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4. (1886) Revue dramatique : Les Fâcheux, Psyché (Revue des deux mondes) pp. 457-466

Les classiques ont un malheur : c’est que leurs chefs-d’œuvre sont enseignés dans les classes. […] Le public n’y pense guère, ou, s’il y pense, ce n’est pas pour se plaindre ni réclamer ; et si, d’aventure, on lui proposait ce supplément de chefs-d’œuvre, il n’en ferait pas plus de cas, sans doute, que de ceux qu’on lui présente déjà. […] A part la Thébaïde et Alexandre, on a cet ennui, chez Racine, de ne trouver que des chefs-d’œuvre. […] se récrie quelqu’un, c’est l’œuvre commune de Corneille et de Molière : il faut donc que ce soit un chef-d’œuvre renforcé. — Mais comment ces deux poètes y ont-ils mis la main ? […] Et, pour les chefs-d’œuvre, en voici de petites éditions, réduites de celles-là, discrètement annotées, et qui donnent pourtant aux grandes personnes comme aux écoliers l’hallucination du drame comique ou tragique2.

5. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Etonnez-vous après cela d’y voir figurer Corneille, qui avait, à cette date de 1661, écrit depuis longtemps tous ses chefs-d’œuvre, et Pascal, dont les Provinciales étaient publiées depuis cinq ans ! […] Que ses portraits, image fidèle et précieuse de la société du temps, soient des chefs-d’œuvre de vérité et de vie, nul ne le conteste ; mais qui a jamais songé à comparer les beaux portraits que Rigaud peignait à la même époque aux toiles inspirées de Lesueur et de Poussin ? […] La France agonise ; l’ennemi a envahi nos campagnes ; la famine, la misère les désolent ; les saisons y ajoutent leurs rigueurs, et c’est au milieu du lugubre hiver de 1709 que paraît Turcaret, le chef-d’œuvre du genre. […] Quant à Corneille, il avait alors écrit tous ses chefs-d’œuvre, et Molière était déjà célèbre9. […] Trouve-t-on que beaucoup de ces chefs-d’œuvre de commande vaillent ce qu’on les a payés ?

6. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

Toutefois quelques-unes de ces Scènes, admises depuis dans les chefs-d’œuvre de Molière, ramenées à un but moral, et surtout embellies du style d’Horace et de Boileau, montrent avec quel succès le génie peut devenir imitateur. […] Parvenu à connaître toutes les ressources de son art, Molière conçut quel pouvait en être le chef-d’œuvre. […] Je vois Molière, après deux essais que ses chefs-d’œuvre mêmes n’ont pu faire oublier, changer la forme de la Comédie. […] Racine, encouragé par les conseils, et même par les bienfaits de Molière, qui par là donnait un grand Homme à la France, n’avait encore produit qu’un seul chef-d’œuvre. […] Et ce sont les chefs-d’œuvre du Théâtre.

7. (1885) Revue dramatique. Le répertoire à la Comédie-Française et à l’Odéon (Revue des deux mondes) pp. 933-944

C’est le devoir qu’a l’état de veiller à la conservation de certains chefs-d’œuvre qui sont le plus glorieux lot de notre patrimoine commun. […] Ou, du moins, sans invention, combien de chefs-d’œuvre de Corneille vont-ils représenter ces jours-ci, et dans quel ordre ? […] Bressant a emporté Don Juan, MmeSarah Bernhardt Zaïre, et tant d’autres, qu’on pourrait nommer, tant de pièces qui ne sont plus que de lointains fantômes de chefs-d’œuvre ! […] Vais-je crier à « l’obstruction » et dénoncer tel ouvrage nouveau parce qu’il encombre la scène au détriment d’un chef-d’œuvre ancien ? […] Ils prennent du plaisir et croient trouver du profit à Louis XI et au Voyage à Dieppe ; pourquoi ne pas user de leur facilité pour leur donner des chefs-d’œuvre ?

8. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

» de vous voir chercher des beautés nouvelles dans ces chefs-d’œuvre, aussi connus que le Pont-Neuf. […] Il fit encore deux ou trois tours dans l’appartement, en sifflant un air de la Norma ; puis, se posant devant moi : Par hasard, me dit-il, avez-vous vu sortir, des magasins d’Érard, quelque beau piano tout neuf, chef-d’œuvre sonore de l’habile facteur ? […] Ce qui vous prouve que les chefs-d’œuvre ne portent jamais malheur à personne, et qu’une belle jeune fille n’est jamais perdue quand elle a, pour ses deux parrains, Molière et Marivaux. […] Pour quitter La Critique de l’École des femmes, et pour revenir à cette comédie heureuse, L’Impromptu de Versailles qui lui sert de pendant, nous ferons une observation qui ajouterait certainement un assez grand intérêt à cette dernière comédie ; c’est qu’avec un peu d’attention vous y retrouverez, en germe, un chef-d’œuvre de Molière, et son chef-d’œuvre, peut-être, Le Misanthrope. — Molière, qui déjà rêvait à sa comédie, avait essayé ses trois comédiennes dans les petits rôles de L’Impromptu. […] La ville et la cour avaient les yeux fixés sur eux ; ils vivaient avec Molière, ils créaient avec lui ses comédies ; ils étaient les instruments immédiats de cet infatigable génie ; chaque jour leur amenait un nouveau chef-d’œuvre, une plaisanterie nouvelle, un personnage nouveau.

9. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

— Ma foi, vivent les chefs-d’œuvre de l’ancienne tragédie ! se disent tout bas les spectateurs, mais vivent les chefs-d’œuvre surtout quand ils sont arrivés à leur dernier vers ! […] Le reste (dix chefs-d’œuvre !) […] car c’était là une difficulté très grande : ajouter cinq actes à une comédie de Molière, à son chef-d’œuvre ! […] Voilà selon mon humble critique, tout le grand secret de ce chef-d’œuvre.

10. (1843) Épître à Molière, qui a obtenu, au jugement de l’Académie française, une médaille d’or, dans le concours de la poésie de 1843 pp. 4-15

Portant avec terreur un douloureux regard Sur tes chefs-d’œuvre ; exemple et désespoir de l’art, Victime de la haine et de la calomnie, Peut-être as-tu douté de ton propre génie. […] Ô d’un vaste chef-d’œuvre aspect harmonieux ! […] L’autre qui maintenant, chef-d’œuvre somptueux, Élève vers le ciel son front majestueux, Par l’injure des ans dépouillé de son lustre, Un jour ne sera plus qu’une poussière illustre.

11. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

Le charme eut assez de durée pour donner place, pendant les dernières années de la jeunesse de Louis XIV et les premières années de sa maturité, à une période unique dans notre histoire, temps de fêtes splendides, de victoires décisives, de conquêtes légitimes, de prospérité inouïe sans mélange de revers, de soumission sans contrainte, de chefs-d’œuvre d’éloquence et de poésie. […] Au premier rang, dans ce cortège de grands écrivains qui inaugurent par des chefs-d’œuvre le règne personnel de Louis XIV qui les inspire et qui les protège, nous rencontrons d’abord Molière, qui obtint toutes les franchises du génie sous la royauté absolue. […] Ce chef-d’œuvre de la scène comique est-il un attentat contre la piété ou un acte loyal de bon sens, de courage, de prudence sociale, accompli avec génie ? […] Sans contredit, si la matière était d’égale importance, cette admirable comédie pourrait sans désavantage disputer le prix à ces deux chefs-d’œuvre, entre lesquels hésite l’admiration. […] Sans doute il a beaucoup dormi, et il parle du vrai dormir avec trop de passion et de reconnaissance pour qu’on ne soit pas assuré qu’il en ait souvent savouré les douceurs ; mais il est bon de s’entendre sur cette paresse si féconde en chefs-d’œuvre.

12. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

On pourrait, en passant condamnation sur cette circonstance, dire qu’au moins Molière fit l’annonce en question le lendemain de la défense, devant un public qui l’ignorait et s’était porté en foule au théâtre pour jouir à son tour du chef-d’œuvre nouveau. […] Bourdaloue, après eux tous, et lorsque le chef-d’œuvre du Tartuffe eut enfin pris possession de la scène, crut remplir un devoir de son ministère, en attaquant, dans un sermon sur l’hypocrisie, non pas cette fois l’hypocrisie elle-même, mais le motif pour lequel les indévots l’attaquent, et les inductions qu’ils tirent, contre la vraie dévotion, du vice qui en emprunte les dehors. […] Molière était mort depuis quatorze ans, et il y en avait dix-huit que son chef-d’œuvre jouissait sans opposition des suffrages du public, lorsqu’un des hommes les plus dignes d’en apprécier les beautés, entreprit d’y faire voir des défauts qu’on n’avait pas encore aperçus. […] Il le fut ensuite par Plaute, qui en fit son chef-d’œuvre, et peut-être celui de la comédie latine. […] Ce sujet indécent et merveilleux, qui choque à la fois la morale et la vraisemblance, était donné par la fable et consacré par un chef-d’œuvre de l’antiquité.

13. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Molière même, à qui Boileau reprochait d’avoir partagé son talent entre Térence et Tabarin, entre Scapin et le Misanthrope, Molière n’a rien laissé percer de Sganarelle ni de Scapin dans Le Tartuffe et Le Misanthrope, ni des beautés sérieuses de ces deux chefs-d’œuvre dans les badinages de son théâtre. […] Il existait un grand nombre de lettres de Sévigné, modèles de style épistolaire ; on en avait de son cousin Bussy-Rabutin, homme de mauvais cœur, de mauvais esprit, mais d’assez bon goût ; En morale, on avait les nobles écrits de Balzac ; En métaphysique, la méthode de Descartes ; En didactique et en polémique, les Lettres provinciales ; En critique, plusieurs bons écrits de Port Royal, la critique du Cid ; En poésie, les belles odes de Malherbe, quelques ouvrages de Racan, de Segrais, de Benserade ; les chefs-d’œuvre de Corneille, Le Cid, Les Horaces, Cinna, Polyeucte, La Mort de Pompée, Le Menteur, Rodogune. […] Ce n’étaient pas encore les chefs-d’œuvre de ces deux poètes, s’en étaient les prémices.

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