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5. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVI. Des Caracteres nationaux. » pp. 268-283

Moliere lui-même, au commencement de sa carriere, a suivi le torrent, s’est laissé entraîner par l’usage, & nous a peint les mœurs les plus anciennes, en introduisant dans ses premieres pieces quelques personnages tels que ses Marchands d’Esclaves & ses Filles dans l’esclavage. […] « Or, nous ne pouvons pas reconnoître aussi facilement la nature quand elle paroît revêtue de mœurs, de manieres, d’usages & d’habits étrangers, que lorsqu’elle est mise, pour ainsi dire, à notre façon. Les bienséances d’Espagne, par exemple, ne nous étant pas aussi connues que celles de France, nous ne sommes pas choqués du ridicule de celui qui les blesse, comme nous le serions si ce personnage blessoit les bienséances en usage dans notre patrie & dans notre temps. […] Or, les hommes de tous les pays & de tous les siecles sont plus semblables les uns aux autres dans les grands vices & dans les grandes vertus, qu’ils ne le sont dans les coutumes, dans les usages ordinaires, en un mot, dans les vices & les vertus, que la comédie peut copier : ainsi les personnages de comédie doivent être taillés, pour ainsi dire, à la mode du pays pour lequel la comédie est faite. […] Oui, milord hypocondre, Je pourrois censurer les usages de Londre,   Comme vous attaquez nos goûts : Mais je ris simplement & de vous & de nous.

6. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

L’usage s’établit donc d’écrire le sujet et le plan de la pièce. […] C’était là une règle qui dans l’usage souffrait de nombreuses exceptions ; on les prodiguait à tout propos et souvent hors de propos. […] Pantalon est reproduit d’après Callot ; voici ce que dit Louis Riccoboni relativement au costume de ce personnage : « La robe de dessus est la zimarra que les marchands portaient dans leurs magasins, et qui était encore en usage au dix-huitième siècle parmi les avocats dans leurs cabinets. » La simarre est donc tout simplement une robe de chambre, comme on le voit. […] Cet habit devint noir, en signe de deuil, après la prise de Constantinople par les Turcs ; puis, le noir prévalut par habitude et fut le plus généralement en usage pour ce pourpoint ainsi que pour la robe.

7. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII.*. M. PIRON. » pp. 277-287

Ce n’étoit plus un pere qui étoit le Roi de sa famille, mais c’étoit un bon-homme qui n’étoit d’aucun usage, qu’on souffroit par commisération, & que bientôt on se lasseroit de supporter si le poison lent, qu’on lui donnoit par un pareil procédé, ne faisoit pas plus de progrès. […] Le Banquier remplit le coffre-fort de Conaxa d’un million d’or : il connoissoit sa probité ; il étoit sûr que Conaxa lui rendroit cette somme, quand il en auroit fait l’usage qu’ils méditerent. […] Mes enfants, leur dit-il, je vais vous découvrir ma manie : je n’ai pu refuser ces mille écus à ce Banquier qui est mon intime ; à cela près je ne fais aucun usage de mon argent de peur qu’il ne se dissipe ; mon dessein est de n’y pas toucher tant que je vivrai, vous le trouverez après ma mort : je le destine à celle de vous deux dont je serai le plus content ; je le partagerai si je m’apperçois que votre tendresse soit égale.

8. (1734) Mémoires sur la vie et les ouvrages de Molière (Œuvres de Molière, éd. Joly) [graphies originales] pp. -

Le succès de cet essai rétablit l’usage des piéces en un acte qui avoit cessé à l’hôtel de Bourgogne, depuis la mort des premiers farceurs. […] Mais Plaute ne peut corriger que les hommes qui ne profiteroient point des ressources que le hazard leur donne contre la pauvreté : Euclion, né pauvre, veut encore passer pour tel, quoiqu’il ait trouvé une marmite pleine d’or ; il n’est occupé que du soin de cacher ce trésor, dont son avarice l’empêche de faire usage. […] Le jour qu’il devoit représenter le malade imaginaire pour la troisiéme fois, il se sentit plus incommodé qu’à l’ordinaire du mal de poitrine auquel il étoit sujet, & qui, depuis long-tems, l’assujettissoit à un grand régime, & à un usage fréquent du lait. […] Il n’a pas même crû avilir son talent, en se prêtant au peu de délicatesse de la multitude, dans ces piéces, dont les caractéres chargés plaisent toujours au plus grand nombre, & où les gens de goût, sans en approuver le genre, remarquoient des traits que l’usage a consacrés, & a fait passer en proverbes. […] Pour varier ses infléxions, il mit le premier en usage certains tons inusités, qui le firent d’abord accuser d’un peu d’affectation, mais auxquels on s’accoutuma.

9. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « PRÉFACE. Du Genre & du Plan de cet Ouvrage. » pp. 1-24

La Peinture, la Sculpture & l’Architecture ont des principes surs, bien établis, bien détaillés, généralement avoués, dont tout le monde connoît les effets, & qui n’égarent jamais ceux qui les suivent ; aussi les inculque-t-on aux jeunes éleves avec le plus grand soin ; ceux-ci se les rendent tous familiers avant d’avoir la témérité de les mettre en usage : de là vient que leurs premiers ouvrages, s’ils n’ont pas ces beautés délicates, cette vigueur mâle qui caractérisent les grands hommes & qui sont le fruit d’un travail assidu ou d’une longue expérience, n’offrent du moins rien de révoltant. […] Elles peuvent premiérement servir aux amateurs de la vraie comédie, parceque de l’esprit & le plus grand usage du théâtre ne suffisent pas pour juger des beautés ou des défauts d’une comédie. […] Alors c’est à l’art, c’est à l’usage à lui donner la hardiesse convenable & la science de fondre les nuances dans les nuances mêmes. […] Je n’en ai pas trouvé de meilleures pour bannir la monotonie & la sécheresse, compagnes inséparables de l’ennui, que de prendre premiérement le ton familier de la comédie, puisque je ne parlerai que d’elle : le style de la chose est le seul bon, en dépit de l’usage.

10. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Quel était l’objet le plus ordinaire des conversations de l’hôtel de Rambouillet, quel en était le ton, quel en était l’usage ? […] La politesse passa du sénat aux ordres inférieurs, voire au plus bas étage du menu peuple ; et si en leur cause, on doit croire leur témoignage, ils ont effacé ensuite toutes les grâces et toutes ces vertus de la Grèce, et ont laissé son atticisme bien loin derrière leur urbanité. » Ici Balzac nous apprend que de son temps ce mot d’urbanité n’était pas encore reçu en France : il pense que quand l’usage l’aura mûri, et aura corrigé l’amertume de la nouveauté, nous nous y accoutumerons , comme à d’autres que nous avons empruntés de la même langue. Il croit que ce mot, chez les Romains, s’entendait principalement de la science de la conversation et du don de plaire en bonne compagnie ; que les Grecs ont abusé de cette connaissance, et que les seuls Romains, même en Italie, en ont connu le vrai et le légitime usage.

11. (1812) Essai sur la comédie, suivi d’analyses du Misanthrope et du Tartuffe pp. 4-32

L’art dramatique, comme tous les autres, est une combinaison d’idées puisées dans la nature, reproduites par l’imitation, que les convenances sociales, l’usage et la civilisation ont ensuite modifiées. […] J’appelle caractères, une nuance fortement prononcée qui, abstraction faite des usages de chaque peuple, porte avec soi cette empreinte ineffaçable de vérité qui la fait reconnaître dans tous les temps. J’appelle mœurs, une manière particulière de vivre, d’envisager les objets, certains usages propres à un état, à une classe d’hommes, souvent à une nation entière, qui changent, varient, se reproduisent sous d’autres formes, et ne peuvent laisser aucune trace de leur existence passagère. […] Le tact que la nature lui avait accordé s’est trouvé émoussé ; il n’a pu le remplacer par la lecture, la méditation de ces auteurs qui, au-dessus des mœurs, des usages des nations, ont peint, ont représenté la nature telle qu’elle est, et ont écrit pour tous les temps.

12. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXIV. On peut faire usage de tous les caracteres. » pp. 378-385

On peut faire usage de tous les caracteres. […] Ne nous bornons pas à prouver par-là que le plus petit caractere peut jouer un rôle dans les mains d’un habile homme ; tâchons d’indiquer le moyen d’en faire un bon usage, & de les placer dans leur jour le plus favorable.

13. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Flaminio, laissant à d’autres, comme il le dit, le soin de tracer le dialogue, s’est borné à reproduire le scénario des pièces, à l’usage des comédiens qui voudraient s’exercer sur les mêmes sujets. […] Cela est très probable, à en juger par les comédies écrites dans lesquelles les prologues sont d’un constant usage. […] Niccolo Barbieri dit simplement à ce sujet : « Ces fictions ne peuvent corrompre l’âme des comédiennes, puisque c’est l’usage de l’art. » À une époque plus rapprochée de nous, le marquis d’Argens, remarquant aussi le contraste existant entre la liberté presque illimitée de la scène italienne et les mœurs souvent correctes des actrices de cette nation, l’expliquait par la considération même dont les comédiennes jouissent en Italie.

14. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

Molière a-t-il seulement l’idée de la vertu banale et de la morale élastique à l’usage des gens du monde, ou son âme élevée conçoit-elle cette honnêteté supérieure, cette perfection scrupuleuse qui sait joindre la politesse exquise à la vertu rigide, et qui constituait de son temps l’honnête homme ? […] Mais on condamne, sans compromis quoique sans amertume, les autres personnages, dignes d’indulgence parce qu’ils sont hommes, dignes de blâme parce qu’ils se laissent aller sans résistance aux premières poussées du vice, qu’il faut appeler par son nom, si poli, si élégant, si atténué par la mode et l’usage qu’il se présente. […] Ce n’est pas l’usage des drames ni des romans de donner beaucoup de place au devoir : sous ce rapport, Molière a le mérite et l’honneur d’être plus moral et plus vrai. […] I :   Toujours au plus grand nombre ou doit s’accommoder,   Et jamais il ne faut se faire regarder ;   L’un et l’autre excès choque, et tout homme bien sage   Doit faire des habits ainsi que du langage,   N’y rien trop affecter, et sans empressement   Suivre ce que l’usage y fait de changement.

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