J’ai quelquefois entendu des personnes blâmer cette scène et celle du quatrième acte entre les deux sœurs ; elles les trouvaient trop crues pour le théâtre et presque offensantes pour la pudeur publique. […] Et l’agaçante Dorine, cette fille suivante, que Mme Pernelle trouve Un peu trop forte en gueule et fort impertinente, et se mêlant surtout de dire son avis ; mais qui, malgré tout, est une fille d’esprit, de cœur et de sens, appréciée et écoutée de ses maîtres ; assez bien de sa personne, d’ailleurs, pour que ses appas émeuvent Tartuffe, et lui attirent de sa part cette admonestation, plus indécente mille fois que la prétendue indécence dont il affecte de se scandaliser : … Couvrez ce sein que je ne saurais voir ! […] Avec quelle fine ironie elle répond aux questions d’Orgon, qui, à son retour de la campagne, et au compte qu’elle lui rend de la santé de sa femme, ne trouve rien de mieux que de lui demander à tout moment : et Tartuffe ? […] À qui s’étonnerait, en général, de trouver chez les servantes de Molière tant d’esprit et de bon sens, notre spirituel compatriote a déjà répondu d’avance en rappelant l’exemple de cette brave Laforêt qui réunissait au meilleur des cœurs un esprit si judicieux que Molière lui soumettait ses ouvrages, de cette excellente fille qui fut pour lui une sorte d’humble Providence dont la sainte affection et le dévouement infatigable savaient le soulager dans ses souffrances physiques et le consoler dans ses douleurs morales.