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89. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Comme il est peint le vide causé par l’absence des principes, ce vide immense que tous les vices viennent remplir ! […] Les productions vantées de quelques auteurs pleins d’affectation et d’emphase devaient blesser son goût, irriter sa verve : il composa Les Femmes savantes ; Philaminte, Bélise et Armande offrirent à la vindicte publique le pédantisme personnifié ; le bon homme Chrysale adressa les remontrances les plus vives, les plus caustiques, aux personnes du sexe qui savent tant de choses ; la scène du sonnet et du madrigal, les exclamations qu’excitent ces deux chefs-d’œuvre, les éloges exagérés et les grossières injures qu’échangent entre eux Trissotin et Vadius, enfin le plan d’académie dont la devise est devenue celle de presque toutes les coteries littéraires, Nul n’aura de l’esprit hors nous et nos amis ; ces traits incisifs et profonds ont porté le dernier coup à un vice que l’auteur avait déjà attaqué dans Les Précieuses ridicules. […] Molière n’avait voulu attaquer que d’une manière générale le vice le plus funeste à la société, mais le public d’alors s’amusa à faire des applications ; un abbé Roquette fut victime de ce besoin de personnalités. […] Lorsqu’on le voit ainsi réfléchir sur la vertu d’un pauvre, et sans doute en même temps sur les vices des grands et des riches, pourrait-on lui contester le surnom de contemplateur ?

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