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112. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

La pureté du goût est une qualité de l’esprit ; c’est un tact qui peut, bien que difficilement, s’acquérir par l’affinage de l’intelligence : au lieu que la pureté des mœurs est le résultat d’habitudes sages, dans lesquelles tous les intérêts de l’âme sont entrés et se sont mis d’accord avec les progrès de l’intelligence, C’est pourquoi l’accord du bon goût et des bonnes mœurs est plus ordinaire que l’existence du goût sans mœurs, ou des mœurs sans goût.

113. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

L’auteur anglais a corrigé le seul défaut qui soit dans la pièce de Molière ; ce défaut est le manque d’intrigue et d’intérêt. […] « L’intérêt de la pièce est celui que font naître les fâcheux : le poète par son titre ne s’est engagé à rien de plus. […] Ce qui distingue encore plus particulièrement L’École des femmes, et dont l’Antiquité ni les théâtres modernes, n’ont donné aucun modèle, c’est que tout paraît en récit, et tout est en action : chaque récit, par la proximité avec l’incident qui y a donné lieu, le retrace si vivement que le spectateur croit en être le témoin ; et par un avantage singulier que le récit a sur l’action dans cette pièce, en apprenant le fait, on jouit en même temps de l’effet qu’il produit, parce que la personne qui a intérêt d’être instruite apprend tout de celle qui a le plus d’intérêt à le lui cacher. […] Le défaut des Espagnols est de ne se contenter jamais de la juste mesure d’une action ou d’une situation ; Molière, qui connaissait ce faible, trouva qu’il y avait, dans la scène dont nous parlons, deux surprises de théâtre, et, jugeant qu’il ne fallait n’en laisser dominer qu’une, il affaiblit la première, pour rendre la seconde et plus vive et plus frappante ; il augmenta dans celle-ci l’intérêt du spectateur, en le faisant jouir du plaisir de voir le prince l’emporter par la ruse sur la princesse ; on sait qu’elle n’a d’autre dessein que de découvrir les véritables sentiments du prince, pour ne lui faire ensuite éprouver que des dédains, et le traiter comme ses autres amants ; d’un autre côté, on voit que le prince n’a d’autre intention que de la toucher et de lui inspirer de l’amour ; dans cette situation, la princesse fait une fausse confidence de l’état de son cœur, et feint d’être sensible à l’amour d’un de ses amants. […] Il certain que les préliminaires de la fête, le cérémonial, répété par trois personnages différents, de nommer et reconnaître une couleur, et la danse qui doit succéder, forment des longueurs qui fatiguent l’attention du spectateur et suspendent l’intérêt ; et c’est sans doute par cette raison que Molière, ou ne fit aucun usage de tout le reste du second acte, ou qu’il l’aurait tourné autrement s’il s’en était servi, comme on le verra par les détails que je vais ajouter.

114. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

Un tel génie devait être content de soi, quand il touchait si admirablement les points où le monde s’imagine que la morale n’a rien à voir, parce que le sens moral du monde est émoussé par la double habitude du plaisir, qu’on croit honnête tant qu’il n’est point scandaleux, et de l’intérêt, qu’on croit permis tant qu’il n’est point criminel. […] Comme il touche, dans la personne de Philinte 157, cette indulgence équivoque bien différente du dévouement de Cléante 158, inspirée moins par bienveillance réelle que par prudent intérêt, et trop voisine de l’indifférence égoïste pour que le moraliste ne la condamne point159 !

115. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

Sa valeur, comme intérêt de révélation ou de curiosité, n’en est pas moins inestimable, et il n’est pas un admirateur du grand homme, qui ne doive la plus vive reconnaissance à M. […] La comédie de ses affaires vaut parfois celle de son théâtre ; elle l’éclaire, d’ailleurs, en plus d’un point, et ajoute par là d’une façon singulière à son intérêt, à ses enseignements. […] J’étais persuadé qu’il y avait fort peu de femmes qui méritassent un attachement sincère ; que l’intérêt, l’ambition, la vanité, font les nœuds de toutes leurs intrigues. […] Ce n’était certes pas assez pour que nous nous intéressions à elle ; mais la lettre de Chapelle est venue éveiller cet intérêt et le rendre fort vif. […] Cette tante l’avait mis dans les bonnes grâces de la comtesse de Brienne, qui elle-même l’avait attaché au prince de Conti, dont elle avait intérêt à gouverner la conscience.

116. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. » pp. 411-419

Nous avons analysé ce drame scene par scene dans le premier volume, Chapitre xxii de l’Intérêt, nous pouvons maintenant passer très rapidement dessus.

117. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. De la Décence & de l’Indécence. » pp. 314-341

Ne rougissez-vous point de déshonorer votre condition par les commerces que vous faites, de sacrifier gloire & réputation au desir insatiable d’entasser écus sur écus, & de renchérir, en fait d’intérêt, sur les plus infames subtilités qu’aient jamais inventé les plus célebres usuriers ? […] Nos bons Auteurs ont suivi assez exactement ce précepte, excepté dans les occasions où, pour leur propre intérêt, ils auroient dû le perdre de vue moins que jamais ; c’est lorsqu’ils ont joué leurs confreres.

118. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. Regnard imitateur de Moliere. » pp. 51-80

Ne vous étonnez pas si je m’informe des nouvelles de toute la famille ; car j’y prends beaucoup d’intérêt. […] Et cela sans intérêt, je vous prie de le croire.

119. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

On insiste sévèrement sur ce point, parce que l’étude que l’on fait ici ne peut avoir d’intérêt qu’à la condition de blâmer le mal avec autant d’énergie qu’on en met à louer le bien. […]   Quand on réfléchit de sens froid au suprême intérêt de la moralité des peuples et des rois, au désastre de leur immoralité, on comprend que Platon eût chassé Molière de sa république656 ; on comprend que Bossuet l’ait anathématisé.

120. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

Riccoboni, dans ses Observations sur la comédie, prétend que la maniere de bien traiter le caractere, est de ne lui en opposer aucun autre qui soit capable de partager l’intérêt & l’attention du spectateur. […] Dans le comique il est maître de sa fable, & doit y disposer tout de maniere que rien ne s’y démente, & que le spectateur y trouve à la fin comme au premier acte les personnages introduits, guidés par les mêmes vûes, agissans par les mêmes principes, sensibles aux mêmes intérêts, en un mot, les mêmes qu’ils ont paru d’abord. […] Des malheurs, des périls, des sentimens extraordinaires caractérisent la tragédie ; des intérêts & des caracteres communs constituent la comédie. […] Il est des vices contre lesquels les lois n’ont point sévi : l’ingratitude, l’infidélité au secret & à sa parole, l’usurpation tacite & artificieuse du mérite d’autrui, l’intérêt personnel dans les affaires publiques, échappent à la sévérité des lois ; la comédie satyrique y attachoit une peine d’autant plus terrible, qu’il falloit la subir en plein théatre.

121. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Il s’occupa de reproduire le modèle incroyable qu’il avait sous les yeux, laissant aux lecteurs à venir, le soin de juger du mérite et de l’intérêt de la ressemblance. […] Ils ont dépensé leurs plus belles années, leur plus beau style et leur meilleur esprit, à soutenir, à parer, à décorer, à fortifier la chose de ce monsieur ; ils ont fécondé sa terre, ils ont taillé sa vigne, ils ont mené paître ses troupeaux, ils ont supporté, pendant que le maître dormait, ou batifolait avec ses esclaves, la chaleur de la journée et la fraîcheur du matin ; ils n’ont pas osé être malades sans la permission de ce monsieur ; ils ont regardé dans les yeux de Trajan, pour savoir si Trajan était content ; ils ont été attentifs à sa moindre parole, ils ont interrogé son sourcil de Jupiter Olympien, ils ont flatté même sa cuisinière, la complice de sa toute-puissance ; ils ont ri de son rire, et pleuré de son chagrin ; ils ont sué, ils ont halé, ils ont râlé… et les voilà à la porte de cette maison qu’ils ont bâtie, à la porte de ces jardins qu’ils ont plantés ; et du jour au lendemain, pendant que ce sol qu’ils ont fécondé de leur esprit, de leur talent, de leur labeur, rapporte au maître un intérêt qui serait un capital pour les ouvriers de la vigne, nul ne s’informe du destin de ces ouvriers habiles, actifs, intelligents, dévoués, braves jusqu’à l’audace, hardis jusqu’à l’abnégation ! […] Il n’est pas un de nous qui, trouvant sous sa main, sous ses yeux, un recueil de portraits d’autrefois, quand bien même, dans la suite des temps, ces hommes, dont voici l’image, auraient cessé d’être célèbres ou fameux, n’éprouve cependant un très grand intérêt à contempler ces visages inconnus, un grand charme à retrouver sur ces calmes visages, les passions, les violences, les cruautés, l’enthousiasme et les amours du moment où cet homme a vécu, combattu, aimé, haï ; du moment où cet homme est mort, emportant, avec soi, dans sa tombe ignorée, un lambeau de la vie et de l’histoire universelles ! […] je suis en procès sur de si grands intérêts, et je n’en sais rien ! 

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