Parcequ’il a des affaires de plus grande conséquence pour lui, & qui le touchent de plus près.
La mere surprise de voir la rose si-tôt fleurie, défend à sa fille d’y laisser toucher, jusqu’à ce que l’Hymen soit venu la cueillir sur le rosier.
Je croirois cependant avoir touché son ame, Si ses yeux ne m’ont pas flatté.
Ses paroles m’ont paru toutes choisies pour toucher un cœur sans bassesse et sans importunité. » Dans le même temps, que fait le roi ?
Il fallait un génie du premier ordre pour peindre les défauts et le ridicule des hommes, avec cette finesse et cette vérité qui touche en même temps le cœur et l’esprit : Molière parut, et la comédie devint l’école du monde. […] Les caractères de celle-là ne les touchaient pas aussi vivement que ceux de l’autre.
Il n’en est pas ainsi du comique attendrissant ; peut-être même est-il plus utile aux mœurs que la tragédie, vû qu’il nous intéresse de plus près, & qu’ainsi les exemples qu’il nous propose nous touchent plus sensiblement : c’est du moins l’opinion de Corneille. […] I es hommes ne se touchent que par la surface ; & tout seroit dans l’ordre, si on pouvoit réduire ceux qui sont nés vicieux, ridicules, ou méchans, à ne l’être qu’au-dedans d’eux-mêmes : C’est le but que se propose la comédie ; & le théatre est pour le vice & le ridicule, ce que sont pour le crime les tribunaux où il est jugé, & les échafauds où il est puni. […] On s’amuse à recopier le petit maître sur lequel tous les traits du ridicule sont épuisés, & dont la peinture n’est plus qu’une école pour les jeunes gens qui ont quelque disposition à le devenir ; cependant on laisse en paix l’intrigante, le bas orgueilleux, le prôneur de lui-même, & une infinité d’autres dont le monde est rempli : il est vrai qu’il ne faut pas moins de courage que de talent pour toucher à ces caracteres ; & les auteurs du faux-sincere & du glorieux ont eu besoin de l’un & de l’autre : mais aussi ce n’est pas sans effort qu’on peut marcher sur les pas de l’intrépide auteur du tartufe.
Mais cette déclaration voilée ne suffit pas au poète ; il voulut écrire pour sa déesse une tragédie dont elle jouerait le principal rôle et où il se représenterait-lui-même sous les traits d’un de ces vieillards amoureux qu’il dessinait d’une touche si fière. […] Sa femme est près de lui et s’efforce à le calmer ; sincèrement affligée de l’état où elle le voit, elle le raisonne comme un enfant ; si Chalussay lui prête quelques duretés de parole, c’est qu’il en veut à tout ce qui touche Molière et qu’il tient à ne pas représenter sous un aspect trop sympathique la femme de son ennemi. […] Il est à croire qu’ils obéissaient ce soir-là à des sentimens assez mêlés : leur curiosité très vive pour tout ce qui touche au théâtre, la sympathie, enfin, et surtout leur éternel esprit badaud.
C’est un homme unique ; ses pièces touchent à la tragédie, elles saisissent et personne en cela n’ose l’imiter… Tous les ans, je lis quelques pièces de Molière, de même que de temps en temps je contemple les gravures d’après de grands maîtres italiens. […] Soulié, les parents de Molière jusque dans les vêtements dont ils se vêtaient, on a compté les bijoux et les collerettes de Marie Cressé, on a pénétré dans ce riche intérieur de marchand tapissier, on a, pour ainsi dire, touché le décor qui encadrait la vie quotidienne de ces honnêtes bourgeois parisiens, enrichis par leur constant labeur et leur vieille probité. […] Qui sait s’il n’y a pas, dans l’angle poudreux de quelque vieille bibliothèque, un rouleau sali dont on ne toucherait les feuillets qu’avec respect et dont tout ce qui pense au monde étudierait avec fièvre les lignes a demi illisibles ? […] Il est décidément dangereux d’oser regarder la vérité en face et de toucher à certaines plaies et à certains masques. Molière, il faut lui rendre cette justice, y touchait d’une main ferme, implacable.
On me soutiendra que la chose n’est pas faisable ; je prouverai le contraire par les vers mêmes de Moliere, puisqu’en les copiant j’en ai retranché la moitié sans toucher, comme l’on vient de le voir, aux ressorts nécessaires pour faire mouvoir une action complette, sans même déranger l’ordre des rimes.
Lampadisque se cache, & voit la vieille qui, touchée du sort de l’enfant exposé, l’emporte.