Molière ne se dissimula point les dangers qu’il allait courir ; il connaissait ses ennemis, puisqu’il les avait peints ; il savait mieux que personne de quoi étaient capables les héros de son Tartuffe : il pensa bien que les fourbes, blessés au vif, allaient crier à l’esprit fort, à l’athéisme ; il les vit d’avance allumer le bûcher. […] Ce ne fut pas seulement en détestables vers que la cabale exhala sa fureur ; on vit éclore une multitude d’ouvrages, ou plutôt de libelles en vile prose contre le beau génie qui répandait un si vif éclat sur son siècle, et qui prenait une place si élevée sur le Parnasse français. […] Cette allure vive et franche, cet heureux abandon, que nous prenons pour de la négligence, sont l’empreinte du temps où il a écrit. […] Le Tartuffe de Molière est donc rajeuni et ses couleurs, loin de s’altérer par le temps, deviendront toujours plus vives et plus frappantes, parce qu’à mesure que le monde vieillit, la société se corrompt, et que l’hypocrisie des hommes sera toujours en raison de leur égoïsme et de leur perversité.