molière qui marqua un terme à la protection que les lettres donnaient à la société licencieuse contre la société d’élite ; l’esprit satirique de Boileau, la courtoisie de Racine, la licence de La Fontaine, s’arrêtèrent en même temps devant les progrès de cette société : comme ces progrès atteignaient la cour elle-même, nos poètes virent que le temps était venu de prendre un autre ton, une autre direction, et ils furent plusieurs années à contempler en silence le changement qui s’opérait. […] Cette dame (madame Scarron) a parlé de vous avec une tendresse et une estime extraordinaires ; elle dit que personne n’a jamais tant touché son goût, qu’il n’y a rien de si aimable ni de si assorti que votre esprit et votre personne. »Cette lettre est rapportée ici pour montrer l’union et la conformité de mœurs et d’esprit qui existaient entre madame Scarron, madame de Sévigné, sa fille, et leur société. […] Elle ne pouvait se dissimuler que l’éducation donnée à ses enfants, par madame Scarron, avait contribué, dans l’esprit du roi, à la faveur qu’il leur accordait ; elle devait donc de la reconnaissance à la gouvernante qui plaisait trop au roi. […] Mais cet esprit aimable, ce ton de bonne compagnie pouvait étonner le roi dans madame Scarron, en qui il pouvait ne voir qu’une femme de petite condition, précieuse et pédante.
Ce but est d’affranchir l’esprit du joug de ces mille autorités qui l’accablait à cette époque, et menaçait de l’écraser entièrement. […] Deux thèses : le corps et l’esprit sont profondément distincts ; l’âme est plus certaine que le corps. […] Et ce n’est sans raison, selon nous, que, dans ce passage des Femmes savantes, on a cru voir une allusion aux deux mots célèbres : Ô Esprit, ô chair. […] Molière a vu les excès des deux systèmes qui se partageaient alors la domination des esprits, et il nous les a signalés, tout en nous faisant rire. […] d’un système où l’âme sans être ni esprit ni matière n’était qu’un corps plus subtil que celui qui lui sert d’enveloppe ?
Ils avaient à se venger du coup que Pascal leur avait porté dans l’esprit de tous les hommes sincèrement pieux. […] quel esprit est assez grossier pour ne pas comprendre les paroles de madame de Sévigné, qui dévoilent tout le mystère de la fortune de son amie ? […] entre l’art d’amuser et celui d’intéresser ; entre le frivole avantage de montrer de l’esprit, et le talent d’en donner ! Tous ces trésors d’idées et de sentiments que madame de Maintenon déposait ou faisait naître dans l’esprit du roi, furent les fondements de sa fortune. […] Elle opposa ses scrupules, elle favorisa tous les hommes qui pouvaient les justifier dans l’esprit du roi et lui en inspirer à lui-même.
On sait quel est l’esprit et l’objet de ces nouvelles éditions. […] Heureusement le nombre des esprits absolus est assez rare ; autrement aucun progrès ne s’accomplirait dans le monde. […] Tromper toutes les femmes n’était que le fait du libertin ; mais choisir une religieuse pour la tromper est un raffinement d’esprit fort qui rentre dans le caractère général de don Juan. […] Ce qui fait l’originalité du personnage, n’était-ce pas précisément ce mélange du libertinage de l’esprit et du libertinage des mœurs dans une même âme ? […] Mais, dit-on, Molière a mis l’athéisme dans la bouche de l’homme d’esprit, et il a fait défendre la cause de Dieu par un valet impudent et sot.
La poésie, comme toute chose de l’esprit, s’adresse à l’esprit, et doit lui offrir, sous sa forme et dans sa langue divines, des idées humaines et des sentiments humains. Disons mieux, elle s’adresse à l’homme tout entier et complet, c’est-à-dire pas plus aux hallucinés qu’aux esprits purs. […] L’esprit d’Aristophane inspirait Shakespeare, inspirait Legrand, lorsqu’ils composaient leurs délicates fantaisies. […] Cette humeur, tantôt didactique, tantôt satirique, est-ce là, je le demande, l’esprit de la comédie ? […] Le trésor enfoui est toujours présent à l’esprit du spectateur ; il est là, comme un mauvais génie, qui tourmente l’avare jusqu’à le rendre fou.
En 1620 on y voit la marquise de Sablé, dame d’un grand esprit et d’un rare mérite , dit Vigneul de Marville ; Voiture était particulièrement lié avec elle et elle lui disait avec une certaine supériorité de raison qu’il avait un amour-propre de femme . […] Mais il eut le bon esprit, dès son entrée dans le monde, d’être simple et naturel avec les personnes qu’il savait être ennemies du bel esprit et des pointes, sauf à se dédommager avec les autres. […] Non seulement il eut le bon esprit de se conformer au ton de mesdames de Rambouillet dans ce qu’il leur disait ou leur écrivait, mais il céda même à leur exemple et à leurs leçons dans ce qu’il écrivit à la suite a d’autres. […] Le corbeau de Voiture est mort… » Les lettres des dernières années de Voiture sont incomparablement plus simples, plus naturelles, et de plus d’esprit véritable que celles de sa jeunesse. […] Il attaque une phrase qu’il croit être de Pline le jeune, dont il se moque comme d’un écrivain affecté. « Ne m’avouerez-vous pas, dit-il, que cela est d’un petit esprit de refuser un mot qui se présente et qui est le meilleur, pour en aller chercher avec soin un moins bon et plus éloigné : Pline est de ces éloquents dont Quintilien dit : illis sordent omnia quæ natura dictavit ?
Dans ce beau drame de la coquetterie aux prises avec l’honneur d’un galant homme, Célimène est seule, sans autre défense que son esprit, sans autre protection que sa beauté. […] On vient, tout exprès chez cette beauté à la Mode, pour la voir, tout exprès pour l’entendre ; elle, de son côté, elle ne songe qu’à montrer beaucoup d’esprit et un charmant visage ; quant au cœur, peu lui importe ! […] Rare esprit, âme plus rare encore ; âme tendre et forte qui n’a peur de rien, pas même du ridicule ; dévouement sincère, amour passionné, bonne foi complète, Alceste, en un mot. […] Alceste dédaigne l’esprit et l’ironie, et c’est bien malgré lui si parfois il s’en sert. […] que d’esprit même dans son silence !
Il lui fallait du plaisir et de l’amusement ; ainsi le voulaient l’ardeur de ses sens et le peu de développement de son esprit. Madame de Montespan, qui avait satisfait longtemps à ses deux besoins, n’y suffisait plus ; plus de jeunesse dans sa figure, ni dans sa taille : son esprit même avait vieilli : plus de ces saillies qui étonnent, qui égalent, qui font étincelle au milieu d’une cour. […] Mettez dans cela toute la grâce, tout l’esprit et toute la modestie que vous pourrez imaginer117. […] Il a beaucoup d’esprit, mais il n’a pas celui de la cour. […] « Comment, dit-il, avec autant d’esprit qu’elle en avait, ne s’est-elle pas aperçue qu’accuser un évêque tel que lui, de n’avoir pas l’esprit de cour, c’était lui accorder un titre de plus à l’estime ?
Moliere tire d’un sot l’aveu de ce ridicule pour le mieux faire appercevoir dans ceux qui ont l’esprit de le dissimuler. […] Leurs trois talens ne formoient qu’un esprit Dont son bel art enrichissoit la France. […] (Métaphysiq.) la préoccupation, selon le pere Mallebranche, ôte à l’esprit qui en est rempli, ce qu’on appelle le sens commun. Un esprit préoccupé ne peut plus juger sainement de tout ce qui a quelque rapport au sujet de sa préoccupation ; il en infecte tout ce qu’il pense. […] Leur esprit se remplit tellement des choses qui peuvent servir en quelque maniere à le confirmer, qu’il n’y a plus de place pour les objections qui lui sont opposées.
Tout cela était fort intelligible et n’exigeait pas toute la sagacité de madame Scarron pour être fort clair dans son esprit. […] Ce fut un témoignage de l’honnêteté de mœurs, de la sagesse d’esprit, de la pureté de principes et de goût qui régnaient dans cette société, de la considération qu’y avait acquise madame Scarron, et du fonds de raison qui caractérisait Louis XIV. […] Se donner un directeur, était, pour les femmes du monde de la capitale, un usage, une mode ; pour madame Scarron, c’était quelque chose de plus, du moment qu’elle devait avoir des relations avec la cour, c’était une convenance de signaler son esprit de religion par le choix d’un directeur. […] Non, rien de vulgaire ne convient à un esprit de cette distinction, à l’honnêteté de ce caractère, à la grandeur et à la noblesse du but qu’il s’est proposé. […] Madame Scarron avait pris Gobelin pour directeur, comme beaucoup de gens d’esprit prennent pour conseil des personnes qui leur sont fort inférieures en mérite.
