Pour qu’il puisse désirer et vouloir se soustraire à leur joug, il faut qu’il entende la voix des sentiments moraux qui éclairent la conscience à l’égard de ces passions et qui inspirent une vive réprobation contre tout ce qu’elles suggèrent. […] Puis, un peu plus loin, il indique dans les vers suivants, débités par Don Alvar, que l’homme peut être moralement aveuglé par ses passions: « Seigneur, nos passions nous font prendre souvent pour chose véritable un objet décevant. » A ces sages paroles, le jaloux, dominé par sa passion et ne pouvant plus entendre la voix de la raison, donne une réponse qui fait comprendre combien est complet l’esclavage moral dans lequel il se trouve: «… Don Alvar, laissez-moi, je vous prie: un conseiller me choque en cette occasion, et je ne prends avis que de ma passion. […] Si l’homme doué de sentiments moraux considère comme représentant le vrai, le juste, le bien, les inspirations que ces facultés lui ont suggérées, celui dont tous les instincts sont mauvais, imparfaits, ou qui n’entend dans sa conscience que la voix de ses passions parce qu’elles y occupent momentanément la place de ses bons sentiments, prend aussi comme représentant la raison, (c’est-à-dire le vrai, le juste, le bien) les inspirations de ces mauvais instincts, et regarde comme irrationnels les sages avis qu’on lui donne, et comme fous ceux qui les lui présentent. […] Son intérêt bien entendu, qui n’est point encore paralysé par la colère, lui conseille de fuir pour ne pas être envahi par cette passion, et c’est la voix des sentiments qui inspirent cet intérêt rationnel qu’il qualifie avec justesse du nom de raison. […] Les sentiments qui l’inspirent parlent en ce moment plus haut dans son esprit que la voix de sa passion, ce qui n’avait pas lieu lorsqu’il désirait perdre son procès pour avoir le droit de haïr davantage le genre humain.