Ce qui troubla tout d’abord et interrompit bientôt le succès de Don Juan, ce furent les tempêtes soulevées par le cinquième acte, où le libertin, à bout de vices, se drape dans le manteau court de Tartuffe. […] Il a voulu rendre sensible à tous la loi de progression, en quelque sorte fatale, qui, de vice en vice, conduit un jeune cavalier de distinction au comble de la perversité. Il nous montre d’abord don Juan abusant de tous les dons de la fortune et de la jeunesse, puis cherchant un odieux passe-temps dans la pratique assidue de la séduction, d’où sortent inévitablement les duels, les rapts, les parjures ; bientôt arrivent l’impiété, les sacrilèges, à leur suite l’improbité insolente et le mépris de l’autorité paternelle ; enfin, pour l’achever, survient le seul vice qui lui manquât, l’hypocrisie, qui réunit en elle seule tous les autres vices, et après laquelle il n’y a plus que la damnation. […] On conçoit ce qu’il y a de grandeur dans la peinture de cette échelle ascendante des vices, de ces degrés qu’on monte fatalement et au bout desquels est l’abîme. […] D’autres sans doute y ont ajouté des traits exquis et nouveaux ; niais c’est Molière qui le premier a fait de ce libertin, jusque-là vulgaire, quelque chose de formidable, de séduisant et de rare, en mêlant quelques gouttes de philosophie à beaucoup de vices, à beaucoup d’esprit et à beaucoup d’élégance.