Au spectacle de cette période de terreur, c’est, je pense, une consolation de voir s’élever une autre grandeur que la grandeur de la cour, une autre autorité d’exemple et d’opinion, un autre modèle de société, une autre source de mœurs, d’idées, de principes ; c’est surtout un besoin pour les âmes douces et nobles, au milieu des tourments politiques qui les épuisent, d’entrevoir dans une société nouvelle un asile fermé à l’esprit de faction, et où se retrouvent les principales aménités de la vie civilisée. […] Madame de Scudéry était beaucoup plus jeune et a un tout autre esprit que Madeleine, sa belle-sœur. […] Mais elle n’avait encore rien publié alors ; ses premiers écrits n’ont paru qu’après le mariage de mademoiselle de Rambouillet et la mort de Louis XIII, en 1643 : elle fut jusque-là accueillie à l’hôtel de Rambouillet, non comme auteur, mais comme fille d’esprit, convenablement élevée, sœur d’un homme de lettres fort répandu, et aussi comme une personne peu favorisée de la fortune, dont la société, agréable à Julie qui était du même âge, n’était pas sans quelque avantage pour elle-même33. […] C’était l’ennemi du faux en toutes choses, du faux goût, du faux savoir ; du faux en morale, en politique, en littérature, en conversation ; l’ennemi des esprits faux et des cœurs faux. […] C’est le sort de toutes les maisons ouvertes par des personnages distingués, de recevoir parmi les gens de mérite, des esprits subalternes, mais obséquieux.
De 1661 à 1666, dans la gène où elle est réduite, « son esprit se conserve néanmoins tout entier, »déclare avec orgueil d’Argenson, « l’on y travailla comme on avait coutume de le faire » dans le temps de la sécurité libre. […] Et, « dans l’esprit de ce Patrocle, Charpy se met si bien, s’impatronise tellement de lui comme de sa femme qu’il chasse de chez eux tout le monde. »Mme Hausse ouvrit enfin les yeux, et avertit son gendre. […] « La main des Jésuites »est, on le sait, l’une des explications qui viennent le plus souvent à l’esprit des historiens politiques ou religieux de la France. […] Et quand, un peu plus tard, le principe fut posé par la Compagnie du Saint-Sacrement de n’admettre aucun membre d’une congrégation régulière, sans doute cette exclusion louchait les Oratoriens comme les autres, — puisque, suivant l’esprit du P. de Condren, ils ne devaient pas se regarder comme un simple groupement d’« honnêtes gens » pieux, mais comme une véritable société de « personnes ôtées du monde ; » — néanmoins, quand des exceptions furent faites par la Compagnie du Saint-Sacrement, elles le furent au profit des membres de cet Oratoire dont l’esprit, toujours selon le Père de Condren, consiste à fuir tout esprit propre et particulier pour n’en avoir point d’autre que celui que Jésus-Christ a donné à son Église : formule identique à la maxime fondamentale du Saint-Sacrement. […] Au fond, il y avait, entre sa conception de la vie chrétienne et celle des Jansénistes, une divergence irrémédiable, entre leur méthode et leur esprit une incurable incompatibilité.
Donc Bossuet, dans sa suprême sévérité, a eu l’esprit plein des dangers et des hontes de la vie de comédien, le cœur soulevé par les grossièretés étalées sur la scène de l’époque, l’indignation surexcitée par l’encouragement donné aux plaisirs de Louis XIV. […] Parler à une nation le langage du bon sens, c’est, fortifier son esprit ; le parler jusque dans la plaisanterie la plus risible, c’est habituer les hommes à n’oublier jamais qu’il faut être raisonnables là même où il semble qu’on puisse se passer de la raison. […] Oui, la France doit à Molière quelque chose du bon sens qui fait sa force, et de l’esprit français qui fait sa gloire. […] La Bruyère, les Caractères, des Ouvrages de l’esprit, XXXVIII. […] Le même esprit d’intérêt prudent pour la masse des faibles et des ignorants inspire la congrégation de l’Index dans ses interdictions, souvent mal comprises par ceux qui ne se placent pas à son point de vue.
Il ressuscite la vérité morte ; il nous rend par la magie d’une langue éternellement neuve, la vie même de nos pères, si différente de la nôtre, et pourtant, si semblable : passions, travers, physionomies, grimaces ; notre sottise d’autrefois, encore si bien portante aujourd’hui, et notre esprit de toujours, le talisman de la féerie gauloise, votre esprit à vous, l’esprit français, composé de bon sens, de bonne foi, de bon cœur, l’esprit de Rabelais, d’Henri IV et de Voltaire : notre esprit historique, national, qu’on nie de temps en temps chez nous, quand c’est la mode, mais que l’étranger nous envie toujours, — ce piquant, ce charme particulier de nos femmes, qu’elles soient la reine Marguerite, Sévigné, la marquise, ou Jenny l’ouvrière, — cette gaîté robuste et en quelque sorte fatale qui force le grand Corneille à écrire le Menteur, une fois en sa vie, et Racine à interrompre Andromaque pour lancer l’éclat de rire des Plaideurs, — cette immortelle bonne humeur, enfin, qui vit de nos gloires, qui survit à nos désastres et qui, loin d’abaisser notre caractère, est le meilleur argument de notre éloquence et Tarme la plus fidèle de notre valeur. […] Elle a beaucoup d’esprit, et du meilleur ; mais, malgré tout l’esprit qu’elle a, elle ne rit pas toujours franchement. […] Ceux qui vous diront cela auront plus d’esprit que Molière. […] Je trouve que c’est une bonne fortune inestimable de reposer son esprit et sa raison sur l’oreiller d’une œuvre toujours raisonnable, toujours spirituelle, dont l’auteur n’a besoin, pour gagner les plus grandes batailles qui aient peut-être été jamais livrées au théâtre, ni du paradoxe glissant, ni delà prédication inquiétante. […] Je ne la regretterai pas, parce que, pour la remplacer, je compte absolument sur ces nobles esprits, sur ces talents d’un ordre si élevé qui nous ont donné, en définitive, toutes ou presque toutes les maîtresses œuvres de notre répertoire de genre.
Comme les plantes et les animaux en leur printemps, c’est dans la fleur de l’âge et de l’esprit que l’homme et la femme, emportés réciproquement vers un être digne d’eux, s’aimeront avec toute l’ardeur de la jeunesse et du cœur, toute la noblesse des âmes pures et élevées433. […] Ce sentiment, à l’âge où ils sont le mieux faits pour en jouir, ne vient-il pas développer et ennoblir toutes les qualités du cœur et de l’esprit qu’ils possédaient déjà436 ? […] Molière a dit celle vérité au milieu d’une société où le raffinement de l’esprit faisait, dans les meilleurs salons, prendre à la coquetterie la place et le nom de l’amour, et où il n’y avait point de femme à la mode qui ne voulût régner dans un petit royaume de Tendre. […] Pour de l’esprit, elle en a, du plus fin, du plus délicat. […] Ramenez donc au ciel toute votre tendresse, Et tenez votre esprit an Seigneur attaché, Madame : après cela moquez-vous du péché.
Je sais bien que les spectateurs s’amusent, en attendant une action plus vive, de quelques mensonges dans lesquels Dorante s’embarrasse, & qu’ils sont intrigués pour savoir comment il se tirera d’affaire : mais l’intérêt de curiosité ne vaut pas celui de sentiment ; l’un n’amuse que l’esprit, l’autre affecte le cœur. […] « Après qu’un Auteur aura choisi son sujet, il faut qu’il se souvienne de prendre l’action qu’il veut mettre sur le théâtre à son dernier point, &, s’il faut ainsi dire, à son dernier moment ; & qu’il croie, pourvu qu’il n’ait point l’esprit stérile, que moins il aura de matiere empruntée, plus il aura de liberté pour en inventer d’agréable ; &, à toute extrémité, qu’il se restreigne jusqu’à n’en avoir en apparence que pour faire un acte : les choses passées lui fourniront assez pour remplir les autres, soit par récits, soit en rapprochant les événements de l’histoire, soit par quelques ingénieuses inventions ». […] Il ne suffit pas de n’avoir point l’esprit stérile pour prendre l’action à son dernier point, & remplir cinq actes avec une matiere qui paroît à peine suffisante pour un, il faut avoir les plus grandes ressources dans l’imagination. […] Je ne prétends pas décourager les jeunes Auteurs qui, piqués de la noble émulation de se signaler, voudroient prendre une action à son dernier moment ; au contraire, ils feront très bien, & je les y exhorte, s’ils se sentent assez de ressources dans l’esprit pour féconder le peu de matiere qui leur reste, & pour remplir leur but sans le secours du moindre alliage. […] Il n’a jamais attaqué le ridicule du caractere & les travers de l’esprit : il n’a songé qu’à attendrir, sans penser à corriger.
