Dom Pèdre, c’est le nom du mari, plus sot encore que sa femme, voulut voir jusqu’où pouvait aller sa simplicité ; il se mit dans une chaise, la fit tenir debout, et lui dit : « Vous êtes ma femme, dont j’espère que j’aurai sujet de louer Dieu tant que nous vivrons ensemble ; mettez-vous bien dans l’esprit ce que je vais vous dire, et l’observez exactement tant que vous vivrez, de peur d’offenser Dieu, et de me déplaire. » À toutes ces paroles dorées, Laure faisait des révérences, à propos ou non, et regardait son mari entre deux yeux ; celui-ci, satisfait de la trouver encore plus simple qu’il n’eût osé l’espérer, tira de l’armoire une armure, en couvrit l’idiote, et lui ayant mis une lance à la main, lui dit que le devoir des femmes mariées était de veiller leurs maris pendant leur sommeil, armées de toutes pièces comme elle. […] Nous serons de ce dernier sentiment, si nous ne consultons que la marche du cœur humain, et si nous nous rapprochons du temps où le prince, si digne à tous égards que son règne fût celui du génie, permettait que La Fontaine vécût aux dépens de ses amis, pour avoir dit : Notre ennemi, c’est notre maître, Je vous le dis en bon français. […] Le reproche l’a vivement frappé ; il s’est recueilli un instant, et par là, il a motivé sa sortie précipitée, lorsque, poussé à bout par la soubrette, et craignant de s’emporter encore, il s’écrie : Vous avez là, ma fille, une peste avec vous, Avec qui, sans péché, je ne saurais plus vivre ! […] Enfin, Harpagon se montre plus avare qu’Euclion, en voulant se mettre en dépense pour faire écrire en lettres d’or, sur la cheminée de sa salle à manger, cette sentence qui l’a charmé : Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger ; en souhaitant que Valère eût laissé noyer Élise, plutôt que d’avoir dérobé sa chère cassette. […] Cotin a fini ses jours, Trissotin vivra toujours.