Camille Desmoulins disait dans Le Vieux Cordelier : « Molière, dans Le Misanthrope, a peint en traits sublimes les caractères du républicain et du royaliste. […] Janin qui prétend avoir eu entre les mains un exemplaire du Misanthrope ainsi défiguré. […] Enfin, sans Le Menteur, j’aurais sans doute fait quelques pièces d’intrigue, L’Étourdi, le Dépit amoureux, mais peut-être n’aurais-je pas fait Le Misanthrope. […] Par quel long détour, par quelle rigoureuse coercition, l’auteur du Misanthrope est devenu, presque malgré lui, le premier des poètes comiques. […] Don Garde nous présage Le Misanthrope, et nous doutons que Molière eût fait l’un s’il n’avait pas fait l’autre.
Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope.
Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnois plus l’auteur du Misantrope. […] Il n’excepte aucune de ses pièces, et ne fait même aucune grâce au Misantrope 50. […] Les pièces qui furent trouvées les plus excellentes, sont le Misantrope, le Tartuffe, les Femmes scavantes, l’Avare et le Festin de Pierre. […] On fit deux relâches, le dimanche 19 et le mardi 21 février, et l’on recommença le vendredi 24 par le Misanthrope. […] Il conserverait le Misantrope, les Femmes savantes, les Précieuses et les Fâcheux, corrigerait l’Avare et le Cocu, et rejetterait seulement l’Ecole des maris, l’Ecole des femmes et George Dandin.
Ils sont entrés, avec ce dernier sur-tout, dans tous les mysteres de Thalie ; ils ont analysé son Tartufe, son Misanthrope, son Avare, ses Femmes Savantes, & tous ses divers chefs-d’œuvre, pour y puiser l’art si difficile de saisir la nature, & de la peindre par un mot, par un geste, par un silence, pour y apprendre le secret de faire tout concourir au même but, sans que rien ait trop l’air d’y prétendre, & sans nuire à l’illusion. […] J’aurai grand soin d’éviter un défaut bien commun chez nos Auteurs modernes : on pourroit appliquer à plusieurs ce que le Misanthrope dit des hommes en général : Ils sont, sur toutes les affaires, Loueurs impertinents, ou censeurs téméraires.
Le Misanthrope, act. […] Le Misanthrope, act.
Triste et chagrin dans sa sombre enveloppe, Il méditait un funeste dessein ; Quand par hasard il voit Le Misanthrope, Voilà, Monsieur, qu’il hésite soudain.
La première renferme ces grands tableaux de mœurs et de caractères qu’il composait d’après la seule impulsion de son génie, tels que Le Misanthrope, Tartuffe, L’Avare et Les Femmes savantes. […] Boileau a dit, dans son Art poétique : Étudiez la cour et connaissez la ville ; L’une et l’autre est toujours en modèles fertile : C’est par là que Molière, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût remporté le prix, Si, moins ami du peuple, en ses doctes peintures, Il n’eût pas fait souvent grimacer ses figures, Quitté, pour le bouffon, l’agréable et le fin, Et sans bonté à Térence allié Tabarin : Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope. […] Oui, sans doute, l’auteur du Misanthrope est descendu trop au-dessous de lui-même, et a, pour ainsi dire, donné lieu de le méconnaître, lorsqu’il a transporté sur le théâtre illustré par tant de chefs-d’œuvre comiques sortis de ses mains, une bouffonnerie grossière qui avait déjà traîné sur les plus ignobles tréteaux.
Il est néanmoins certain, et il sera prouvé que la guerre de Molière et de ses amis contre ce qu’ils appelaient les précieuses, a été fort malentendue dans le siècle dernier, qu’elle l’est toujours plus mal, à mesure que nous avançons ; il est de fait que l’unique intention de Molière a été d’attaquer les affectations et l’hypocrisie des Peckes (ou Pécores) provinciales et bourgeoises ; qu’il respectait, non pas l’hôtel de Rambouillet qui ne subsistait plus de son temps, mais les personnages qui en restaient, notamment le gendre de la marquise, ce duc de Montausier, dont il emprunta plusieurs traits pour peindre l’austérité de principes et de goût, et pour en orner le liant caractère de son Misanthrope.
Boileau regardait son suffrage comme le plus honorable qu’il pût obtenir ; Molière a emprunté son caractère plusieurs des beaux traits de son Misanthrope.
Quand Molière a écrit les Femmes savantes, le Misanthrope, même le Tartuffe, il songeait à nous divertir, et ne se proposait pas de faire un sermon sur les planches. […] S’il avait eu l’intention d’enseigner quelque chose, il faudrait lui reprocher d’avoir dissimulé son enseignement avec tant d’habileté, qu’il y a telles de ses pièces où les critiques n’ont pas su se mettre d’accord pour deviner son opinion, comme le Misanthrope, par exemple, objet de tant d’interprétations, de louanges, de blâmes et même d’anathèmes12.