Il ressuscite la vérité morte ; il nous rend par la magie d’une langue éternellement neuve, la vie même de nos pères, si différente de la nôtre, et pourtant, si semblable : passions, travers, physionomies, grimaces ; notre sottise d’autrefois, encore si bien portante aujourd’hui, et notre esprit de toujours, le talisman de la féerie gauloise, votre esprit à vous, l’esprit français, composé de bon sens, de bonne foi, de bon cœur, l’esprit de Rabelais, d’Henri IV et de Voltaire : notre esprit historique, national, qu’on nie de temps en temps chez nous, quand c’est la mode, mais que l’étranger nous envie toujours, — ce piquant, ce charme particulier de nos femmes, qu’elles soient la reine Marguerite, Sévigné, la marquise, ou Jenny l’ouvrière, — cette gaîté robuste et en quelque sorte fatale qui force le grand Corneille à écrire le Menteur, une fois en sa vie, et Racine à interrompre Andromaque pour lancer l’éclat de rire des Plaideurs, — cette immortelle bonne humeur, enfin, qui vit de nos gloires, qui survit à nos désastres et qui, loin d’abaisser notre caractère, est le meilleur argument de notre éloquence et Tarme la plus fidèle de notre valeur. […] Parce que, enfin, sous la provocante toilette de la forme, derrière le mot qui ose, le trait qui porte, la saillie qui éclate et flambe, il y a le fond : une action forte, comprise largement, étudiée puissamment, conduite selon l’art approfondi du théâtre, selon la science exacte de la vie... […] Alors, elle cessera d’être pour nous ce fantôme qui glisse hors du réel, dans un rayon incertain; elle sera ce qu’était la fille d’Eschyle aux jours de sa jeunesse; elle aura notre sang plein ses veines, elle vivra la vie même de la patrie !