Chacun parle avec son tour d’esprit ou son travers. […] Je ne parle pas de sa beauté ; car on y songe à peine, tant elle a d’esprit. […] À leur insu, ces deux esprits se prêtèrent main-forte. […] Il n’était pourtant dépourvu ni d’esprit, ni de savoir. […] Il n’était pourtant dépourvu ni d’esprit, ni de savoir.
Pour bien saisir cette opposition d’esprit et de mœurs, il est nécessaire de se faire une idée juste des trois partis opposés, à commencer par celui de la cour et de la Fronde qui servirent de modèle à la multitude ; viendra ensuite l’étude de la société d’élite ; et enfin celle des précieuses. […] C’était la guerre de la Fronde : guerre singulière, assez mal observée et fort mal caractérisée par les historiens, qui n’y ont vu qu’un soulèvement à l’occasion d’un accroissement d’impôts, ou une suite de l’esprit de révolte dont la Ligue avait fait une habitude. Entre les éléments de cette guerre, ils auraient dû reconnaître l’esprit de galanterie corrompue, c’est-à-dire, d’incontinence, de vanité et d’intrigue, qui régnait en France et avait fait des gens de cour un assemblage d’intrigants et de brouillons ? […] L’esprit de révolte était héréditaire dans la maison de Condé. […] La reine et le cardinal, au milieu de l’enivrement général, ne négligeaient pas de diriger l’esprit et les premières affections du jeune roi.
Elle étoit grande, bienfaite, peu jolie mais elle réparoit ce défaut par beaucoup d’esprit. […] Elle avoit un mari d’esprit qu’elle aimoit peu, Elle en a un de chair, qu’elle aime davantage. […] La contention continuelle de votre esprit, l’agitation continuelle de vos poumons sur votre Théatre, tout enfin devroit vous déterminer à renoncer à la représentation. […] Ces Médecins étoient Messieurs des Fougerais, Esprit, Guenaut & d’Aquin ; & comme Moliere vouloit déguiser leurs noms, il pria M. […] M. Esprit qui bredouilloit, celui de Bahis qui signifie jappant, aboyant.
Il est si gai qu’on lui pardonne tout : qu’il boive, qu’il mente, qu’il vole246, qu’il aide à enlever une fille247, et qu’il cajole une femme au nez du mari248 : le mari et le père, les trompés et les volés sont si niais, Sganarelle a tant d’esprit, qu’on applaudit toujours, et qu’on serait désolé de le voir pendre, comme le voudrait bien Lucas 249. […] Il a tant d’esprit ! […] Tous ces entremetteurs infâmes, tous ces valets, âmes damnées du vice et de la débauche, travaillent cependant à des causes justes, nobles, touchantes ; ils sont tendres, compatissants, désintéressés ; ils ont un esprit qui touche au génie : cela est faux dans la réalité. […] En lui, Molière a entrepris de produire le type idéal, quoique humain, de l’homme accompli, Homme d’honneur, d’esprit, de cœur et de conduite 278, à qui ne manque ni la rigide honnêteté d’Alceste ni la grâce de don Juan ; qui unit au raffinement d’esprit et à la politesse qu’offrait la cour de Louis XIV, la solidité du bon sens, la douceur de la charité et l’énergie du devoir279 ; qui devient, en vieillissant, le bon, raisonnable et aimable Cléante du Tartuffe 280. […] S’il s’est montré trop rigoureux pour le sac de Scapin et les autres farces de Molière, s’il a été cruellement silencieux pour son ami La Fontaine, ces fautes de son esprit, mais non de son cœur, sont excusées par la lutte sans pareille qu’il a eue à soutenir pour rejeter en dehors de la civilisation littéraire de la France les turlupinades et les gaillardises.
Il est parlé quelque part dans la Bible de mauvais esprits, qui, après avoir choisi leur demeure, s’en vont chercher des esprits plus méchants qu’eux pour leur en faire les honneurs. […] Elle continuait à n’y être que la ménagère; son esprit y languissait, uniquement adonné à des soins vulgaires et prosaïques. […] Ils n’ont pas moins d’esprit; mais ils ont un tour d’esprit un peu plus libre et dégagé. […] Don Quichotte porta un coup sensible à l’esprit chevaleresque, quoique Cervantès n’eut en vue que les exagérations ridicules auxquelles il avait donné lieu. […] Ses perpétuelles colères répondent mal à l’esprit de cette religion qui, par une hardiesse divine, a fait de la joie un devoir.
Il fallait un génie du premier ordre pour peindre les défauts et le ridicule des hommes, avec cette finesse et cette vérité qui touche en même temps le cœur et l’esprit : Molière parut, et la comédie devint l’école du monde. […] Au lieu que Molière, outre l’esprit qu’il lui fallait ramener, eut encore le cœur à guérir. Les poètes qui l’avaient précédé dans le comique (du moins la plupart) s’étaient permis des licences dans leurs ouvrages, qui marquaient également la malignité de l’esprit et la corruption du cœur. Il fallait donc que Molière effaçât de l’esprit, et qu’il arrachât du cœur des spectateurs les idées d’un comique scandaleux, mais reçu pourtant et applaudi. […] « Comme il avait de l’esprit, et qu’il savait ce qu’il fallait faire pour réussir, il n’ouvrit son théâtre qu’après avoir fait plusieurs visites, et brigué quantité d’approbateurs.
Il ne laissa qu’une fille, qui avait beaucoup d’esprit. […] L’esprit de raison s’est introduit dans toutes les sciences, et la politesse dans toutes les conditions. […] Mais c’était un ouvrage plus fait pour les gens d’esprit que pour la multitude, et plus propre encore à être lu, qu’à être joué. […] Quelque peine qu’il y eût prise, les plus grands efforts d’un homme d’esprit ne remplacent jamais le génie. […] Un homme supérieur, quand il badine, ne peut s’empêcher de badiner avec esprit.
Une heureuse occasion se présenta, et il la saisit avec une grande habileté ; il n’appartient qu’aux hommes supérieurs de réunir le génie à l’esprit de conduite. […] Mais s’il lui restait encore quelque ombre de pudeur, ne lui serait-il pas fâcheux d’être en butte à tous les gens de bien, de passer pour un libertin dans l’esprit de tous les prédicateurs, et d’entendre toutes les langues que le saint Esprit anime condamner publiquement son blasphème ? […] La pièce prit dès lors son rang parmi les chefs-d’œuvre de la scène, et la postérité l’a placée à la tête des productions les plus étonnantes de l’esprit humain. […] L’exempt le terminait en disant que l’hypocrisie était autant en horreur dans l’esprit du roi quelle était accréditée parmi ses sujets. […] Montufar et Hélène couchaient ensemble de peur des esprits, et leur valet et leur servante, qui étaient de même complexion, les imitaient en leur façon de passer la nuit.
Il y fut admis cependant avec répugnance ; l’esprit turbulent de Cyrano ne convenait point avec de jeunes gens, qui avaient déjà toute la justesse d’esprit que l’on peut souhaiter dans des personnes toutes formées. […] Cette jeune fille avait tous les agréments qui peuvent engager un homme, et tout l’esprit nécessaire pour le fixer. […] Écoute, mon cher Molière, tu as de l’esprit, vois si nous avons tort. […] Molière a toujours cent fois plus d’esprit que nous. […] Tenez, Molière, vous n’avez jamais donné une marque d’esprit si brillante.
Gassendi semblait, en effet, avoir hérité de l’esprit de libre causerie et de libre recherche qui avait animé les grands esprits du siècle précédent. […] De grands esprits partout se préparaient. […] Destin avait de l’esprit et faisait voir qu’il avait été bien élevé... […] D’ailleurs, ils avaient tant d’esprit; c’étaient des hommes si raisonnables, M. […] Tenez, Molière, vous n’avez jamais donné une marque d’esprit si brillante.
Le dialogue de celui-ci est un assaut continuel d’esprit et de gaieté. […] Us n’aiguisent pas des traits d’esprit ; ils laissent échapper des mots de caractère. […] Molière ne se bornait pas à cultiver son talent ; il travaillait aussi à former son esprit et son cœur. […] Ses manières répondaient à la noblesse de son âme et à la supériorité de son esprit. […] Pierre Boileau Puimorin, frère puîné de Despréaux, était homme d’esprit et fort ami du plaisir.
L’Isabelle de Molière occupe presque toujours la scène avec esprit et avec grâce, et mêle quelquefois de la bienséance, même dans les tours qu’elle joue à son tuteur. […] On connaîtra par là avec quel esprit et avec quel art Molière fait usage, pour ainsi dire, d’une ombre de coup de théâtre que Vega lui avait fait entrevoir dans sa comédie de La Discreta enamorada. […] Boursault n’y est pas épargné, il y est nommé avec le dernier mépris, mais ce mépris ne tombe que sur l’esprit et sur les talents : il avait attaqué Molière par un endroit plus sensible. […] Riccoboni a fait une analyse où l’esprit et le bon goût sont réunis. […] « Tout Paris était occupé de ce petit prodige ; les esprits faibles croyaient que Raisin était sorcier ; les plus clairvoyants ne pouvaient le deviner.
