Mais il n’en est pas moins vrai que tout va de travers chez elle, Qu’on y sait comment vont lune, étoile polaire18, Vénus, Saturne et Mars dont je n’ai point affaire, Et dans ce vain savoir, qu’on va chercher si loin, On ne sait comment va mon pot, dont j’ai besoin, qu’elle dédaigne son mari, et qu’enfin, par suite de son entêtement, sa fille Henriette a failli épouser un plat intrigant. […] Aussi, quand Philinte lui remontre combien les habitudes de Célimène sont en désaccord avec les siennes, il répond naïvement : Il est vrai ; ma raison me le dit chaque jour ; Mais la raison n’est pas ce qui règle l’amour. […] Si elle éprouvait un sentiment vrai, elle ne serait plus coquette, car l’amour est exclusif. […] Il n’est rien de parfait ici-bas, pas même la femme ; c’est beaucoup lorsqu’un être créé fait luire à nos yeux quelques rayons affaiblis de la vraie perfection et de l’éternelle beauté. […] Accoutumez-la à l’application, au travail domestique, aux détails du ménage, afin qu’elle soit en état d’élever des enfants avec autorité et prudence dans la crainte de Dieu. » Ailleurs il développe sa pensée dans un passage que je rapporterai tout entier parce qu’il prête une force singulière aux observations que j’ai présentées plus haut : « Si une fille doit vivre à la campagne, de bonne heure tournez son esprit aux occupations qu’elle y doit avoir, et ne lui laissez point goûter les amusements de la ville… Si elle est d’une condition médiocre de la ville, ne lui faites point voir des gens de la cour : ce commerce ne servirait qu’à lui faire prendre un air ridicule et disproportionné… Formez son esprit pour les choses qu’elle doit faire toute sa vie ; apprenez-lui l’économie d’une maison bourgeoise, les soins qu’il faut avoir pour les revenus de la campagne, pour les rentes et pour les maisons qui sont les revenus de la ville… et enfin le détail des autres occupations d’affaires ou de commerce dans lequel vous prévoyez qu’elle devra entrer, quand elle sera mariée. » Ces occupations, c’est le vrai rôle et la dignité de la femme ; car, selon le même Fénelon « il faut un génie bien plus élevé et plus étendu pour s’instruire de tous les arts qui ont rapport à l’économie… que pour jouer, discourir sur des modes, et s’exercer à de petites gentillesses de conversation. » C’est aussi son vrai bonheur, et je ne vois pas sans regret que beaucoup de femmes soient devenues par leur faute, comme des étrangères dans leur famille, ignorantes des affaires du mari, qu’elles ne connaissent souvent que par leur ruine, une sorte d’objet de luxe qu’il entretient à grands frais, et qu’il montre, mais auquel il ne tient que par vanité.