Peut-être ils nous diront que le Molière qui, dans ces pages ressuscitées, leur est offert, n’est plus celui qu’ils ont l’habitude d’entendre célébrer par la voix publique et par les juges compétents, d’accord avec elle, celui qu’eux-mêmes, pour leur compte, ont appris à connaître et à aimer, ou du moins qu’il en diffère notablement et s’en éloigne par certains traits et par l’ensemble ; que, sans être diminué, ils en conviendront sans peine, ni rabaissé, c’est là pourtant en somme, le Molière de J. […] Quelque chemin qu’aient fait nos idées, quelque loin qu’ait porté la voix de nos philosophes et de nos publicistes du xviie siècle, nos auteurs comiques sont parvenus plus loin ; j’ai lu, je ne sais où, que des voyageurs ont vu, sur les bords de la mer d’Aral, des comédiens tartares représenter une ébauche reconnaissable du Tartuffe, et, ici, je ne puis m’empêcher de me rappeler un souvenir de l’antiquité classique, le seul analogue que l’on trouve dans l’histoire des lettres, ces soldats de Crassus, prisonniers des Parthes, qui virent représenter, avec un appareil sauvage, au milieu des montagnes d’Arménie, une tragédie d’Euripide. […] Mais pour ces philosophes sans respect dont la voix indiscrète osait porter jusqu’à mon trône d’impertinents conseils ; pour ces discoureurs opiniâtres qui me troublaient à tout propos de je ne sais quels rêves sur l’ancienne liberté des Grecs et des Macédoniens et sur la dignité d’homme… CÉSAR Je sais, Alexandre, tu les mettais en cage.