/ 194
5. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Comme en outre il était grondeur et bourru, surtout avec ses inférieurs, ces défauts semblaient repousser l’apparence même des vices de cour, et promettre des vertus qu’il avait très-réellement, mais qu’il gâtait à la fois par un grand faste en public et par de secrètes complaisances. […] Comme l’affaire: de la comédie est de représenter en général tous les défauts des hommes et principalement des hommes de notre siècle», il est impossible à Molière de faire aucun caractère qui ne rencontre quelqu’un dans le monde29. » Peindre les mœurs sans, vouloir tomber aux personnes, représenter en général tous les défauts des hommes et en particulier des hommes, de sait siècle , voilà donc tout. […] Les dernières surtout pouvaient-elles faire défaut alors ? […] « J’ai beau voir ses défauts et j’ai beau l’en blâmer, En dépit qu’on en ait, elle se fait aimer...» […] Car la coquetterie après tout est un vice, et le poëte était maître de le rendre odieux; mais il nous représente sa Célimène si irrésistiblement, si fatalement entraînée sur la pente de ce défaut; il nous la dépeint si gracieuse, si vive, si spirituelle; il oppose avec tant d’adresse à ses défauts la pruderie, plus odieuse que la coquetterie, que, subissant le charme de son art séducteur, on est bien près de pardonner et de s’écrier avec Alceste : « Sa grâce est la plus forte44 ! 

6. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. Des Scenes. » pp. 223-249

Non, Madame, non ; quand je devrois mourir, Vous avez des plaisirs que je ne puis souffrir ; Et l’on a tort ici de nourrir dans votre ame Ce grand attachement aux défauts qu’on y blâme. […] Pour moi, je ne sais pas ; mais j’avouerai tout haut Que j’ai cru jusqu’ici Madame sans défaut. […] De graces & d’attraits je vois qu’elle est pourvue ; Mais les défauts qu’elle a ne frappent point ma vue. […] Il ignore ce qu’il vient faire ; il ne peut pas nous le dire : c’est à son maître à nous l’apprendre ; s’il ne le faisoit pas, ce seroit un défaut dans la piece. […] S’il eût manqué de donner des ordres à un seul des personnages qu’il a conduits devant nous, ce seroit un défaut dans la piece.

7. (1910) Rousseau contre Molière

on ose lui trouver des défauts ! […] C’est un défaut naturel que l’on ne peut guère corriger. […] Caractère sans défaut, humeur désagréable. […] Ils se moquent des défauts physiques (anomalies matérielles), des défauts moraux inoffensifs (anomalies morales) et enfin des vertus dépassant la moyenne (anomalies morales). […] Elles s’en prennent à nous des défauts que nous leur reprochons.

8. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Les défauts des maîtres échappent rarement aux domestiques, aussi le vieux Comtois ne manque-t-il pas de dire à M. […] Scribe a réussi au théâtre, peut-être autant, peut-être plus par les défauts que par les qualités de son talent. […] On a quelquefois, dit-on, les défauts de ses qualités. […] Les défauts de cette manière sont surtout choquants chez les imitateurs de M. […] Nous avons dû signaler les défauts de la manière de M.

9. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Ce mérite et la gaieté du rôle de Mascarille ont soutenu cette pièce au théâtre, malgré tous ses défauts. […] N’est-ce pas un défaut de raison, un travers de l’esprit? […] Ne vaut-il pas mieux nous montrer les défauts que nous avons, et dont nous pouvons corriger au moins une partie, qu’une perfection qui est trop loin de nous? […] Il blâme la distinction, un peu longue, il est vrai, et même un peu subtile, de l’amant et de l’époux, dans les scènes d’Alcmène et de Jupiter : c’est un défaut qui n’est pas dans Plaute ; mais ce défaut tient à beaucoup de différents mérites que Plaute n’a pas non plus. […] Le dernier trait de ce rôle est celui qui peint le mieux cette faiblesse de caractère, de tous les défauts le plus commun, et peut-être le plus dangereux.

10. (1696) Molière (Les Hommes illustres) « JEAN-BAPTISTE POQUELIN. DE MOLIERE. » pp. 79-80

Jusques-là il y avait eu de l’esprit et de la plaisanterie dans nos Comédies, mais il y ajouta une grande naïveté avec des Images si vives des mœurs de son siècle, et des Caractères si bien marqués, que les Représentations semblaient moins être des Comédies que la vérité même, chacun s’y reconnaissait et plus encore son voisin, dont on est plus aise de voir les défauts que les siens propres. […] Molière avait remarqué que les Français avoient deux défauts bien considérables ; l’un, que presque tous les jeunes Gens avoient du dégoût pour la Profession de leurs Pères, et que ceux qui n’étaient que Bourgeois voulaient vivre en Gentilshommes et ne rien faire ; ce qui ne manque point de les ruiner en peu de temps ; et l’autre, que les femmes avaient une violente inclination à devenir, ou du moins à paraître Savantes, ce qui ne s’accorde point avec l’esprit du ménage, si nécessaire pour conserver le bien dans les familles. […] Contre le défaut qui regarde les femmes il fit aussi deux Comédies ; l’une intitulée : Les Précieuses ridicules ; et l’autre : Les Femmes savantes.

11. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

Il y a des vices de bonne compagnie qui passent, aux yeux indulgents du monde, pour de légers défauts ou même pour des qualités de société. […] Non : l’homme, être perfectible, n’est honnête homme qu’en s’appliquant de toutes ses forces à régler en soi les passions excessives, à se rendre meilleur de toutes façons, par le travail, par la science, par la charité, par les manières même et par la politesse, par l’esprit et par le corps, enfin à s’approcher autant que possible du type idéal de l’humanité ; en sorte qu’il réalise le vœu de Platon, qui demande que la vie du sage soit un effort pour se rendre semblable à Dieu 124, ou plutôt qu’il obéisse au commandement du Christ : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait 125. » Ce n’est pas seulement en gros et dans les circonstances importantes qu’il faut être vertueux : l’honnêteté consiste à se perfectionner en tout genre, à poursuivre le bien en toutes choses, à fuir, après les vices, les défauts, les travers, les ridicules même, et toutes les misères adhérentes à l’humanité, qui rendent quelquefois les petites vertus plus difficiles à pratiquer que les grandes. […] Mais il a tort, quand, au lieu d’accepter qu’on garde au moins le silence sur les défauts des autres qu’on n’est pas chargé de corriger, il veut qu’on aille déclarer à chacun le mal qu’on pense de lui136. […] c’est le défaut le plus enraciné dans le cœur même des plus sages. […] Il n’y a pas une de ses pièces où ce défaut ne soit mis en scène : « C’est l’amour propre qui a engendré les précieuses affectant un jargon inintelligible, et les savantes engouées de sciences qu’elles ne comprennent pas ; les pédants si orgueilleux de leur érudition indigeste, et les beaux esprits si vains de leurs fadaises rimées ; le manant qui épouse la fille d’un gentilhomme, et le bourgeois qui aspire à passer pour gentilhomme lui-même ; les prudes qui affichent une sévérité outrée, et les coquettes qui étalent les conquêtes faites par leurs charmes ; les marquis qui se vantent des dons de la nature, des bontés du roi et des faveurs des dames ; et ce misanthrope lui-même dont il faut estimer la vertu, mais dont l’orgueil bourru fronde la vanité de tous les autres154. » Si l’amour propre est le défaut le plus universel, il n’est pas le seul qui règne dans la bonne société : Molière a frappé avec non moins d’autorité sur l’habitude qu’ont les gens riches ou inoccupés, de médire sans cesse du prochain, et de trouver à blâmer partout155.

12. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

C’est par ce moyen qu’il a su réformer, non pas les mœurs des chrétiens, mais les défauts de la vie civile, et de ce qu’on appelle le train de ce monde, et c’est sans doute tout ce qu’a voulu louer en lui le P. […] Mais, Molière, à ta gloire il ne manquerait rien, Si parmi leurs défauts que tu peignis si bien, Tu les avais repris de leur ingratitude. […] Jusque-là nous n’avons encore trouvé rien de trop favorable à ceux qui nous vantent si fort la morale de M. de Molière, et qui publient hautement dans Paris, qu’il a corrigé plus de défauts à la Cour et à la ville lui seul que tous les prédicateurs ensemble. […] Tous ces grands défauts à la correction desquels on veut qu’il se soit appliqué, ne sont pas tant des qualités vicieuses ou criminelles que quelque faut goût, quelque sot entêtement, quelques affectations ridicules, telles que celles qu’il a reprises assez à propos dans les prudes, les précieuses, dans ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse, qui ont toujours quelque poésie de leur façon à montrer aux gens.

13. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. Des Pieces intriguées par un Valet. » pp. 125-134

Les frippons d’Athenes, de Rome, & leurs imitateurs, que nous allons confondre ensemble, avoient des défauts que nos intriguants doivent éviter avec le plus grand soin. […] Une des pieces de Plaute a bien complettement ce défaut. […] Voilà à-peu-près les défauts de tous les fourbes qui ont animé les comédies de nos prédécesseurs. […] Nous avons dit en passant que les Anciens avoient le défaut de ne pas faire dénouer leurs pieces d’intrigue par l’intriguant même ; nous ne pouvons nous déguiser que nos pieces dans ce genre ont le même vice.

14. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVIII. De l’exposition des Caracteres. » pp. 433-447

Si le héros ouvre seul la scene, il faut qu’il expose lui-même son caractere ; ce qui n’est pas facile, parcequ’un homme, ne connoissant point ordinairement ses défauts, ses ridicules, ses vices, ou les voyant d’un œil indulgent, risque de ne pas se peindre avec toute la fidélité nécessaire en pareil cas, ou, ce qui est encore pis, de ne toucher presque point à son portrait qui est essentiel, & de faire celui de tout ce qui l’entoure, & qui nous intéresse moins. […] Oui, mais elle est ma femme : En elle j’apperçois des défauts chaque jour, Qu’elle avoit avec art cachés à mon amour. […] Il nous parle de son mariage, mais d’une façon à nous persuader que les défauts de sa femme l’ont dégoûté de son hymen, tandis que, dans le courant de l’ouvrage, Mélite ne montre pas l’ombre d’une imperfection. […] Je ne rappellerai ni les beautés, ni les défauts des deux scenes ; si l’on retranche la premiere, il n’y paroîtra pas aux représentations de la piece. […] Ces trois dernieres scenes sont précieuses, en ce qu’elles nous rappellent d’une façon comique le Glorieux ; mais depuis le commencement de la piece jusqu’à l’arrivée du héros, nous avons neuf scenes longues & conséquentes pour la plupart, où l’on ne fait seulement pas mention de lui, & c’est un grand défaut.

/ 194