On le traitait, chez lui, à peu près comme le théâtre de la Porte-Saint-Martin traite ses auteurs dramatiques, quand il leur commande un drame pour les lions de Van Amburgh. […] On a beaucoup parlé, de nos jours, et, Dieu merci, on n’en parle plus, de la liberté que s’était donnée le drame moderne, de cet admirable vagabondage de la poésie dramatique qui ne connaît plus d’obstacles ; les poètes se sont tendrement embrassés les uns les autres, en l’honneur de ce prétendu affranchissement de la comédie ; on a crié bien haut que les unités étaient réduites au silence, et chacun de se féliciter comme s’il avait inventé Shakespeare ! […] Pour les bien juger, voyez-les l’un et l’autre dans le dernier asile des vivants et des morts, jusqu’alors respecté par les poètes dramatiques ; voyez-les, ces chevaliers errants de la fantaisie, entrer dans le cimetière, un lieu sacré, que Molière et Shakespeare ont envahi par droit de conquête et par droit de naissance. […] c’est là encore mentir à l’histoire et avilir à plaisir et sans aucune nécessité dramatique, le noble caractère de M. le marquis de Montespan. […] Dans tous les arts, mais surtout dans l’art dramatique, les sentiments et les passions se tiennent. — Mettez une insolence dans la question que fait un de vos personnages, à coup sûr l’autre personnage répondra, tout au moins, à cette insolence, par une bêtise.
Ceux qui n’ont pas l’adresse de fixer la scene dans un lieu propre aux personnages qui doivent y paroître, & aux choses qui doivent s’y passer, sont d’autant plus blâmables, que rien n’est plus aisé, quand on connoît le Théâtre, & qu’on sait s’approprier les ressources qu’ont mis en usage nos meilleurs Dramatiques, pour arranger la scene de façon que leurs acteurs puissent y venir, y parler & y agir décemment, & sans contrainte.
Diderot dit, dans ses réflexions sur la Poésie dramatique, page 11 : « Que quelqu’un se propose de mettre sur la scene la condition de Juge ; qu’il intrigue son sujet d’une maniere aussi intéressante qu’il le comporte & que je le conçois ; que l’homme y soit forcé par les fonctions de son état, ou de manquer à la dignité & à la sainteté de son ministere, & de se déshonorer aux yeux des autres & des siens, ou de s’immoler lui-même dans ses passions, ses goûts, sa fortune, sa naissance, sa femme, ses enfants ; & l’on prononcera après, si l’on veut, que le Drame honnête & sérieux est sans chaleur, sans couleur & sans force ».
I, II), une petite leçon morale sur la jalousie entre sœurs, leçon que Saint-Marc Girardin fait ressortir dans son Cours de Littérature dramatique, tome II, XXX.
Aussi, les confrères de la Passion, qui continuaient à jouer leurs Farces, leurs Soties et leurs Moralités à l’Hôtel de Bourgogne, et qui jouissaient d’un privilège en vertu duquel il était fait défense à tous autres de représenter des jeux dramatiques dans la ville, faubourgs et banlieue de Paris, s’émurent de la redoutable concurrence que leur faisaient les nouveaux venus.
Vous, qui, loin de disposer votre sujet, votre intrigue, vos caracteres, dans les premieres scenes, & de bâtir ensuite là-dessus, offrez des choses qui ne sont pas étayées, ou qui le sont si mal qu’elles entraînent la chûte entiere de l’édifice, devez-vous être étonnés que le public fasse un si mauvais accueil à vos monstres dramatiques ?
Non-seulement cent personnages mis sous les yeux du spectateur offrent en exemple la morale du mariage ; mais encore, de tous les discours mis çà et là dans leur bouche, on peut tirer un ensemble de maximes, qui, réunies et mises en ordre, constituent un véritable code moral du mariage : je demande de quel auteur dramatique ou de quel romancier on en peut tirer autant ?
On sait quelle institution intangible c’était à Paris que la foire Saint-Germain, et quant à interdire à Marseille les représentations dramatiques pendant le jubilé, — dont la célébration est longue, et peut recommencer, tantôt dans une paroisse, tantôt dans l’autre, — autant valait fermer tout un an le théâtre. […] Et telle est l’explication de cette incorrection dramatique.
[Les femmes dans Molière] Dans le tableau si vrai et si varié que Molière a tracé de la comédie qui se joue en ce monde, les femmes, qui forment la plus belle et, dit-on, la plus capricieuse ou, si l’on veut, la moins raisonnable partie de l’espèce humaine, devaient nécessairement avoir leur part dans les rigueurs de notre grand poète dramatique.
Nos Romanciers remplissent ordinairement un premier volume de la vie du pere & de la mere de leurs héros : les Dramatiques Chinois ont le même défaut ; ils mettent en action, dans un prologue, l’histoire du pere & de la mere de leur premier personnage : tel est celui qui précede Tchao-chi cou ell, ou le petit Orphelin de la Maison de Tchao, piece que M. de Voltaire a rendu fameuse en y puisant le sujet de son Orphelin de la Chine.