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101. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Cléante ne vole point son père, c’est son valet qui commet le vol : il n’en est point complice, car il ne l’apprend que lorsqu’il est consommé, et c’est lui qui restitue la cassette à Harpagon. […] Mais, d’après le caractère donné, puisque Harpagon a un équipage et des valets, il est évident qu’il est d’une condition à ne pouvoir s’en dispenser. […] Il a des chevaux, mais ils meurent de faim ; il a des valets, mais ils ne sont ni vêtus ni nourris ; il a un intendant, mais il ne lui coûte rien, et il semble enchérir sur lui-même en épargne sordide ; il donne un repas, mais il voudrait qu’on le fît sans argent, comme il veut qu’on épouse sa fille sans dot. […] Qu’Harpagon n’ait ni maison, ni train, ni valets, ni en-fans, ni maîtresse, qu’enfermé dans l’amour de l’or et dans la crainte de le perdre, il soit inaccessible à tout autre désir, à tout autre souci, il n’aura plus cette avarice diversifiée, animée, passionnée, qui fait de lui un personnage éminemment dramatique : ce ne sera plus le sublime Harpagon, ce sera quelque ignoble pince-maille, dont l’image ne vaudra pas mieux que la figure, aussi rebutant à voir au théâtre qu’à rencontrer dans le monde.

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