« Après qu’elle fut à Sa Majesté, M. […] Il ne s’en déclara point l’auteur, mais il eut la prudence de le dire à Sa Majesté. […] Cependant, Sa Majesté fit dire à ce prélat qu’il fît en sorte d’éviter l’éclat et le scandale. […] Mais Molière, qui était ferme dans ses résolutions, leur dit que puisque le roi avait daigné leur accorder cet ordre, il fallait en presser l’exécution jusqu’au bout, si Sa Majesté le jugeait à propos : et je pars dans ce moment, leur dit-il, pour l’en informer. […] On voulait même que cette grâce fût personnelle ; mais Sa Majesté, qui savait par elle-même que l’hypocrisie était vivement combattue dans cette pièce, fut bien aise que ce vice, si opposé à ses sentiments, fût attaqué avec autant de force que Molière le combattait.
Ma Majesté me défendra-t-elle ? […] J’espere, Sire, que Votre Majesté considérera mon rang, & ne m’obligera point à l’épouser. […] Je supplie donc Votre Majesté de ne lui point donner un pareil ordre. […] Vous en faites trop pour moi, Sire ; mais si Votre Majesté le juge à propos, faites passer le contrat à ce jeune homme qui a bien plus souffert que moi : puisse-t-il regarder ce présent comme une légere satisfaction des torts que j’ai eus vis-à-vis de lui !
Arrivé en présence de Sa Majesté, il jetait son manteau par terre, et il chantait une chanson bien propre à mettre ses partenaires en émoi. […] Il est certain que ces burlesques sérénades faisaient grand plaisir à Leurs Majestés. […] « La Folle supposée (La Finta Pazza) ouvrage du célèbre Giulio Strozzi, très illustre poète italien, qui se doit représenter par la grande troupe royale des comédiens italiens entretenus par Sa Majesté dans le Petit-Bourbon, par le commandement de la Reine mère du roi Très Chrétien (Louis XIV).
Moliere reprit haleine au jugement de Sa Majesté ; & aussi-tôt il fut accablé de louanges par les courtisans, qui tous d’une voix répétoient, tant bien que mal, ce que le Roi venoit de dire à l’avantage de cette piece. […] « Quel malheur pour les courtisans que Sa Majesté n’eût pas dit son sentiment la premiere fois !
Dans ce voyage, au milieu d’un monde de courtisans, il avait l’honneur d’aider, quelquefois, à préparer le lit de Sa Majesté. […] On voit, en effet, combien, dès cette époque, Molière était en faveur auprès du roi, puisque Sa Majesté elle-même daigna lui indiquer le sujet d’une scène des Fâcheux. […] Il venait de s’imprimer un livre terrible, dit Grimarest, dont l’auteur, s’il eût été connu, était perdu : ils insinuèrent doucement qu’il n’y avait pas à punir, puisque ce livre venait d’un impie protégé par Sa Majesté. […] Seulement, comme Baron devait jouer le rôle de Myrtil, il déclara à Molière qu’il ne voulait pas mettre d’entrave à la pièce promise à Sa Majesté, et qu’il jouerait son rôle; mais qu’immédiatement, quelque peine qu’il en ressentît, il se voyait obligé de prendre congé de lui. […] Il accompagna cette lettre d’un nouvel ordre du roi, qui le replaçait parmi les comédiens de Sa Majesté, et lui mandait de prendre la poste pour arriver plus tôt.
Son front, où brillait cependant la majesté d’un dieu, portait une couronne de rubis cachés dans les fleurs, et si jeune, il avait déjà la teinte rubiconde des buveurs. » À sa suite heureuse, il entraînait les grâces, les élégances, les beautés, les jeux et les fêtes, mêlés aux plus douces odeurs. — Voilà un des tyrans de la jeunesse, et prenez garde, il enchante l’esprit pour le corrompre. […] Récemment encore, le roi venait d’écrire le nom de Molière sur cette glorieuse liste de gens de lettres et de savants, honorés des libéralités de Sa Majesté, et le poète s’était empressé de remercier le roi, à la façon d’un poète comique pour qui tout est sujet de comédie et même un compliment. Il avait donc imaginé d’envoyer sa muse habillée en marquis, au petit lever de Sa Majesté. […] Enfin, comme toutes les personnes qui avaient l’honneur d’appartenir à Sa Majesté, Molière devait nécessairement être invulnérable ; or, Louis XIV avait été scandalisé des attaques de Boursault contre son poète ; il avait donc ordonné positivement à Molière de répondre, et Molière ne se fit guère prier ; il était naturellement guerroyeur ; il supportait difficilement la piqûre des insectes : — Le mépris des sots, disait-il, est une pilule qu’on peut avaler, mais non pas sans faire la grimace.
Ainsi a fini plus d’une monarchie en plein abîme, en plein argot ; tant il est difficile de se tenir longtemps à la majesté du drame, à la hauteur du discours ! […] ce qu’était un divertissement de la cour, et comment s’arrangeait un ballet dansé devant Leurs Majestés, par Monsieur, par Mademoiselle, par le Roi enfin. […] Le rôle de madame de Montespan est beaucoup trop odieux dans ce drame ; on fait une trop méchante femme de cette reine altière, et voisine de la Majesté. […] — Grammont : « Sa Majesté est froide ; elle tient plus d’Auguste que d’Ovide. […] M. la reine des Français, six semaines après la Révolution, et nul ne trouvait à redire à ces respects qui allaient consoler cette touchante majesté dans son exil !
S’apercevant que prendre la parole n’était pas le désir constant des membres de l’Académie, en laquelle il rêvait de pénétrer, il persuada Sa Majesté qu’il serait bon de se faire haranguer par un académicien dans toutes les grandes circonstances, à quoi il s’offrirait, le cas échéant.
Cependant sa majesté fit dire à ce prélat, qu’il fît en sorte d’éviter l’éclat et le scandale.
Si votre Majesté veut en voir des effets, Ses vœux vont être satisfaits. […] Sire, Je ne redirai point ce que ces insolents Sur votre Majesté viennent de faire entendre.