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5. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

Ce serait une étrange chose que Molière eût effacé son mérite par la sienne et par sa profession. […] Non je n’en suis point, et je ne crois pas que jamais je mérite d’en être. […] Cette Critique est un sentiment particulier, qui en vérité ne mérite aucune attention. […] N’avait-il pas le mérite nécessaire pour cet emploi ? […] Ces paroles assurent la réputation et le mérite de Molière contre la malignité du Censeur.

6. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXII. Des Caracteres principaux ou simples, des Caracteres accessoires, des Caracteres composés. » pp. 337-349

Après les sentiments qu’il vous a fait connoître, Fâchez-vous, éclatez autant qu’il vous plaira, Il vous dira toujours, & vous répétera Que son amour pour vous est fondé sur l’estime ; Que la raison l’éclaire & la vertu l’anime ; Qu’elles l’ont affermi dans son culte secret, Et qu’il adore en vous un mérite parfait ; Qu’il l’avouera tout haut, qu’il s’en fait une gloire ; Qu’il fuit tout autre nœud ; que vous devez l’en croire ; Qu’il met à vous fléchir son bonheur le plus doux, Et qu’il sera constant, fût-il haï de vous. […] Malgré toi je veux faire éclater ton mérite. […] Mais, pour ton maître, en tout fait pour orner le monde, C’est un meurtre ; & je dois, par raison, arracher Son mérite au repos qui semble le cacher. […] puis un moment après : Monsieur, cet héritier a-t-il du mérite ? […] Cette scene est de la plus grande beauté, & elle ne doit, ainsi que plusieurs autres, tout son mérite qu’à la contrainte où se trouve le jaloux, qui n’ose le paroître : je conviens de tout cela ; mais le Lecteur intelligent doit convenir aussi que Dufresny s’est mis volontairement des entraves qui l’ont forcé de donner le même ton à-peu-près à toutes les scenes de son héros, au lieu que s’il eût tout uniment fait le Jaloux, il auroit pu mettre le Président tantôt dans une situation qui lui auroit permis de laisser voir son caractere à découvert, tantôt dans une autre qui l’auroit forcé de se déguiser comme Harpagon, l’inimitable Harpagon, qui dans un moment dévoile toute son avarice aux yeux de ses enfants, de son intendant, de Maître Jacques, & la déguise ensuite de son mieux en présence de sa maîtresse, lorsque son fils le poignarde en lui arrachant la bague qu’il a au doigt pour la donner à l’objet qu’il aime.

7. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Le duc de Saint-Simon, dans sa juste animadversion pour l’injure que fit aux pairs, aux princes, à la nation entière, à son droit public, à ses mœurs, l’élévation du duc du Maine, fruit d’un double adultère, mais devenu digne d’une haute destinée par les soins de madame de Maintenon ; le duc de Saint-Simon, dis-je, comparant la naissance du duc du Maine avec les honneurs démesurés dont cet enfant fut comblé, se laissa aller au plus cruel et au plus injuste mépris pour madame de Maintenon, à qui le jeune prince devait le mérite précoce et distingué qui avait favorisé son élévation. […] C’est à ce prix qu’était la considération pour elle, cette considération qui, dans le monde, devait lui tenir lieu de la fortune si nécessaire pour en concilier un peu aux gens sans mérite, cette considération qui sans doute ne met pas absolument au-dessus du besoin, mais du moins aide puissamment à en sortir, en fait toujours sortir sans déshonneur, parce qu’elle intéresse l’honneur même d’un grand nombre de nobles amis à préserver de tout avilissement l’objet de leur affection et de leur estime. […] Toutefois, le secret de madame de Maintenon ne réside pas uniquement dans son mérite et dans ses charmes ; il faut aussi reconnaître en elle deux autres principes de conduite qui mirent en valeur tous ses avantages : ce furent deux passions que madame de Maintenon ressentit au plus haut point ; savoir : Un amour vif pour Louis XIV, et un grand respect pour elle-même. […] Le roi lui dit ces paroles qui me paraissent dignes de remarque : « Madame, je vous ai fait attendre longtemps ; mais j’ai été jaloux de vos amis : j’ai voulu avoir seul ce mérite auprès de vous. » Le compliment, dit Auger, était délicat, mais il n’était pas sincère. […] Monmerqué, et qu’il acquiesce à mes, observations, je devrai cette satisfaction à un mérite que je n’ai la dureté de souhaiter à personne, mérite qui ne conviendrait point à des hommes dans l’âge de produire, et ne sied qu’à la vieillesse : c’est la patience.

8. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Il paraît aussi avoir été employé dans la comédie de de Pure, comme un moi équivoque également applicable à des bourgeoises ridicules et sans mérite et à des femmes distinguées par le rang et les qualités. Ce fut par la rumeur des précieuses de haut rang ou de mérite considérable, et par la nécessité où se trouva l’auteur de faire une distinction entre les précieuses, que ce mot cessa d’exprimer seul une idée déterminée. […] Chez les Scudéry, on disserte sur Quinault ; et l’on est partage sur son mérite : il est, selon les uns, un bon auteur, selon les autres un mauvais. […] « C’était, à tout prendre, comme l’a dit Boileau, une fille qui avait beaucoup de mérite, et passait pour avoir encore plus d’honneur et de probité que d’esprit. » Un certain mérite est toujours nécessaire à qui veut être à la tête d’un parti ; et, après tout, le ridicule de la préciosité n’était pas ignoble. […] On pouvait aussi se croire eu droit de s’amuser aux dépens de quelqu’un, dans un temps où le mérite des individus n’était pas la propriété de tous comme il l’est de nos jours, et où il est, d’un moment à l’autre, employé à l’utilité générale.

9. (1856) Molière à la Comédie-Française (Revue des deux mondes) pp. 899-914

Cependant, s’ils font bon marché de leur mérite, ils n’abandonnent pas leurs prétentions. […] Si le sens nouveau qu’on veut donner à ce rôle est désavoué par la raison, il a du moins le mérite de l’originalité. […] La coquetterie arrivée à ce point ne mérite pas seulement la colère de l’homme déçu dans son espérance, mais le mépris de tous les honnêtes gens. […] La manière dont ils jouent les comédies de Molière dit assez clairement l’opinion qu’ils ont de leur mérite, l’estime où ils tiennent leurs facultés. […] S’il ne signifie pas l’art de mettre en harmonie toutes les parties d’un rôle, il ne mérite aucune attention.

10. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Le mérite supérieur des ouvrages de ces deux grands génies eut à combattre d’abord les préjugés du public. […] D’ailleurs, une critique trop sévère ne s’accorde guère avec l’intérêt d’une troupe que la gloire seule ne conduisit pas, et qui ne jugeait du mérite d’une comédie que par le nombre des représentations et par l’affluence des spectateurs. […] Le public, qui à la longue se rend toujours au bon, donna à cet ouvrage les applaudissements qu’il mérite. […] « Ce n’est pas seulement par la singularité et la hardiesse du sujet, ni par la sagesse avec laquelle il est traité, que cette pièce mérite des éloges. […] Elle est d’un bout à l’autre pleine d’abominations, et l’on n’y trouve rien qui ne mérite le feu.

11. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

Que si elles avaient le défaut de faire de l’amour un délire de l’imagination, elles eurent aussi le mérite d’élever les esprits et les âmes au-dessus de l’amour d’instinct, et de préparer cet amour du cœur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices inconnues à l’incontinence grossière, cet amour qui donne tant d’heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d’heureux moments par l’amour d’instinct. […] « Souvenez-vous, dit-il, de ces cabinets qu’on regarde encore avec tant de vénération, où la vertu était révérée sous le nom de l’incomparable Arthénice, où se rendaient tant de personnes de qualité et de mérite, qui composaient une cour choisie, nombreuse, sans confusion, modeste sans contrainte, savante sans orgueil, polie sans affectation. » La causticité du duc de Saint-Simon ne l’a pas empêché de rendre justice à la maison de Rambouillet. « L’hôtel de Rambouillet », dit-il dans une note sur Dangeau (10 mai 1690), « était dans Paris une espèce d’académie de beaux esprits, de galanterie (galanterie est là pour élégance), de vertu et de science, car toutes ces choses s’accordaient alors merveilleusement et le rendez-vous de tout ce qui était le plus distingué en condition et en mérite, un tribunal avec qui fallait compter et dont sa décision avait un grand poids dans le monde, sur la conduite et sur la réputation des personnes de la cour et du grand monde, au tant pour le moins que sur les ouvrages qui s’y portaient à l’examen37. » 35. […] C’était un homme avec qui il fallait compter, pour qui le roi n’eut toujours des égards infinis et beaucoup de confiance, et monseigneur une déférence totale tant qu’il vécut, et qui bien que peu affligé de sa mort, a conservé toujours pour tout ce qui lui a appartenu, et jusques à ses domestiques, toutes sortes d’égards et d’attentions. » Saint-Simon ajoute à ces graves notions, celle-ci, qui n’est pas sans mérite : « La propreté de M. de Montausier, qui vivait avec une grande splendeur, était redoutable à sa table, où il avait été l’inventeur des grandes cuillers et des grandes fourchettes qu’il mit en usage et à la mode. »

12. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. Des Pieces intriguées par le hasard. » pp. 223-240

« Cette sorte d’intrigue est, je crois, celle qui a le plus de mérite, & qui doit produire un plus grand effet ; parceque le spectateur, indépendamment de ses réflexions sur l’art du poëte, est bien plus flatté d’imputer les obstacles qui surviennent, aux caprices du hasard, qu’à la malignité des maîtres ou des valets ; & qu’au fond une comédie intriguée de la sorte, étant un image plus fidelle de ce que l’on voit arriver tous les jours, elle porte aussi davantage le caractere de la vraisemblance. […] « Mais il manque à la perfection de cette comédie la simplicité dans le principe de l’action, parceque la ressemblance surnaturelle d’où naît tout le mouvement, est une machine qui diminue de beaucoup le mérite de ces intrigues de la premiere espece, & que le naturel ou le simple ne doit jamais être altéré par le merveilleux ou le surnaturel. […] La piece mérite d’être connue à fond. […] Vous m’avouerez que lorsqu’on veut employer de tels ressorts on a bien peu de mérite à faire cinq actes, & qu’on risque même d’en faire cinq de trop. […] « Cette sorte d’intrigue est, je crois, celle qui a le plus de mérite, & qui doit produire un plus grand effet ; parceque le spectateur, indépendamment de ses réflexions sur l’art du Poëte, est bien plus flatté d’imputer les obstacles qui surviennent, aux caprices du hasard, qu’à la malignité des maîtres ou des valets ; & qu’au fond une comédie intriguée de la sorte étant une image plus fidelle de ce qu’on voit arriver tous les jours, elle porte aussi davantage le caractere de la vraisemblance ».

13. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Quelque rare, en effet, que soit leur mérite, combien ces écrivains restent encore au-dessous de lui ! […] Toutefois le mérite de Marivaux ne peut se contester. […] Pigault-Lebrun appelait Picard, le philosophe enjoué : c’est une qualification qu’il mérite à tous égards. […] Le style, qui distingue surtout le talent de l’auteur, fait le principal mérite de l’ouvrage. […] L’État n’a rien qui ne soit au-dessous Du mérite éclatant que l’on découvre en vous.

14. (1800) Des comiques d’un ordre inférieur dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VII) pp. 294-331

La pièce fut mal reçue dans sa nouveauté ; mais le temps en a décidé le succès, et on la regarde aujourd’hui comme une de nos petites pièces qui ont le plus de mérite et d’agrément. […] La prose en est très-négligée; c’est une de ces pièces dont le jeu des acteurs fait le principal mérite, qu’on va voir quelquefois et que l’on ne lit point. […] Un écrivain qui se faisait une justice si exacte sur le mérite qui lui manquait, et qu’on peut acquérir, est bien digne qu’on la lui rende pour le mérite qu’il eut et qu’on n’acquiert pas. […] Ce n’est pas que ses pièces soient régulières, il s’en faut de beaucoup; ce ne sont pas même de véritables drames, puisqu’il n’y a ni plan ni action : ce sont des scènes détachées qui en font tout le mérite, et ce mérite a suffi pour les faire vivre. […] Cela n’empêche pas que Dufrény ne mérite une place distinguée.

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