Ni les prières, ni les remontrances de ses Amis soutenues de ces promesses ne purent rien sur son Esprit. […] Jusques-là il y avait eu de l’esprit et de la plaisanterie dans nos Comédies, mais il y ajouta une grande naïveté avec des Images si vives des mœurs de son siècle, et des Caractères si bien marqués, que les Représentations semblaient moins être des Comédies que la vérité même, chacun s’y reconnaissait et plus encore son voisin, dont on est plus aise de voir les défauts que les siens propres. […] Molière avait remarqué que les Français avoient deux défauts bien considérables ; l’un, que presque tous les jeunes Gens avoient du dégoût pour la Profession de leurs Pères, et que ceux qui n’étaient que Bourgeois voulaient vivre en Gentilshommes et ne rien faire ; ce qui ne manque point de les ruiner en peu de temps ; et l’autre, que les femmes avaient une violente inclination à devenir, ou du moins à paraître Savantes, ce qui ne s’accorde point avec l’esprit du ménage, si nécessaire pour conserver le bien dans les familles. […] Ces Comédies firent tant de honte aux Dames qui se piquaient trop de bel Esprit que toute la Nation des Précieuses s’éteignit en moins de quinze jours, ou du moins elles se déguisèrent si bien là-dessus qu’on n’en trouva plus, ni à la Cour, ni à la Ville, et même depuis ce temps-là elles ont été plus en garde contre la réputation de Savantes et de Précieuses, que contre celle de Galantes et de Déréglées.
La fable seule est espagnole, le nombre des conquêtes de don Juan et le châtiment épouvantable de sa vie indigne ; mais l’homme est un fils de famille du dix-septième siècle, riche, égoïste, sans ombre de principes que son plaisir ; un de ces esprits forts du grand monde auxquels La Bruyère n’a pas craint de consacrer un chapitre entier, le plus solide de son œuvre. […] Cette leçon n’est pas la seule : on voit encore, dans don Juan, la représentation du bandeau funeste qui vient fermer l’esprit du méchant à tous les avertissements d’un valet57, d’un père58, d’une amante59, de Dieu même60. […] Par sa négligence coupable, l’honneur de sa fille est aux mains du premier venu qui a l’esprit de flatter sa manie96, et qui est heureusement un honnête homme, quoique dans la réalité il y ait grand-chance pour que les choses tournent autrement. […] Cette influence est bonne encore, à cause de la saine raison qui règne dans son esprit et dans son œuvre, sans que jamais l’art lui serve de prétexte ou d’excuse pour en violer les lois. […] Le même esprit éclate dans la scène où Lucinde désespérée dit : Je veux mourir, ouvre « la fenêtre qui regarde sur la rivière, et… la referme tout doucement.
Je conviens que si la chose est vraie, Molière y fait le personnage d’homme d’esprit. […] Un homme de bon esprit se serait défait honnêtement du commerce d’un ami si incommode. […] Molière avait raison de penser tout cela comme homme de bon esprit et de probité ; mais il avait grand tort de le dire, comme Comédien. […] L’Auteur fait bien connaître par cette proposition, qu’il n’entend ni l’action de la Chaire, ni l’action du Théâtre : car je ne puis m’imaginer que cela soit sorti de la bouche de Chapelle, qui était un homme d’esprit et de goût. […] Ces Messieurs-là n’allaient chez Molière, que pour faire valoir son esprit ; et ce que disent de Grands Seigneurs et des amis choisis, doit être agréable.
Je connoissois trop bien tout l’esprit qui y régnoit, & le mérite de son Auteur, connu par deux pieces charmantes, la jeune Indienne & le Marchand de Smyrne. […] Elles peuvent premiérement servir aux amateurs de la vraie comédie, parceque de l’esprit & le plus grand usage du théâtre ne suffisent pas pour juger des beautés ou des défauts d’une comédie. […] c’est un homme qui, riche de tous les dons de la nature & de toutes les acquisitions de l’art, sauroit subjuguer en même temps les yeux, les oreilles, l’esprit & le cœur. […] Qui nous dira comment un sujet se présentoit d’abord dans toute sa masse à l’esprit de Moliere ? […] Ses condisciples ne l’appelloient que l’Esprit ou l’Intelligence : il fut depuis surnommé le Prince des Philosophes.
La femme était l’esprit, la maîtresse était le cœur ; Molière s’obstinait à vaincre l’esprit, mais dans ses défaites il lui était doux de trouver au moins l’esprit du cœur. […] Son esprit n’emportait pas son cœur vers les vanités de la comédie ; il semble au contraire que son cœur entraînait son esprit. […] C’est que le luxe est comme l’esprit : il perd d’un côté ce qu’il gagne de l’autre. […] Alors l’esprit de contradiction fait son effet. […] Il semble bien étrange aujourd’hui que les écrits du temps de Molière parlent si peu de ce théâtre immortel d’où a jailli l’esprit français dans l’esprit gaulois.
Il s’essaye à faire rire avec le vieil esprit gaulois, avant de trouver des ressources infinies dans sa propre invention ; il est comédien avant d’être un poète comique. […] Il cachait son esprit avec grand soin, peut-être par respect pour sa majesté. […] À Molière il avait commandé tout un spectacle et lui avait donné quinze jours, pas une heure de plus, pour que rien ne manquât à ces fêtes de l’esprit ! […] Esprit, bonté, bonne humeur et bon sens, la voilà toute. […] On n’a jamais vu, que je sache, en un même esprit, tant de variété féconde ; un langage digne de Versailles, un patois digne des halles.
Ces renaissances de l’esprit précieux sont périodiques. […] Cependant Molière y a fait preuve d’ingéniosité, d’esprit et même d’imagination. […] Or, quels sont ces endroits où il s’est montré homme d’esprit et sérieux. […] Puisqu’on en est à jouer son jeu, elle a tout son sang-froid, toute sa présence d’esprit et tout son esprit ; mais elle a commencé presque maladroitement. […] Elle est peuple, avec de l’esprit et de l’élégance bourgeoise.
Si, de plus, il ne nous a pas éclairés sur l’esprit de ses compositions et sur la direction qu’il entendait leur donner, alors toutes les conjectures, toutes les suppositions deviennent possibles. […] C’est un homme qui ne manque ni d’intelligence, ni d’esprit, ni de fort bonnes qualités. […] Ainsi il rentre dans l’esprit de la comédie. […] Mais si l’éducation est comme jetée à tort et à travers, chez des parents imprudents, ou peu corrects, ou besogneux, alors c’est un danger plutôt qu’une garantie, et très probablement l’éducation qu’une jeune fille aura reçue dans ces conditions lui donnera un esprit d’indépendance plutôt qu’un esprit de discipline. […] Il faut, mesdames et messieurs, que la critique nouvelle, que les esprits avancés en prennent leur parti.
Saint-Simon nous représente le duc de Guiche avec « moins d’esprit qu’il est possible de l’imaginer, peu de bon sens, une parfaite ignorance, payant de grandes manières et de sottises ; » à peu près comme Alceste nous dépeint Clitandre n’ayant pour tout mérite que sa toilette et sa fatuité14. […] Ainsi, un type bien commun dans la société polie du XVIIe siècle, était celui de Philinte, homme aimable, complaisant, peu observateur, ou du moins n’ouvrant les yeux que malgré lui sur les misères humaines, doué d’un flegme utile, d’un esprit facile et accommodant, peu enclin à la satire, une manière d’optimiste, si l’on veut, mais non à la façon de Pangloss, ni des utopies de Jean-Jacques. […] Dans ce désolant tableau de la cour et des courtisans, ne reconnaissez-vous pas cet esprit observateur qui a vu de près le néant des grandeurs humaines 41 ? […] Taschereau, « qu’il n’est pas permis d’attribuer au hasard la similitude de la position de Molière et de sa femme avec celle d’Alceste et de Célimène 45. » Oui, tous ces souvenirs, évoqués de la vie intime du poëte, se pressent dans notre esprit, et nous obligent à trouver ici des allusions personnelles, l’histoire de son cœur. […] Nous avons acquis par nous-même la certitude que, si une représentation du Misanthrope n’est pas une de celles où « tout Paris court en foule» elle est toujours pour l’esprit un plaisir délicat.
Son corps s’y fatigue, mais son cœur s’y relève, son esprit s’y mûrit. […] Ne font-ils pas trop grand cas de ceux à qui ils parlent et qu’ils se sont choisis pour auditeurs, du fond de leur esprit ? […] Le pouvoir de l’abbé ne s’établit pas sur l’esprit du fils, sans s’étendre en même temps sur celui de la mère. […] Il appartenait aussi au parti des esprits indépendants de la littérature. […] Quand il y revint avec sa troupe, il y trouva les esprits en rumeur.
