Or, n’est-ce pas là dire que dans la comédie il faut distinguer les mœurs ou caracteres, d’avec les mœurs ou passions générales, & que ces mœurs ou caracteres y doivent prédominer ? Et lorsqu’il ajoute qu’elles doivent être plus difformes que les originaux, ne nous fait-il pas entendre clairement qu’il faut charger les passions par des traits marqués, ainsi que les modernes l’ont pratiqué ? Voilà pourquoi il nous a fallu distinguer les passions d’avec les caracteres, par une dénomination particuliere ». […] L’Auteur a voulu dire, je crois, que nos modernes ont très bien fait de distinguer les mœurs, des caracteres & des passions, pour étudier les nuances qui les différencient, & les peindre avec plus ou moins de force sur nos théâtres. […] Il nous restera d’ailleurs assez de distinctions à faire, ainsi nous appellerons tout uniment pieces à caractere, celles ou les mœurs, les passions, les coutumes, les vices, les ridicules, les travers, &c.
Le caractere dans ce dernier sens n’est donc autre chose qu’une passion dominante qui occupe tout à la fois le cœur & l’esprit ; comme l’ambition, l’amour, la vengeance, dans le tragique ; l’avarice, la vanité, la jalousie, la passion du jeu, dans le comique. […] Qu’on caractérise les passions fortement, à la bonne heure ; mais il n’est jamais permis de les outrer. […] Le degré des passions ne distingue pas mieux la comédie de la tragédie. […] Leur premier essai se fit au bourg Saint-Maur ; ils prirent pour sujet la passion de Notre-Seigneur. […] Enfin on réunit le revenu de la confrairie de la passion à l’hôpital-général.
L’amour et l’honneur, les plus personnelles des passions, à peine touchées par l’art antique, font dans notre monde chrétien l’intérêt fondamental de la plupart des tragédies. […] Le patriotisme était la seule vertu et la seule passion d’un bon citoyen romain. […] Ils voient des passions mesquines, des intérêts égoïstes, des droits faux, des idées contradictoires en elles-mêmes, des volontés qui ne peuvent aboutir, engager une escarmouche burlesque. […] Leurs idées valent beaucoup mieux que leurs passions. […] Et dès lors, ce côté personnel de la passion, qui contredit leur nature divine, se laisse représenter comme une fausse exagération.
Chaque fois qu’on recommence la lecture de Molière, on trouve des abîmes de perversité causée par la passion. […] La passion est un être concret, qui, suivant les individus, va tantôt jusqu’ici, tantôt jusque-là, tantôt un peu plus loin, tantôt plus loin encore ; l’homme de génie voit pourquoi telle passion ne va que jusqu’à tel point chez Paul sous l’action de telles ou telles circonstances qui la modèrent, tandis que chez Jean une autre passion aura un essor bien plus lointain. […] On peut améliorer et empirer une passion comme une race de plantes ou d’animaux. […] On m’a reproché encore d’avoir peint Molière plus malheureux, plus dévoré de passions violentes et quelquefois fâcheuses qu’il ne l’était, on m’a reproché d’avoir pris trop au sombre ses passions violentes. […] L’esprit était alors une passion et un culte ; et qu’est-il aujourd’hui ?
Le ridicule étalé de nos passions et de nos travers n’est que le masque de misères plus profondes, dont une vague conscience émeut l’âme collective de la foule. […] Chacun la comprend et l’approuve, car elle éveille en nous le vieux fond de sagesse qui sommeille sous la brutalité des passions et la violence des intérêts. […] Quelle connaissance du cœur humain, quelle expérience des passions ne faut-il pas avoir pour comprendre et goûter vraiment le caractère d’une Bérénice, d’une Hermione, d’une Agrippine ? […] Mais ce trait, pour excessif, pour invraisemblable qu’il soit, est la manifestation extérieure et scénique, la plus sensible par conséquent au public, d’une passion obsédante. […] Oui ne connaît ces mots si brefs dans lesquels se condense avec force la violence d’une passion et dont le retour, à la fois comique et dramatique, en apprend plus sur un caractère que ne le ferait une longue analyse ?
Il n’est guère de cœur de femme qui ne comprenne cette passion une et multiple, une, par l’objet auquel elle s’attache, multiple, par les diverses raisons de son attachement. […] Madame Scarron voyait dans l’estime et la confiance, du roi la pleine satisfaction de sa passion native et de celle que l’instinct de la jeunesse y avait associée. […] C’est ainsi que ses passions diverses n’en firent qu’une. […] Une telle passion ne perd jamais de vue le but qu’elle veut atteindre, elle marche toujours ; sans se presser, mais sans se détourner ; elle sait attendre, mais ne néglige rien ; elle n’avance pas toujours d’un pas égal, mais ne recule jamais. […] Ainsi marcha la passion de madame Scarron.
Voici un autre récit, où la passion parle toute seule : Memor essem ? […] Cette passion parle encore ici avec la même vivacité : Egone quid velim ? […] Mais en général il me paraît jusque dans sa Prose ne parler point assez simplement pour exprimer toutes les passions. […] Mais quoiqu’on doive marquer chaque passion dans son plus fort degré, et par ses traits les plus vifs, pour en mieux montrer l’excès et la difformité, on n’a pas besoin de forcer la nature et d’abandonner le vraisemblable.
La nature l’y poussait sans doute, une belle passion le décida. […] Louis XIV commençait à ne plus contenir ses passions. […] … J’ai entendu la Passion du Mascaron, qui en vérité a été très belle et très touchante. […] Lorsqu’il y a du rire, il n’y a plus de vraie passion. […] A elle s’adressent les accents de passions les plus pénétrants qu’il ait trouvés.
même le fameux chapitre des passions du cœur, il n’a pas moins changé que le chapitre de La femme savante. […] Elle domine, de sa grandeur, les passions environnantes… à peine si demain, le monde saura le nom de cette Muse ! […] L’esprit, le génie, la bonne grâce et l’éclat de l’esprit, la verve, et la passion, l’inspiration et l’amour, quoi d’étonnant, quand vous êtes jeune, quand tout chanteau fond de votre âme, quand tout sourit autour de vous, quand vous nagez, de toutes les forces de votre passion, dans le courant joyeux des belles années ? […] Passions à part ! […] noble vie, animée des plus correctes passions, rentre dans l’air immense où se perd le souffle supérieur… Ad ventos vita recessit.
Et laquelle de ces passions est vaincue et ridiculisée ? […] Dira-t-on que la passion de possession, la passion de propriétaire chez un mari est un préjugé social ? […] Et cette passion est vaincue et ridiculisée. […] Cependant tout préjugé étant à base d’une passion il y aurait sophisme à ramener tout préjugé à la passion qui est sa base sous prétexte que dans ce préjugé il y a une passion. […] Monsieur Jourdain est un homme qui embrasse avec passion un préjugé et dont toute la passion et toutes les passions consistent ou convergent à embrasser un préjugé et par conséquent en le ridiculisant c’est le préjugé qu’on ridiculise.