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12. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Brunetière, « séparer la morale de la religion ». […] Cléante se défend de donner dans le libertinage, mais nous verrons que la religion qu’il admire n’oblige en somme les humains qu’à bien vivre et ne s’appelle catholicisme que par occasion. […] Brunetière, qu’il se soit heurté surtout contre la religion en tant que principe réprimant. […] La vraie religion consiste à bien vivre. […] De tels gens ne sont-ils pas mûrs pour une religion de l’Humanité ?

13. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Il a vécu sans culte, il est mort en dehors de toute forme de religion. […] Il offre au roi de le venger des gens religieux qui l’ennuient ; il se vengera, lui, de la religion qui le condamne. […] Rien ne pouvait davantage envenimer la profonde blessure que recevait la religion. […] C’est tout ce qu’il faut pour ruiner auprès d’eux, et souvent sans retour, tous les efforts de la religion. […] Un grand péril de l’Église qu’ils viennent de découvrir à l’instant : on veut perdre la religion, on la perd, elle est perdue s’ils ne se hâtent.

14. (1919) Molière (Histoire de la littérature française classique (1515-1830), t. II, chap. IV) pp. 382-454

Ces mots nous mettent sur la trace de ce que Molière attaque dans la religion. […] Mais ce qu’il n’aime pas de la religion, c’est ce qui s’oppose à la philosophie dont il est ; c’est le principe sur lequel toute religion digne de ce nom repose ; et c’est la contrainte surtout qu’elle nous impose. […] Dès que la religion prétend s’ériger en guide de la vie, elle lui devient suspecte comme il dit encore, de « faste » et d’insincérité. […] Est-ce pourtant ce que font toutes les religions ? et, comme les religions, toutes les disciplines qui ne mettent pas dans la vie même et dans le plaisir de vivre l’objet et le but de la vie ?

15. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

L’Art n’est pas plus un hochet amusant qu’un instrument utile202 au service de la morale ou de la religion. […] Ce qu’il attaque, renverse et laisse sur le carreau, ce n’est pas eux, et ce ne sont pas non plus les idées éternelles de la morale, de la religion, de l’art et de la politique ; c’est le mensonge du Divin. […] Tartuffe se brise contre la Religion dont il a pris le masque, contre la sainteté du Foyer conjugal, et contre la justice du Roi. […] C’est ainsi qu’Aristophane avait détruit ce qui est faux en Morale, en Religion, en Politique, en Philosophie, en Littérature, au plus grand honneur de l’indestructible Vérité. […] Les intérêts dans lesquels se meut la comédie n’ont pas besoin d’être tirés des domaines opposés à la morale, à la religion, à l’art.

16. (1884) Tartuffe pp. 2-78

Il rendit justice à Molière, avoua que la pièce pouvait être belle et instructive, mais ajouta que ce n’était pas le rôle des comédiens d’apprendre aux hommes la morale chrétienne et la religion. […] La « paix de religion » est effectivement de la fin de 1668, et Port-Royal, après un semblant de soumission, avait reçu un semblant d’amnistie. […] Molière n’a pas attaqué la religion ; c’eût été s’en prendre à la conscience ; il n’était pas homme à cela. Mais la religion est de ce monde où l’abus gâte les meilleures choses. […] Tout ce qui sort de la juste nature est du domaine du poète comique ; est-ce la faute de Molière si les excessifs ont poussé la religion sur ses terres ?

17. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

« Que penser, dit-il, d’une créole publique, veuve à l’aumône de ce poète cul-de-jatte (Scarron), et de ce premier de tous les fruits d’un double adultère, rendu à la condition des autres hommes, qui abusent de ce grand roi au point qu’on le voit, et qui ne peuvent se satisfaire d’un groupe de biens, d’honneurs, de grandeurs, si monstrueux et si attaquant de front l’honnêteté publique, toutes les lois et la religion, s’ils attentent encore à la couronne même ? […] La sœur de Constant d’Aubigné, madame de Villette, tante de Françoise, la tira de la prison de Niort ; elle l’emmena dans son château et l’éleva dans la religion protestante. Constant d’Aubigné ayant été transféré au château Trompette, sa femme l’y suivit, et y fit venir Françoise leur fille, pour la ramener à la religion catholique.

18. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

L’effroi ou la honte que ces prédications parurent jeter dans l’âme des deux amants, furent plus forts et plus déterminants en 1675 qu’ils ne l’avaient été dans les années précédentes, où les carêmes n’avaient pas été prêches avec moins de véhémence, et où les vérités de la religion n’avaient pourtant rien obtenu. […] Le roi, de son côté, fit tout ce qu’un bon chrétien doit faire. » Le 16 avril, peu après l’événement, madame de Scudéry écrivait au comte de Bussy-Rabutin : « Le roi et madame de Montespan se sont quittés, s’aimant, dit-on, plus que la vie, purement par un principe de religion. […] C’était dans cette honnêteté, toute morale, que résidait la grande puissance qui devait ramener un roi dissolu à des mœurs décentes ; car la religion n’agit sur Louis XIV qu’après l’ascendant de la morale, aidée par les charmes de l’esprit et de la raison.

19. (1909) Deux ennemis de la Compagnie du Saint-Sacrement : Molière et Port-Royal (Revue des deux mondes) pp. 892-923

Ninon de Lenclos enfermée, ne fût-ce qu’un instant, en 1057, aux Madelonnettes, parce qu’elle « dogmatisait sur la religion ; » — L’Agrippine de Cyrano de Bergerac interdite la même année pour quelques vers hardis : — le prince de Conti entreprenant (1656-1657) contre le théâtre une campagne de proscription réglée: toutes ces mesures avaient un air d’inquisition bigote qui taquinait les lettrés. — Enfin il se trouvait alors que la bourgeoisie même, au moins à Paris, la bourgeoisie des avocats et des médecins, faisait chorus avec les épicuriens ou indépendans de la littérature comme avec les courtisans viveurs. […] Nous avons des Scribes et des Pharisiens..., des fripons, des filous même, en matière de religion. On ne vit jamais plus de religion et de moinerie, et jamais si peu de charité... […] Quand ils l’accusent de ruiner la religion et la morale, ce n’est pas pour leur propre compte : derrière leurs indignations, une main, et une main vigoureuse se sent, qui les commande, les documente, et qui les enhardit à discréditer le poète favori du Roi. […] Et ce qui nous autorise à le penser, ce n’est point l’identité des œuvres pies qu’il prête à son Tartufe, et de celles que les messieurs de la Société des Jeudis pratiquaient (aumônes aux pauvres, visites aux prisonniers, poursuite des impudicités mondaines) : quels gestes Molière pouvait-il donner à son hypocrite de religion, sinon les gestes usuels et courans de la dévotion et de la charité ?

20. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Cela veut ; dire qu’il suffit d’humanité sans religion et avec irréligion pour être charitable !  […] Et il est remarquable que les personnages sensés de la pièce, et ils sont nombreux, n’ont pas l’air de savoir qu’une religion existe. […] Il a écrit Tartuffe non pas précisément en hostilité contre la religion de son temps, mais sans scrupules à cet égard, sans les scrupules qui, s’il les avait eus, l’auraient empêché d’écrire une pièce si facile à diriger, non seulement contre l’hypocrisie mais contre la religion en soi. […] Et il a pour une religion autoritaire et rigoureuse une profonde dévotion ; car la religion telle qu’il la comprend est un frein et une entrave ; met aux mains du mari cet instrument de terreur dont il a besoin. […] Brave encore, puisqu’il accepte un duel, mais hypocrite de religion et se couvrant de scrupules religieux.

21. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

La religion chrétienne ne s’établit dans les Gaules que par droit de conquête. […] On accuse Voltaire d’avoir ruiné la religion. […] En Allemagne la critique peut s’attaquer aux dogmes et à la tradition sans que la religion en soit frappée au cœur. […] Fit-il l’œuvre de la religion ou celle de la frivolité ? […] De même le Tartuffe; ne paraît pas avoir beaucoup contribué aux succès de la religion.

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