Il y fut admis cependant avec repugnance ; l’esprit turbulent de Cyrano ne convenoit point avec de jeunes gens qui avoient déja toute la justesse d’esprit que l’on peut souhaiter dans des personnes toutes formées. […] Ecoute, mon cher Moliere, tu as de l’esprit, voi si nous avons tort. […] Moliere a toûjours cent fois plus d’esprit que nous. […] Tenez, Moliere, vous n’avez jamais donné une marque d’esprit si brillante. […] Est-ce la vertu, la beauté, ou l’esprit, lui dit-il, qui vous font aimer cette femme-là ?
L’esprit veut du relâche, & succombe par fois, Par trop d’attachement aux sérieux emplois. […] Voilà comme les grands hommes tiennent souvent en suspens l’esprit du spectateur. […] Le pauvre esprit de femme, & le sec entretien ! […] Oui ; mais il veut avoir trop d’esprit, dont j’enrage. […] Non, morbleu, c’est à vous, & vos ris complaisants Tirent de son esprit tous ces traits médisants.
Mais un dédommagement s’offre à nous ; c’est le tableau d’une société d’élite, qui s’éleva, avec le xviie siècle, au sein de la capitale ; unit les deux sexes par de nouveaux liens, par de nouvelles affections ; mêla les hommes distingués de la cour et de la ville, les gens du monde poli et les gens de lettres ; créa des mœurs délicates et nobles, au milieu de la plus dégoûtante dissolution ; réforma et enrichit la langue, prépara l’essor d’une nouvelle littérature, éleva les esprits au sentiment et au besoin de jouissances ignorées du vulgaire. […] Sans doute, et c’est un malheur fort ordinaire dans la société, au milieu des esprits élégants et délicats que rassemblait l’hôtel de Rambouillet, se trouvèrent des copies chargées et ridicules qui présentaient des affectations mensongères et hypocrites à la place des nobles délicatesses de leurs modèles. […] Plusieurs au bel esprit de Voiture ; D’autres à la cour de Marie de Médicis et à ses cercles, ou les pointes, les jeux de mots, les concetti, que sa cour apporta d’Italie, acquirent de la vogue ; D’autres à la cour d’Anne d’Autriche, belle-fille de Marie de Médicis, qui introduisit, dit-on, en France, l’esprit des romans espagnols. Dans ces différentes suppositions, l’hôtel de Rambouillet n’aurait eu que le tort de développer et de répandre l’esprit dont il aurait été infecté par des influences étrangères.
Son aïeul était ce Théodore-Agrippa d’Aubigné, célèbre par son esprit et sa bravoure, par ses écrits et ses actions, illustré par la confiance et l’amitié de Henri IV, prix d’un dévouement sans réserve, et par la familiarité que le prince lui permettait avec lui, au risque de voir quelquefois Agrippa sortir des bornes du respect, et se permettre les saillies d’un camarade74. […] Là on traita ce jeune esprit avec ménagement. […] On fait trop d’honneur à un but si commun et à des moyens si vulgaires, en leur attribuant cette prodigieuse élévation : c’est aussi méconnaître le pouvoir d’un excellent esprit, d’une âme parfaite, jointe aux charmes de la figure. […] Voilà ce qui donna du charme à sa beauté, de la grâce et de la vie à son esprit éminemment sage et éclairé, et une puissance infinie à sa conversation. […] À sa beauté elle joignait la grâce qui faisait passer dans ses traits, dans ses mouvements, dans sa parole quelque chose de l’âme la plus douce, la plus sensible, et de l’esprit le plus sage et le plus délié.
Ne flattez point, ma sœur, votre esprit de la sorte. […] certes, le détour est d’esprit, je l’avoue : Ce subtil faux-fuyant mérite qu’on le loue ; Et dans tous les romans où j’ai jetté les yeux, Je n’ai rien rencontré de plus ingénieux. […] Ceci n’est point du tout un trait d’esprit, Madame, Et c’est un pur aveu de ce que j’ai dans l’ame. […] Clitandre abuse vos esprits, Et c’est d’un autre objet que son cœur est épris. […] Ce n’est pas pour toi que j’écris, Indocte & stupide vulgaire : J’écris pour les nobles esprits.
Des hommes de beaucoup d’esprit et de talent ont travaillé après lui, sans pouvoir ni lui ressembler ni l’atteindre. […] Ce sonnet d’ailleurs est fait avec tant d’art, il ressemble si fort à ce qu’on appelle de l’esprit, il réussirait tant aujourd’hui dans des soupers qu’on appelle charmants, que je trouve le parterre excusable de s’y être trompé. […] Ne cessons de le dire; le naturel est le charme le plus sûr et le plus durable; c’est lui qui fait vivre les ouvrages, parce que c’est lui qui les fait aimer; c’est le naturel qui rend les écrits des anciens si précieux, parce que maniant un idiome plus heureux que le nôtre, ils sentaient moins le besoin de l’esprit; c’est le naturel qui distingue le plus les grands écrivains, parce qu’un des caractères du génie est de produire sans effort; c’est le naturel qui a mis la Fontaine, qui n’inventa rien, à côté des génies inventeurs; enfin c’est le naturel qui fait que les lettres d’une mère à sa fille sont quelque chose et que celles de Balzac, de Voiture, et la déclamation et l’affectation en tout genre sont, comme dit Sosie, rien ou peu de chose. […] Dufréni étincelle d’esprit dans sa tournure originale; le Joueur et le Légataire sont de beaux ouvrages; le Glorieux, la Métromanie et le Méchant ont des beautés d’un autre ordre. […] La disposition des esprits est autre que dans le siècle passé.
Doué d’une imagination facile, il excellait dans l’à-propos ; mais il dédaignait ces triomphes que l’esprit obtient aux dépens du cœur. […] Laujon avait donné l’édition complète de ses œuvres ; on y reconnaît un esprit fin, un travail facile, une aimable négligence. […] Tour à tour naïve, tendre, morale, et guerrière, elle fait éclore les idées les plus riantes et les sentiments les plus élevés ; elle inspire l’amour, cimente l’amitié, frappe le ridicule, enflamme le courage ; enfin, est à la fois l’interprète du cœur et l’organe de l’esprit. […] C’est à cette heureuse fécondité, c’est à ce tour d’esprit délicat que M. […] La manie de l’analyse succède à l’esprit d’observation ; le précieux, au naturel ; la manière, à la grâce.
Sur le mariage de Molière et sur Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène1, est connu dans la république des lettres par une Histoire des révolutions de la ville et du royaume de Naples 2, où lui-même avait joué un très grand rôle, en sorte que cet ouvrage a l’intérêt qu’excite toujours un auteur qui parle des événements dont il a été le témoin, et auxquels il a pris part. […] Esprit de Raimond de Mormoiron, fils aîné de François de Raimond de Mormoiron, baron de Modène, et de Catherine d’Alleman, naquit à Sarrians, village assez considérable, situé dans le comté Vénaissin, à deux lieues de Carpentras, le 19 novembre 16083. […] Gaston, né avec de l’esprit et une humeur facile et douce, ne respectait pas toujours les convenances de son rang. […] Il fut remplacé par le jeune duc de Guise (Henri II de Lorraine), digne d’être chef du parti par son esprit et son courage11 ; Modène s’attacha à lui, et, comme il avait six ans de plus, Guise profita quelquefois de son expérience. […] Le comte de Modène, ainsi débarrassé d’une famille qui lui était devenue presqu’étrangère, s’occupa principalement de son fils, jeune homme plein d’esprit et de mérite, dont on admirait la facilité à s’exprimer, mais qui malheureusement mourut fort jeune12.
Non-seulement il n’a pas su triompher des difficultés qu’offrait son emplacement, mais, par une absence complète de hardiesse ou d’esprit de ressource, il a encore aggravé les circonstances dans lesquelles il se trouvait. […] C’est-à-dire, qu’ainsi que l’être moral s’exprime par l’être physique, que la physionomie de l’homme réfléchit son esprit et son caractère, l’œuvre d’architecture doit, par son aspect, exprimer nettement ce qu’elle est dans l’idée, ce à quoi elle est destinée. […] Les détails connus de sa vie active et charitable, sa mort, causée par sa persistance à jouer alors qu’il était déjà fort malade, viennent, du reste, corroborer l’idée qu’on se fait de la force d’esprit et de caractère dévolue à Molière. […] Pradier ; la tête de la Comédie enjouée, copiée sur la tête de l’Ariane antique, est par cela même d’un meilleur caractère que celle de sa compagne, qui manque d’esprit et d’élévation. […] Mais il est un autre enfant de Paris, qui a porté haut et loin l’honneur de l’esprit français, et dont le nom semble résumer le dix-huitième siècle.
