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4. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

Quoiqu’il en puisse être, ce qui me paraît ressortir de son œuvre tout entière, c’est que Molière a beaucoup aimé les femmes et qu’il a eu un juste et profond sentiment de leur vocation. […] Ces paroles de Clitandre, qui s’appliquent si bien à la modeste et gracieuse Henriette, expliquent la vraie pensée de Molière sur ce que doit être la femme ; et servent de correctif à ce qu’a d’exagéré dans l’expression la fameuse tirade, si juste au fond, du bonhomme Chrysale dans la septième scène du deuxième acte. […] Comme Mariane et Angélique sont vraies, respectueuses et touchantes dans leurs supplications pour n’être pas sacrifiées aux objets de leur juste aversion ! […] Quelle noble indignation aux plaintes de celui-ci, plaintes qui doivent la révolter, d’autant plus qu’elles lui semblent si imméritées, alors même qu’elles sont, au contraire, si désespérément justes ! […] Aussi, que de bon sens dans le parler grossier, mais si juste de la brave et franche Martine, dont le bonhomme Chrysale fait tant de cas, et que, pour obéir à sa femme, il chasse malgré lui en lui disant : Va-t-en, ma pauvre enfant .

5. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Aussi, après les deux longues comédies d’intrigue de l’Etourdi et du Dépit amoureux, las d’imiter les autres et de remplacer les personnages les plus charmants de la scène par des fictions sans caractère et sans autre intérêt que la beauté des comédiennes ou l’imprévu des situations, il quitta brusquement les contrées chimériques des romans d’aventures pour entrer sur le terrain de la vie réelle, et il attaqua du premier coup la femme par la juste critique du défaut qui dépréciait alors toutes ses autres qualités. […] Puis, à côté de cette peinture faite de verve, il voulut placer le portrait de la femme accomplie, et enseigner dans quelle juste mesure son esprit peut, doit s’appliquer aux sciences et aux lettres. […] Puis, à cette vérité si simple et si oubliée, Molière joint des préceptes qui fixent avec juste mesure dans quelle limite la femme, l’épouse, la mère devra cultiver son intelligence et acquérir ce que l’instruction lui peut ajouter de mérite et d’agrément. […] La juste mesure est partout dans Molière : il condamne les excès de dépense de la jeune Dorimène, qui épouse un riche vieillard pour payer ses parures322, et en même temps il se moque de Sganarelle, qui croit que par un édit on peut mettre un frein au luxe des femmes323. […] En somme, la juste appréciation de l’École des Femmes est celle qu’exprimait Boileau dans les Stances qu’il envoyait à Molière pour ses étrennes de 1663, quatre jours après la première représentation336 : En vain mille jaloux esprits, Molière, osent avec mépris Censurer ton plus bel ouvrage ; Sa charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Divertir la postérité.

6. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Cela est juste surtout de la première moitié du règne. […] C’est une thèse très juste. […] L’utilité purement négative des règles, c’est une idée aussi juste qu’ingénieuse. […] Or Orgon est assez abêti pour encourager toutes les audaces ; et tout est juste. […] Et il est tombé très juste, plus que tel autre très grand.

7. (1816) Molière et les deux Thalies, dialogue en vers pp. 3-13

Je serais mieux sans doute entre vous et Picard4, Et, maître de mon bien, je vous en ferais part ; Mais vous avez un prince éclairé, grand et juste, Digne de son aïeul, mon protecteur auguste ; Adressez-vous à lui vous lui plairez, je crois. […] Rarement sommes-nous justes envers nos contemporains : Par un jaloux orgueil toujours les rabaissant, Nous croyons nous hausser en les rapetissant. […] Quel que soit le peu d’importance de mon opinion, je crois devoir prévenir le lecteur que, pour l’émettre, je n’ai cédé qu’au sentiment d’une juste admiration.

8. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. De la Diction. » pp. 178-203

Est-ce ainsi que l’être prétendu souverainement juste, récompense cette pitié naturelle dont je fais singuliérement profession, & que je pratique autant qu’il m’est possible ? […] je ne puis m’empêcher de vous le dire dans le fort de mon juste ressentiment, il est honteux à vous de me faire passer par ces aventures mortelles, & on ne peut, en cela, vous excuser d’injustice & de passion déréglée. […] non sans doute : le premier n’en paroît que plus sot, & les autres plus sensés & plus justes. […] Percé du coup mortel dont vous m’assassinez, Mes sens par la raison ne sont plus gouvernés ; Je cede aux mouvements d’une juste colere, Et je ne réponds pas de ce que je puis faire. […] Les esprits justes, les esprits vrais ne souffrent qu’avec peine que l’on préfere aujourd’hui des comédies composées de saillies & d’épigrammes ou de déclarations amoureuses, aux bonnes comédies, qui ne sont parées que d’une action simple & naturelle.

9. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

Bossuet n’a rien dit que de profondément juste contre le théâtre qui préparait la Régence. […] Mais leur critique, généralement littéraire, ne donne point en somme ce que l’on cherche ici, une opinion juste et définitive sur la morale de Molière. […] Ses études ont été si profondes, que nous sommes souvent étonnés de lui voir découvrir en nous ce que nous ignorions nous-mêmes ; ses jugements sont si justes qu’ils nous confondent, par l’autorité du bon sens. […] Son idée morale de l’homme est complète : rien n’y manque, depuis la juste proportion des soins dus au corps jusqu’aux intimes et hautes obligations de l’âme intelligente envers Dieu. […] Ou ne rentre point ici dans le détail de tout ce que Molière a dit d’excellent sur l’homme, sur la femme, sur l’amour, sur le mariage, sur les ouvrages de l’esprit, sur la patrie et sur la religion, car ce serait recommencer ce livre ; mais on répète que des pensées si hautes et si justes, exprimées avec tant de génie, même quand elles n’ont la prétention que de divertir, font penser, et penser utilement.

10. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

Locke a défini le fou : Un homme qui raisonne juste en partant d’un faux principe. […] Aveuglé à l’égard des passions qui excitent son courroux et dont il croit les inspirations justes et raisonnables, il n’est point aveuglé cependant à l’égard de son intérêt véritable. […] L’homme même qui possède les sentiments moraux, éléments constitutifs de la raison, ne sait pas toujours se tenir dans les limites du vrai, du juste, du bien, ce qui est le cas d’Alceste et d’Orgon. […] Lorsque l’homme est plein d’un vif sentiment, il le croit si juste et si conforme à la raison, bien que souvent il en soit tout le contraire, qu’il s’irrite contre quiconque ne partage pas sa manière de sentir. […] Telle est la cause qui fait exprimer à Chrysale quelques exagérations au milieu des pensées si justes qu’il émet dans l’admirable scène vii de l’acte II.

11. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLII. De l’art d’épuiser un Sujet, un Caractere. » pp. 493-503

La fureur qui m’anime a de trop justes causes, Et l’on verra peut-être arriver bien des choses. […] Si l’ingrate, à mes yeux, pour flatter votre flamme, A jamais n’être à moi vient d’engager son ame, Je saurai bien trouver, dans mon juste courroux, Les moyens d’empêcher qu’elle ne soit à vous. […] Quelque juste fureur qui me presse & vous flatte, Je sais, Comte, je sais quand il faut qu’elle éclate.

12. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Il n’est vice, ou faiblesse, ou sottise qui n’y passe ; il ne se laisse éblouir par aucune fausse respectabilité ; et du moment que le sentiment le plus sacré sort de la juste nature, Molière l’empoigne au passage, et en met à nu le ridicule. […] Il est donc malaisé de savoir au juste comment il supportait ses chagrins. […] Au fond, et si on la dégage du jeu de mots qui l’enveloppe, la pensée finale du sonnet est très juste ; Oronte l’a habillée à la manière du temps, voilà tout. […] d’un juste courroux je suis ému contre elle, C’est moi qui me viens plaindre et c’est moi qu’on querelle ! […] Restons dans la juste nature.

13. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Rien ne sert devant lui d’être juste, si l’on n’est sublime ; d’être vrai, si l’on n’est frappant. […] Quelques-uns veulent du juste, plusieurs de l’utile, tous du glorieux. […] Son ambition serait d’atteindre un point de vue assez élevé pour qu’il pût se montrer juste envers tous. […] Les termes dans lesquels il a été dressé ne sont pas bien choisis; mais au fond il repose sur le sentiment juste, quoique confus, d’une lacune regrettable dans les pièces de Molière. […] D’ailleurs Cléante, quoique véritablement touché, n’est pas un homme que dévore le zèle de la dévotion; c’est encore un de ces sages qui ne sortent pas de la juste mesure.

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