Scaramouche étant resté absent l’espace de trois années, de 1667 à 1670, sa rentrée attira un tel concours de monde que, les jours où Molière jouait, la salle était déserte ; et ce n’est que Le Bourgeois gentilhomme qui ramena le public. […] Quoique les productions sans nombre que nos théâtres voient éclore chaque année, n’offrent pas, en général, les conditions d’une longue durée, qui sait pourtant si les éléments comiques qu’elles renferment sont destinés à périr à jamais ?
On ne peut pas dire que L’Étourdi soit la première pièce qui ait annoncé en France les merveilles de la bonne comédie : Le Menteur, qui le précéda de dix années, revendique cet honneur. […] Depuis l’établissement régulier de la scène française, il s’était écoulé un grand nombre d’années, pendant lesquelles notre Muse comique s’était vouée exclusivement à l’imitation de deux théâtres étrangers.
Les écrits du temps n’indiquent pas les femmes qui faisaient partie de la société dans cette deuxième période, à la fin de laquelle la marquise avait atteint sa trente-cinquième année, et sa fille sa treizième. […] M. le Prince disait de lui : « Si Voiture était de notre condition, on ne le pourrait souffrir. » Je remarque que nous n’avons rien dit encore que de vague et de banal concernant la personne sur qui pèse aujourd’hui le ridicule de la préciosité de mœurs et de langage ; parlons un moment de ses premières années et des premières apparences de son caractère.
À la période précédente, qui comprend les dix années de 1650 à 1660, va succéder un nouvel ordre de choses dans l’état, dans les mœurs, dans les lettres. […] La Bruyère qui a publié ses Caractères en 1687, mais qui a passé vingt années à les écrire, nous dit en peu de mots quel était l’état de la langue au milieu du siècle, à l’époque des Provinciales et des écrits de Port-Royal.
Je connais des maris qui, dans toute une année, ne leur disent pas seulement une fois : Dieu te gard’ ! […] Car c’est une chose étonnante, qu’on ne veuille prendre à son service un petit laquais sans répondant ; et qu’on fasse une affaire de cette importance, où l’on voit tous les jours tant de banqueroutes, sans avoir une bonne et solvable caution 61 . » Évariste Gherardi rivalise avec Dancourt dans le croquis comique des folies, des rencontres et des aventures dont la prairie de Bezons était le théâtre le premier dimanche de septembre : à La Foire de Bezons jouée par les Français le 14 août 1695, succède, à l’Hôtel de Bourgogne, le 1er octobre de la même année, Le Retour de la Foire de Bezons ; le retour de cette fête était comme la descente de la Courtille de ce temps-là. […] Voyez les Annales de la Cour et de Paris pour les années 1697 et 1698, par Sandras de Courtilz.
On y courut en foule, et il fut joué presque une année entière.
Toujours d’après la Fameuse Comédienne, lorsque la troupe, relativement plus stable, eut pris Lyon pour quartier général, en 1653, Armande, alors âgée d’une dizaine d’années, fut retirée de chez la « dame d’un rang distingué », et, depuis, elle ne quitta plus sa famille. […] Sœur et femme de comédiens, Armande devait naturellement être comédienne ; aussi Molière s’inquiétait-il, au début d’une nouvelle année théâtrale, de lui assurer une place dans la troupe. […] Si l’on admet que le Misanthrope reflète quelque chose de l’état d’esprit du poète et de ses sentimens envers sa femme, la séparation peut être rapportée au moment où cette pièce fut jouée, c’est-à-dire en juin 1666, ou, au plus tard, vers le mois d’août de la même année, après le Médecin malgré lui. […] Vers le milieu de l’année suivante, les deux époux allèrent habiter rue de Richelieu. […] Dans les années qui suivirent sa mort, Molière n’était pas encore regardé comme le génie prodigieux que nous voyons en lui.
En sa dernière année, Molière eut de grandes inquiétudes comme il avait de grands chagrins. […] Tout est triste à la comédie en cette dernière année : le 17 février, Madeleine Béjart meurt sans pouvoir dire adieu à Molière ni à sa fille Armande, parce que ce jour-là « la troupe était à Saint-Germain pour le ballet du Roi ». […] Il était si simple de garder ce trésor dans le trésor de la Comédie française avec ce célèbre registre de La Grange : Extrait des receptes et affaires de la Comédie depuis Pasques de l’année 1659, appartenant au sieur La Grange, l’un des comédiens du roy. […] Taschereau rapporte l’aventure à l’année 167019 ; mais voilà une difficulté à l’adoption de cette date. […] Il est prouvé que Molière dans les années vagabondes de sa jeunesse aventureuse, avait fait beaucoup de vers.
Chapitre XXVIII Année 1672 (suite de la huitième période). — Molière, voyant les progrès des femmes de bonne compagnie, fait Les Femmes savantes . […] Aimé Martin ; le premier, c’est qu’en 1672, le duc de La Rochefoucauld invita madame de Sévigné à venir entendre chez lui une comédie de Molière,comédie qui ne pouvait être autre que Les Femmes savantes, publiée au mois de mai de cette année ; le second, c’est que madame de Sévigné écrit elle-même à sa fille, dans le même temps, qu’elle a ménagé au cardinal de Retz, retenu chez lui par la goutte, la lecture des Femmes savantes, par Molière, et Le Lutrin de Despréaux.
L’Académie française a mis au concours cette question : « De la nécessité de concilier dans l’histoire critique des lettres le sentiment perfectionné du goût et les principes de la tradition avec les recherches érudites dites et l’intelligence historique du génie divers des peuples » ; et, bien que les concurrents aient évidemment peu de foi dans cette nécessité, puis que, d’année en année, le prix ne se décerne point, nous ne pouvons-nous empêcher d’admirer avec joie la foi de l’Académie elle-même dans cette nécessité non douteuse ; car, voyez !