Sans doute qu’il les a tous dans l’esprit quand il compose. […] Il y fut admis cependant avec répugnance : l’esprit turbulent de Cyrano ne convenait point à des jeunes gens qui avaient déjà toute la justesse d’esprit que l’on peut souhaiter dans des personnes toutes formées. […] Tenez Molière, vous n’avez jamais donné une marque d’esprit si brillante. […] « Est-ce la vertu, la beauté ou l’esprit, lui dit-il, qui vous font aimer cette femme-là ? […] Elle était grande, bien faite, peu jolie ; mais elle réparait ce défaut par beaucoup d’esprit.
Sans doute on a fait de détestables comédies, capables de pervertir le cœur et l’esprit ; mais l’abus doit-il conclure contre l’usage ? […] La Fontaine, c’est la fleur de l’esprit gaulois avec un parfum d’antiquité. […] Certes, ce n’était pas celle de l’esprit. […] Le temps seul a dissipé cette illusion, et montré clairement que la fable telle que l’a faite La Fontaine est véritablement une des plus heureuses créations de l’esprit humain. […] Cette ruse de l’esprit, qui se cache avec le secret désir d’être surpris, tient au caractère de l’auteur, et il ne l’emploie guère que lorsqu’il parle en son propre nom.
Moliere a fait encore voir dans cette comédie l’art avec lequel il savoit prendre l’esprit de plusieurs ouvrages pour en composer un seul. […] Pauvres gens, qui n’ont pas l’esprit De garder du loup leur ouaille ! […] Mettez-vous bien dans l’esprit ce que je m’en vais vous dire, & l’observez exactement tant que vous vivrez, de peur d’offenser Dieu, & de peur de me déplaire ». […] Moliere, dis-je, n’a-t-il pas bien fait de nous offrir à la place une jeune innocente qui, à travers la simplicité à laquelle son éducation l’a forcée, fait voir de l’esprit à mesure qu’elle est éclairée par le sentiment ? […] Aussi-tôt mon esprit s’est montré curieux : J’ai brûlé du desir de les pouvoir apprendre, Et lui-même a voulu me les faire comprendre.
Nous continuons la gloire des. anciens aux dépens de la nôtre, aux dépens de notre esprit national ! […] Que les hautes intelligences apparaissent à l’orient ou à l’occident, n’importe, les idées n’ont point de patrie : Télémaque et l’Esprit des Lois appartiennent à la France par la langue ; ils appartiennent au monde par le bien qu’ils ont fait au monde, et Dieu a voulu que les fruits de la vertu et du génie fussent le patrimoine de l’humanité. […] Je le vois enfant dans la rue Saint-Honoré ou sous les piliers des Halles, jouant avec les libres enfants de Paris, et s’incarnant cet esprit goffe et facétieux dont plus tard il devait reproduire le type ; je le vois courant sur le pont Neuf, et s’inspirant de cette muse grotesque qui animait alors les tréteaux de Gauthier Garguille et de Turlupin. […] L’esprit populaire et parisien vivait en lui. […] Puis, lorsque son esprit errant de livre en livre, Manque enfin de pâture… alors il songe à vivre, Et la vie apparaît à son cœur de vingt ans Belle, riche, éternelle : il est maître du temps !
Du reste il a la bonne grâce et l’esprit d’être le premier à en convenir. […] Il était d’un esprit original, et avait des saillies très piquantes. […] Il eut le talent de ne mettre que de l’esprit là où tout autre n’eût mis que de l’amour-propre. […] Ce bouffon ne manquait pas d’esprit. […] Mais l’esprit inventif de la future mariée trouva un singulier moyen pour éluder cet ordre.
Oui, j’ai l’esprit en peine. […] Mais mettez-vous donc dans l’esprit que je ne demande qu’à vous obliger, entendez-vous ? […] quelle petitesse d’esprit ! […] Pour moi je ne trouve pas le moindre esprit à imaginer de pareils noms. […] M. Esprit, qui bredouilloit, celui de Bahis, qui veut dire jappant, aboyant.
On remarque sa présence d’esprit, lorsque ses amis voulurent se noyer à Hauteuil, et qu’il raccommoda Mr de Chapelle avec son Valet. […] La nature avait refusé à Molière les dispositions nécessaires pour ce genre d’action ; mais comme homme d’esprit et d’étude il en connaissait les règles. […] Autrefois les Comédiens les recevaient des Auteurs qui leur confiaient la représentation de leurs Pièces ; mais aujourd’hui ces Auteurs seraient très mal reçus à leur donner l’esprit d’un rôle. […] En mon particulier je reconnais ces Mr-là pour de fort honnêtes gens ; ils ont de l’esprit, de la conduite, jusqu’à de la vertu, puisque mon Censeur le veut. […] Le récit que je fais de la mort de cet Auteur ne lui plaît point ; il est rempli de trop petites circonstances pour son esprit supérieur.
Elle est trop délicatement traitée ; mais je puis assurer que tout le monde a remarqué qu’elle était bien écrite, et que les personnes d’esprit en ont bien su connaître les finesses. […] Son crime, qui ne part que d’un esprit encore jeune, ne demandant pas qu’elle en fasse une si grande. […] « Des distinctions si flatteuses n’avaient gâté ni son esprit, ni son cœur. […] Si l’on regarde la musique, il n’y a rien qui n’exprime parfaitement toutes les passions, et qui ne ravisse l’esprit des auditeurs. […] Un homme supérieur, quand il badine, ne peut s’empêcher de badiner avec esprit.
Par sa conversation, la vie sociale s’était perfectionnée ; les personnes s’étaient classées ; les sympathies d’esprit, de cœur, de caractère, même de conditions sociales, s’étaient rencontrées, reconnues, agrégées ; les existences se touchaient diversement ; les distinctions les plus faiblement marquées entre les personnes, mettaient des nuances dans leurs relations réciproques. […] Les grands écrivains eurent alors leur style propre ; de grandes et d’heureuses variétés de style charmèrent les esprits polis, surtout par leur appropriement aux choses, aux temps, aux personnes. […] On voit dans la première lettre de Balzac à la marquise de Rambouillet, qu’il a le premier hasardé le mot d’urbanité, pour opposer un caractère de la civilisation romaine à l’atticisme qui caractérisait l’esprit des Grecs. […] Il existait un grand nombre de lettres de Sévigné, modèles de style épistolaire ; on en avait de son cousin Bussy-Rabutin, homme de mauvais cœur, de mauvais esprit, mais d’assez bon goût ; En morale, on avait les nobles écrits de Balzac ; En métaphysique, la méthode de Descartes ; En didactique et en polémique, les Lettres provinciales ; En critique, plusieurs bons écrits de Port Royal, la critique du Cid ; En poésie, les belles odes de Malherbe, quelques ouvrages de Racan, de Segrais, de Benserade ; les chefs-d’œuvre de Corneille, Le Cid, Les Horaces, Cinna, Polyeucte, La Mort de Pompée, Le Menteur, Rodogune. […] La Bruyère, Des ouvrages de l’esprit, p. 96, édit. in-4°.
ce n’est plus guère cela qu’on reproche à la tragédie ; c’est plutôt par esprit de pénitence qu’y vont les contemporains de l’opérette. […] Les contemporains ont noté avec quel soin Molière confiait ses rôles aux comédiens extérieurement les plus propres à en rendre l’esprit. […] Abîmons tout plutôt, c’est l’esprit de l’Église. […] Dans son esprit d’abord, dans l’homme qui la représente ensuite, directeur ou confesseur. Quel est l’esprit de la dévotion ?
Les belles lettres avoient orné l’esprit du jeune Pocquelin ; les préceptes du philosophe lui apprirent à raisonner. […] Mais, si l’on ne considére que l’art qui régne dans cette piéce, on sera forcé de convenir que l’école des femmes est une des plus excellentes productions de l’esprit humain. […] Boursault n’y est pas épargné, il y est nommé avec le dernier mépris ; mais ce mépris ne tombe que sur l’esprit & sur les talens : il avoit attaqué Moliere par un endroit plus sensible. […] Il perdit enfin son repos, & la douceur de sa vie ; mais sans perdre aucun des agrémens de son esprit. […] Des distinctions si flateuses n’avoient gâté ni son esprit ni son cœur.
En 1610, pendant que la société de Rambouillet prenait un heureux essor, la publication du ier volume d’un roman nouveau fit événement dans le monde, et concourut puissamment à déterminer le changement de mœurs qu’amenait le cours des choses, en dirigeant les esprits vers un nouveau genre de la galanterie tout opposé à celui qui régnait en France, depuis François Ier. […] Il était célèbre dans le monde galant par sa beauté, ses grâces, son esprit et son tendre cœur. […] « Ces ouvrages, dit Huet, furent reçus du public avec un applaudissement infini, et principalement de ceux qui se distinguaient par la politesse et par la beauté de l’esprit. » Rien ne nous apprend comment le Ier volume du roman du marquis d’Urfé fut accueilli à l’hôtel de Rambouillet, ni si l’auteur s’introduisit dans cette société. […] Quand l’esprit dominant est de rejeter sans examen et sans discernement tout ce qui appartenait au parti vaincu dans les sciences, dans les lettres, dans les arts même, l’ignorance présomptueuse, les doctrines surannées et réduites à l’absurde, les témérités mille fois réprimées des imaginations sans frein et sans guide, les extravagances les plus révoltantes, ont le champ libre, peuvent se donner carrière, faire ligue, se produire mutuellement, et se soutenir par leurs efforts combinés.
