On a quelquefois accusé Molière d’avoir sacrifié au goût de son siècle en composant ce que les gens sévères nomment des farces ; et, à ce propos, on ne manque jamais de citer ces deux vers de Boileau : Dans le sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope. […] Les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne ne voyaient ses succès qu’avec une profonde envie ; les gens de cour lui gardaient rancune pour les peintures qu’il avait tracées de leurs ridicules. […] Jamais d’anciens camarades ne le sollicitèrent en vain ; souvent même il s’intéressa vivement à des gens qui lui étaient étrangers, et les aida de sa bourse comme de son crédit. […] Tout cela était un rêve pour un enfant de douze ans, qui était depuis longtemps entre les mains de gens durs, avec lesquels il avait souffert ; et il était dangereux et triste qu’avec les favorables dispositions qu’il avait pour le théâtre, il restât en si mauvaises mains. […] La perle des enfarinés, Jodelet, y parla du nez, Et fit grandement rire, parce Qu’il est excellent pour la farce ; Et pour le docteur Gratian, Estimé de maint courtisan, Avec son jargon pédantesque, Y parut tout-à-fait grotesque ; Enfin y réussirent tous En leurs personnages de fous ; Mais, par ma foi, pour la folie, Ces gens de France et d’Italie, Au rapport de plusieurs témoins, Valent mieux séparés que joints.
O Ciel, seconde mes desseins, & m’accorde la grace de faire voir aux gens que l’on me déshonore ! […] J’exposerai mes réflexions, comme je l’ai dit dans ma préface, avec toute la politesse, tous les égards que les gens de lettres se doivent, & mes lecteurs jugeront.
Ils ont l’esprit le mieux fait du monde, & je les ai mis sur le pied de prendre les brocards des gens de Cour pour des compliments. […] Je ne les connois point, & je n’ai que faire de tous ces gens-là.
Lorsqu’il a été manié par des acteurs de quelque génie, il a fait les délices des plus grands rois et des gens du meilleur goût ; c’est un caméléon qui prend toutes les couleurs. » Arlequin, s’il n’était jadis naïf qu’à demi, devient alors tout à fait scélérat : « Arrogant dans la bonne fortune, dit M Jules Guillemot 48 , traître et rusé dans la mauvaise ; criant et pleurant à l’heure de la menace et du péril, en un mot Scapin doublé de Panurge, c’est le type du fourbe impudent, qui se sauve par son exagération même, et dont le cynisme plein de verve nous amuse précisément parce qu’il passe la mesure du possible pour tomber dans le domaine de la fantaisie. » Arlequin, avec ses nouvelles mœurs, court fréquemment le risque d’être pendu ; il n’y échappe qu’à force de lazzi. […] Tout le monde a dans la mémoire la réflexion par laquelle Molière termine la préface du Tartuffe : « Huit jours après que ma comédie eut été défendue, on représenta devant la cour une pièce intitulée Scaramouche ermite, et le roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire (Condé) : “Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière ne disent mot de celle de Scaramouche” ; à quoi le prince répondit : “La raison de cela, c’est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs-là ne se soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes : c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir.” » Les situations de Scaramouche ermite étaient d’une extrême indécence.
Je ne reçois de lettres que d’un seul homme, et si l’on continue, on me persuadera qu’il ne faut faire fond que sur des gens dont l’amitié est plus vive que vous ne le voulez. […] Mais ce n’est pas sans scrupule, et j’ai de la peine du côté de la cour, à presser des gens de me faire des grâces, quand je pense que ce n’est que pour les quitter.
En donnant cet échantillon d’un travail qu’il ne devait pas exécuter lui-même, Voltaire ne semblait-il pas inviter les gens de lettres à s’en occuper, et mettre, pour ainsi dire, sur la voie celui qui se déciderait à l’entreprendre ? […] Vaine précaution : on continuait de jouer les individus ; et la malignité y trouvait un plaisir de plus, celui de reconnaître et de nommer elle-même les gens dont on ne lui montrait pas les visages et dont on lui taisait les noms. […] On est dans un cercle de gens à bons mots qui veulent à 1a fois rire et faire rire les autres de leurs saillies. […] Étonnez-vous donc, après cela, des bévues de certaines gens, à qui, pour parler de Molière, il ne manque que de connaître le théâtre, de comprendre la comédie, et de sentir Molière lui-même. […] Il devait redouter également les gens qui parlent quatre ou cinq à la fois, et ceux qui parlent trop haut.
Voyez le jugement que l’auteur des reflexions sur la poëtique a fait de Moliere « Personne, dit-il, n’a porté le ridicule de la comédie plus haut parmi nous que Moliere ; car les autres poëtes comiques n’ont que les valets pour plaisans de leur théâtre ; & les plaisans du théâtre de Moliere, sont des marquis & des gens de qualité.
Les gens du sceau avaient répété la scène de Chambord : ceux qui avaient déclamé avec le plus de force contre l’indignité du nouveau choix, furent les plus ardents à complimenter celui qui en était l’objet. […] Jourdain est le type de cette manie universelle : il n’y a qu’à descendre ou à monter, en idée, l’échelle des rangs ; et, dans ce bourgeois qui fait le gentilhomme, on reconnaîtra toutes les espèces de gens qui veulent sortir de leur condition. […] Beaucoup de gens étant désireux de la noblesse pour ses avantages honorifiques ou pécuniaires, il s’établit des fabricateurs de faux titres, qui anoblissaient à vil prix ; et plusieurs, fraudant la fraude elle-même, se donnèrent, sans bourse délier, des qualifications, des armoiries, et même des parchemins, plutôt que de les acheter à ceux qui les vendaient en contrebande.
Ainsi commencèrent les illustres fondateurs du théâtre athénien ; ainsi s’est révélé le maître et le dieu du théâtre anglais ; ainsi ces grands génies, par l’exercice assidu des moindres détails, pour ainsi dire par l’argumentation ad hominem, sont entrés dans tous les mystères de ce grand art d’arracher le rire ou les larmes, d’intéresser et d’amuser tant de gens, venus de si loin et de côtes si opposés, avec tant d’ambitions si différentes : paysans, bourgeois, coquettes, amoureuses, capitaines, courtisans. […] Peu de gens étaient assez habiles, parmi les seigneurs de cette jeune cour, pour s’occuper comme il l’eût fallu de ces trois hommes dont le roi prenait parfois les conseils. […] » Au demeurant, les gens du métier ne s’y trompaient pas ; ils reconnaissaient le lion à sa griffe.
J’aurai tout doucement le zele charitable De nourrir une haine irréconciliable : Et, quand on me viendra porter à la douceur, Des intérêts du Ciel je ferai le vengeur ; Le prenant pour garant du soin de sa querelle, J’appuierai de nouveau la malice infidelle ; Et, selon qu’on m’aura plus ou moins respecté, Je damnerai les gens de mon autorité.