Séparés du monde entier, les habitants d’une petite ville n’étaient pas même réunis entre eux ; nul commerce, nul mélange entre les différentes classes de la société. […] Peut-on se figurer l’importance qu’avait, aux yeux des autres et à ses propres yeux, l’habitant d’une petite ville de quinze cents ou de deux mille âmes, qui, seul de ses concitoyens, avait vu la Seine et le Louvre, les Tuileries et la Place-Royale, qui peut-être même avait aperçu le Roi allant à sa chapelle, ou montant dans son carrosse ? […] Mais comment qualifierait-on l’audace de Thierry et de Barbin, deux libraires considérables de Paris, qui, deux ans seulement après la première représentation du Malade imaginaire, et quand cette comédie faisait encore courir toute la ville au théâtre, n’auraient pas craint de l’offrir aux lecteurs toute différente de ce qu’ils l’auraient pu voir la veille comme spectateurs ? […] Il n’est comte danois, ni baron allemand, Qui n’ait à ses repas un couple si charmant ; Et, dans la Croix-de-Fer (**), eux seuls en valent mille Pour faire aux étrangers l’honneur de cette ville ; Ils ne se quittent point.