Molière fait justice de l’illusion que l’amour puisse exister entre les âmes seules, et que l’homme ait ainsi la puissance de séparer en deux le corps et l’esprit, qui font une seule et même personne. […] Mais la politesse même et le raffinement de l’esprit et du corps rendent quelquefois la pratique du mariage plus difficile. […] — par la voix de l’homme honnête et sensé qui dit avec autant d’esprit que de raison : J’aime avec tout moi-même ; et l’amour qu’on me donne En veut, je vous l’avoue, à toute la personne... […] Et que sont les soucis matériels, auprès de tous ceux de l’esprit et du cœur, l’ennui, le dégoût, l’irritation, la haine même qui résulte du choc journalier des caractères ; sans compter les inquiétudes, les douleurs , les jalousies, les infidélités et les coups ? […] L’élude de Molière est infinie : je demande qu’on réfléchisse à ces deux gradations, et à ce quelles contiennent d’idées, de bon sens, d’indulgence, d’esprit et d’ironie.
Pour moi, je ne tiens plus à vous par aucun attachement du monde ; je suis revenue, grâces au ciel, de toutes mes folles pensées ; ma retraite est résolue, et je ne demande qu’assez de vie pour pouvoir expier la faute que j’ai faite, et mériter, par une austère pénitence, le pardon de l’aveuglement où m’ont plongée les transports d’une passion condamnable759. » Enfin, la souveraine justice de Dieu, « condamnant à des supplices éternels760 » ceux qui trouvent « que le ciel n’est pas si exact qu’on pense761, et qu’il faut qu’il parle un peu plus clairement, s’il veut qu’on l’entende762 ; »cette souveraine justice frappant « d’un épouvantable coup763 » les pécheurs qui ne profitent pas « de la miséricorde du ciel764 » et les « esprits forts qui ne veulent rien croire765 ; » cette justice, dis-je, est affirmée par la brève autorité de cette parole : « L’endurcissement au péché traîne une mort funeste ; et les grâces du ciel que l’on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre766. » Ces textes sont formels : ils ne sont point des traductions, et il suffit de les comparer sommairement aux modèles espagnols, pour voir qu’ils sont écrits dans un esprit sérieux tout différent de l’esprit superstitieux qui domine chez Tirso de Molina767. […] « À propos de ce mot humanité, qui n’était point d‘un usage populaire du temps où fut jouée cette pièce, Aimé Martin remarque justement que Molière, en l’employant, semble pressentir et critiquer à l’avance l’abus qu’en feront au commencement du siècle suivant les esprits forts, et à la fin de ce même siècle les scélérats qui ont fait de la guillotine l’instrument de leur politique. » Œuvres complètes de Molière, édition variorum de Ch. […] VI. — Ce n’était pourtant pas l’avis du prince de Conti, qui tonne contre le Festin de Pierre dans son Traité de la Comédie et des Spectacles : « l’a-t-il une école d’athéisme plus ouverte que le Festin de Pierre, où, après avoir fait dire toutes les impiétés les plus horribles à un athée qui a beaucoup d’esprit, l’auteur confie la cause de Dieu à un valet à qui il fait dire pour la soutenir toutes les impertinences du monde ? […] En vain d’un lâche orgueil leur esprit revêtu Se couvre du manteau d’une austère vertu ; Leur cœur, qui se connoit et qui fuit la lumière, S’il se moque de Dieu, craint Tartuffe et Molière. […] D’ailleurs Molière a sur Pascal l’avantage de n’avoir touché ces points là qu’en passant, en se gardant d’attacher une importance qu’ils n’avaient réellement pas, à quelques livres de rêveries mystiques et casuistiques, que les jésuites furent presque aussi étonnés que leurs adversaires de voir exhumer par Pascal avec une méchanceté et une petite mauvaise foi que tout l’esprit n’excuse pas.
L’origine de ces méprises est presque toujours la même : les comédiens, trop souvent, veulent avoir plus d’esprit que l’auteur. […] Ici, la tradition prétendue qu’on invoque à tout propos sert de réponse aux esprits chagrins qui ne veulent pas se soumettre à l’engouement de la foule. […] Ceux qui comprennent autrement le mari de Philaminte sont bafoués comme des esprits étroits, sans portée, sans clairvoyance. […] Heureusement les esprits frivoles, malgré l’imposante majorité qu’ils composent, ne font pas loi dans la discussion. […] Qu’un esprit mal fait s’avise de parler à sa guise, et tout se dérange.
Certes un peuple qui honore ainsi ses grands esprits ne fait que s’honorer lui-même. […] C’est un roulement incessant de railleries et d’esprit. […] trouvait de l’esprit. […] C’est qu’il n’est pas seulement Dom Juan le coureur de ruelles et l’aventurier d’amour, mais encore le libre esprit, l’esprit fort, le libertin, comme on disait alors. […] Il faut que je parle à une foule de peuple et à peu de gens d’esprit !
L’Isabelle de Moliere occupe presque toujours la Scéne, avec esprit & avec grace, & mêle quelquefois la bienséance, même dans les tours qu’elle jouë à son Tuteur ». […] Envain mille jaloux esprits, Moliere, osent avec mépris Censurer ton plus bel Ouvrage ; Sa charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Enjouer la posterité. […] L’esprit de raison s’est introduit dans toutes les sciences, & la politesse dans toutes les conditions ». Mais dans combien d’occasions cet esprit de raison & cette politesse sont en défaut, même parmi les personnes qui en connoissent le mieux le prix & les avantages !
Quand vous avez écrit, comme philosophe hégélien, une Méditation sur le drame comique, vos premières et vos dernières lignes ont clairement eu pour but de rassurer sur le compte de votre orthodoxie nos esprits qui prenaient l’alarme ; ce but, elles l’ont atteint, bien qu’assez gauchement, à l’aide de quelques phrases d’ironie qui, sans transition, ont précédé toute une exposition sérieuse, puis d’autres qui lui ont succédé — sans transition. […] elle en est si sûre que, dérogeant une fois, par une exception heureuse, à sa largeur d’esprit et à sa réserve habituelles, elle a indiqué d’avance et imposé sa solution avec la question. […] Nous n’admettons pas que vous puissiez avoir l’âme assez basse, l’esprit assez court pour en rester à la doctrine de l’école historique. […] Je ne trouve pas que nous ayons l’esprit trop large, ni l’intelligence trop ouverte. […] Vous voyez, mon cher lecteur, que je ne résous rien, et que je ne me mêle pas de concilier les délicatesses du sentiment littéraire avec la magnifique tolérance de l’esprit historique.
Montrez aux Dames d’esprit certaines pensées d’Horace, d’Ovide, de Juvenal, &c. montrez les leur en vieux Gaulois ; faites en la traduction la plus plate qu’il vous plaira, pourveu qu’elle soit fidelle, vous verrez que ces Dames conviendront que ces pensées sont belles, délicates, fines. Il y a des beautez d’esprit qui sont à la mode dans tous les tems. […] Moliere persuadé de sa vertu par ses larmes, lui fit mille excuses de son emportement, & lui remontra avec douceur, que ce n’étoit pas assez pour la reputation, que la pureté de la conscience nous justifiât ; qu’il falloit encore que les apparences ne fussent pas contre nous ; sur tout dans un siecle où l’on trouvoit les esprits disposez à croire mal, & fort éloignez de juger des choses avec indulgence. […] Il s’empressa fort à la faire revenir, en la conjurant de considerer que l’amour seul avoit causé son emportement, & qu’elle pouvoit juger du pouvoir qu’elle avoit sur son esprit, puis que malgré tous les sujets qu’il avoit de se plaindre d’elle, il étoit prêt de lui pardonner, pourveu qu’elle eût une conduite plus reservée. […] Il a peut-être dit mille fois avec Horaced, j’aimerois mieux passer pour le plus chétif de tous les Auteurs, & être content, que d’avoir un si grand esprit, & un génie si admiré, & souffrir tant d’inquietudes.
