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85. (1884) Tartuffe pp. 2-78

Prenant à corps, parmi les gens qui l’avaient attaqué, ceux qui touchaient de plus près au roi, les chefs laïques de la cabale, il avait hardiment fait voir que leur fait n’était qu’hypocrisie, il avait placé dans leur bouche même l’éloge du vice à la mode, du grand moyen de parvenir, caricaturé le prince de Conti peut-être, les raffinés, les corrompus, athées au fond, et mêlé cette satire à une étrange comédie où lui-même se permettait des libertés inconnues et lançait, dans la scène du Pauvre, ce mot d’humanité qui, sautant par-dessus le siècle, ne devait être relevé que dans le nôtre. […] Il était, nous en sommes sûr, fort propre sur soi, vêtu d’étoffes fines et chaudes, mais de nuances peu voyantes, noires probablement, pour rappeler la gravité du directeur, une calotte de maroquin sur le haut de la tête, comme en portent les personnages austères de son temps ; l’air d’un homme du monde qui se retire du siècle et donne dans la dévotion. […] Le rire est son arme et vous savez comme il en joue ; Tartuffe, après deux siècles, en est toujours incommodé ; je ne sais s’il en mourra, il a la vie si dure ! […] Malgré Alceste, malgré Chrysale, malgré cent types que les siècles ne se lasseront pas d’étudier, et qui feront les délices des hommes tant qu’il y aura des hommes qui penseront, s’il n’eût pas fait Tartuffe, Molière ne serait pas ce Molière que lit chaque Français de plus qui sait lire.

86. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

On y voit que leur premier mérite, aussi bien que leur but principal, doivent être de peindre les passions, les ridicules, les goûts, les préjugés dominants, c’est-à-dire la manière d’être, ou les mœurs des hommes de leur siècle. […] « Ainsi, sous le règne de Molière, comme le fait observer Étienne, la bourgeoisie cherche à s’élever; sous le siècle de Voltaire, c’est la noblesse qui aspire à descendre : l’un a fait M. […] M- Scribe n’a pas, comme Molière, combattu le mauvais goût de son siècle ; il l’a flatté, au contraire, et même exploité à son profit. […] Supérieur à tout par la raison, Molière n’a payé aucun tribut aux travers de son siècle. […] Il a porté l’art de la comédie à son apogée, deux siècles de succès l’attestent, et tout fait présumer qu’en dépit des novateurs, il en sera longtemps encore le modèle et la gloire.

87. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

L’exception que l’hôtel de Rambouillet faisait, depuis le commencement du siècle, aux mœurs dissolues, se soutint, s’étendit, passa en règle, devint exemple et autorité.

88. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Ce serait un très grand mal si Molière n’avait toujours mis en scène des vieillards intéressés, et ne s’était étudié à corriger les hommes de son siècle du défaut de l’avarice. […] Il a mis à contribution un conteur italien du XVI siècle, Strapparole, ainsi que La Fontaine, son imitateur. […] Le premier a fait poser devant lui l’humanité entière, et le second les hommes de son siècle, en prenant un calque fidèle et léger des caprices du jour, des ridicules du moment. […] L’Eté des Coquettes, le Retour des Officiers, et quelques autres pièces de Dancourt peignent un côté des mœurs du siècle de Louis XIV. […] La contagion des mœurs répandit dans l’air des émanations si malfaisantes, qu’il fallut la foudre et l’orage delà fin du 18e siècle pour épurer le ciel.

89. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Elle devait être bien jeune au commencement du siècle, si Riccoboni, né vers 1674, put encore la connaître.

90. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il y a en lui une grâce, un tact des convenances, un ton délicat de bonne compagnie que pouvait seule atteindre une nature comme la sienne, qui, étant née belle par elle-même, a joui du commerce journalier des hommes les plus remarquables de son siècle. […] Et cela date de deux siècles ! […] Pour Molière, la postérité tout entière tient dans ces deux siècles. […] Michel Baron disait de lui-même : « Il faut cent ans pour faire un César ; mais il faudrait dix siècles pour faire un comédien tel que moi !  […] qu’une farce, Le Pied de Mouton de Martainville, rendit populaire près de deux siècles plus tard.

91. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Une preuve qu’elle l’exerça justement, c’est que, pendant plus d’un siècle, la pièce fut éliminée du théâtre : et certainement ce ne fut pas faute d’esprit, de gaîté, de talent, car la scène de l’interrogatoire est, indécence à part, une des plus comiques du théâtre de Molière.

92. (1740) Lettres au Mercure sur Molière, sa vie, ses œuvres et les comédiens de son temps [1735-1740] pp. -89

Saint-Evremond dit qu’il s’étoit formé sur les anciens à bien dépeindre les gens et les mœurs de son siècle dans la comédie, ce qu’on n’avoit pas vû encore sur nos théâtres. […] Le poète françois a non seulement exposé sur la scène les vices et les ridicules communs à tous les âges et à tous les pays, il les a peints encore avec des traits tellement propres à sa nation, que ses comédies peuvent être regardées comme l’histoire des mœurs, des modes et du goût de son siècle ; avantage qui distinguera toujours Moliere de tous les auteurs comiques. […] « Avec une franchise des premiers siècles » (omis). […] De La Bruyère, les Caractères ou les Mœurs de ce siècle.

93. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Un ingénieux écrivain, dont la longue carrière dramatique a été semée de brillants succès, celui qui peut-être dans notre siècle, par la ressemblance des peintures, la gaieté franche et communicative, et la vérité d’observation, rappelle le plus l’inimitable Molière, M.  […] On a quelquefois accusé Molière d’avoir sacrifié au goût de son siècle en composant ce que les gens sévères nomment des farces ; et, à ce propos, on ne manque jamais de citer ces deux vers de Boileau : Dans le sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope. […] Le véritable public devint l’instrument de quelques sots et de quelques précieuses ; Boileau seul tint bon, et, peu de temps après, Louis XIV lui ayant demandé quel était le plus grand écrivain qui eût honoré le siècle, il répondit aussitôt : Molière. […] Il y avait là, dans une seule période de temps et dans un même lieu, de quoi illustrer dix siècles et dix nations.

94. (1692) Œuvres diverses [extraits] pp. 14-260

Et qui voyant un jour la douleur vertueuse De Phèdre malgré soi perfide, incestueuse, D’un si noble travail justement étonné, Ne bénira d’abord le siècle fortuné Qui rendu plus fameux par tes illustres veilles Vit naître sous ta main ces pompeuses merveilles ?

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