Épître à Molière PHILOSOPHE profond, dont l’esprit courageux Sondant du cœur humain les replis tortueux Des fripons et des sots prépara les supplices, Osa dans tous les rangs attaquer tous les vices ; Le plus bel ornement du siècle de Louis, Gloire, gloire Molière, à tes divins écrits ! […] Aimant à s’égayer par d’utiles loisirs, Louis, qui te devait ses plus nobles plaisirs, Dont l’appui protecteur faisant taire l’envie, Contre elle, tant de fois, a défendu ta vie ; Cet esprit éclairé, ce brillant potentat Qui de l’éclat des arts a reçu tant d’éclat 1; Qui soutint si longtemps le Tartuffe et Molière ; De son siècle, avec peine, obtint qu’un peu de terre Couvrirait par pitié l’honneur du nom français. […] Laissant le madrigal au froid épithalame, Jamais, hors de propos, la mordante épigramme Ne vient, dans l’action que rien ne refroidit, Aux dépens du bon sens faire briller l’esprit. […] On ne te trouve plus, chez nous, que dans les drames ; L’égoïsme, insensible à la voix du malheur, Aux pleurs de la pitié ferme toujours son cœur ; Et la philosophie et sa douce influence N’ont pu, de son exil, tirer la bienfaisance : Le cri de l’infortune est à peine écouté ; L’homme d’esprit sourit au mot d’humanité ; Le mérite caché languit dans la misère, Et l’intrigant, hélas ! […] Loin de moi l’intention de révoquer en doute la sincérité des principes de tolérance proclamés par le Gouvernement ; mais que l’on se rappelle les clameurs que la réimpression des œuvres de Voltaire et de Rousseau a excitées il y a quelques mois ; les outrages prodigués aux deux plus beaux génies du dix-huitième siècle, à ces immortels apôtres de la raison et dé l’humanité, et l’on jugera s’il y aurait aujourd’hui de la prudence à publier pour la première fois l’Essai sur les mœurs et l’esprit des Nations, ou la profession de foi du Vicaire savoyard.
Que ce drame sans action et sans dénouement soit, au point de vue littéraire, un chef-d’œuvre inimitable, un des monuments les plus glorieux de l’esprit humain, ce n’est point ici la question : le Misanthrope est une composition essentiellement morale127. […] Nul n’a jugé plus sainement que lui des ouvrages de l’esprit ; nul n’a mieux compris combien ils élèvent et ennoblissent l’homme. […] Les lettres ont leur responsabilité : elles peuvent et doivent avoir l’influence excellente de former les esprits au bon sens en ne leur offrant que des œuvres de bon sens ; et les auteurs du temps de Périclès, comme ceux du siècle de Louis XIV, contribuèrent certainement de cette façon à la grandeur de leur patrie. […] Et n’y a-t-il pas, dans l’esprit faussé par le pédantisme et l’orgueil, de certaines erreurs qui vont à la folie, et qu’on ne peut réfuter mieux que par des farces folles, comme celle du Docteur aristotélicien, auquel il faut parler à coups de pierre, et du Docteur pyrrhonien qui ne croit qu’aux coups de bâton197 ? […] La Bruyère, Les Caractères, Dès ouvrages de l’esprit.
L’Auteur, guidé par son bon goût, & par cet esprit de justesse admirable qu’on voit dans tous ses ouvrages, a senti toutes les ressources qu’il se ménageoit en donnant la préférence à un Bourgeois. […] Il s’est ménagé encore le plaisant qui naît de la bassesse de ce Courtisan intéressé qui ne rougit pas de passer dans l’esprit de Jourdain pour son Mercure, pourvu que le Bourgeois lui prête de l’argent & régale sa maîtresse. […] Enfin Moliere a préparé par le seul état de son héros, toutes les richesses comiques amenées par le bon sens de Madame Jourdain, l’ingénuité de Nicole, le bon esprit de Lucile, la noble franchise de Cléonte, la subtilité de Covielle, ils se trouvent très bien en opposition avec le caractere principal, & font ressortir le ridicule de M.
Molière, comédien, atteignit mieux que le plus puissant théoricien ce milieu des prolétaires et des femmes qui, « pour être peu apte aux inductions générales et aux déductions fort prolongées, est d’ordinaire mieux disposé à sentir cette combinaison de la réalité avec l’utilité qui caractérise la positivité », ce milieu dont l’esprit se trouve naturellement disposé à la saine philosophie qui exige une attention désintéressée, sans indifférence. […] Ce qu’il raille, c’est la vaine superstition des règles sacro-saintes, la prétendue érudition au nom de laquelle certains prétendent interdire aux esprits curieux toute découverte nouvelle, les retenir dans la routine. […] Non, certes ; et pour être convaincus qu’en définitive, l’auteur des Femmes savantes n’a nullement admis … Qu’une femme en sait toujours assez Quand la capacité de son esprit se hausse À connaître un pourpoint d’avec un haut-de-chausse, il nous suffira d’entendre un instant ce ridicule et presque odieux Arnolphe, de L’École des femmes, auquel Molière fera si durement expier son égoïsme : Je ne veux point, dit-il, d’un esprit qui soit haut ; El femme qui compose en sait plus qu’il ne faut. […] Isabelle manque à toutes les convenances, s’expose à bien des périls sans doute ; elle le reconnaît elle-même : Je fais, pour une fille, un projet bien hardi, Mais l’injuste rigueur dont envers moi l’on use Dans tout esprit bien fait me servira d’excuse….. […] La nécessité lui donne de l’esprit, chasse ses craintes.
Impossible d’exposer avec plus d’esprit les objections ; impossible d’y répondre avec plus de bon sens. […] Leurs bureaux d’esprit, leurs alcôves font l’office de la presse. […] c’est un de nos bons esprits.. […] … Vous ne craignez donc plus de trouver des esprits ? […] pauvre sot toi-même, qui ne veux pas comprendre que c’est tout simplement que le cœur a plus d’esprit que l’esprit !
On aime à trouver ainsi l’auteur du Misanthrope dans ce cortège de nobles esprits qui font à distance si belle figure autour du grand Condé. […] Par là s’expliquent les impatiences d’hommes d’esprit, agacés à la longue d’entendre dévider les litanies de Molière par des hagiographes béats. […] Mais de pareils états d’esprit ne donnent point la véritable pensée d’un homme. […] Médiocrement chrétien et peu respectueux dans un siècle imprégné de foi et d’esprit hiérarchique, épicurien de goûts et de conduite, Molière était, à la fois, en retard et en avance sur son temps ; il se rattachait au XVIe siècle par son esprit d’indépendance, il faisait pressentir le XVIIIe par son désir de tout soumettre au rire, c’est-à-dire à la discussion. Cette nature d’esprit, non-seulement se conciliait très bien avec celle de la comédie, mais elle y était jusqu’à un certain point nécessaire.
« Alors les auteurs, incertains sur le parti qu’ils devaient prendre, cherchèrent à éblouir le spectateur par des saillies d’esprit et des pensées brillantes. La Nation française, naturellement portée à ce genre d’esprit, s’y prêta, le goûta, et lui donna par son approbation le moyen de s’emparer en peu de temps de la scène. […] Ces esprits justes, ces esprits vrais ne souffrent qu’avec peine que l’on préfère aujourd’hui des comédies composées simplement de saillies et d’épigrammes aux comédies qui n’ont qu’une intrigue soutenue d’une diction simple et naturelle. […] Il y a partout mille traits d’esprit, beaucoup d’expressions heureuses, et beaucoup de manières de parler nouvelles et hardies, dont l’invention ne peut être assez louée, et qui ne peuvent être imitées. […] Il fit un compliment au roi, à sa manière ordinaire, c’est-à-dire plein d’esprit et d’éloquence… M.
Écoute, mon cher Molière, tu as de l’esprit ; vois si nous avons tort : fatigués des peines de ce monde-ci, nous avons résolu de passer en l’autre : la rivière nous a paru le plus court chemin pour nous y rendre, ces marauds187 nous l’ont fermé. […] j’enrage, dit L… ; Molière a toujours cent fois plus d’esprit que nous. […] La présence d’esprit de Molière prévint quelques malheurs : tous ces messieurs étaient ivres, et animés contre ceux qui les avaient empêchés de se noyer.
Une preuve qu’elle l’exerça justement, c’est que, pendant plus d’un siècle, la pièce fut éliminée du théâtre : et certainement ce ne fut pas faute d’esprit, de gaîté, de talent, car la scène de l’interrogatoire est, indécence à part, une des plus comiques du théâtre de Molière. […] Dire que la chasteté du langage ne doit pas aller au-delà de celle des mœurs, quelque corrompues qu’elles soient, c’est prétendre que la société de mœurs honnêtes est condamnée à entendre et à parler un langage qui respire le mépris de l’honnêteté et de la morale ; c’est avancer que le langage peut mettre à découvert des mœurs que la morale oblige à cacher ; c’est aussi établir en principe que des esprits délicats et polis n’ont pas le droit d’exclure de leur langage des expressions grossières et brutales, et j’observe ici que si la décence est une loi de la morale, c’est aussi une loi du goût. Bien que les bonnes mœurs soient la plus sûre garantie du bon goût, cependant le bon goût a ses lois à part ; elles procèdent d’un instinct qui se développe dans la société avec la politesse des esprits, avec la délicatesse des âmes, avec l’élégance des manières, et s’exalte dans les douceurs des communications habituelles des esprits.