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182. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

Peu semblable aux gens qui raillent en pleine santé cet art dont ils implorent le secours au premier frisson de la fièvre, Molière était un malade tristement désabusé, qui n’avait plus de confiance que dans la nature, et ne trouvait plus la médecine bonne à autre chose qu’à divertir le public. […] Cependant il aime tendrement sa fille ; il perd la tête de douleur en apprenant qu’elle est malade : mais il s’aime encore plus lui-même ; il trouve ridicule de se priver d’une partie de ses biens et des soins d’une enfant chérie, en faveur d’un étranger ; et rien ne lui semble plus tyrannique que cette coutume où l’on veut assujettir les pères . […] Vivant avec les beaux esprits de l’hôtel de Rambouillet, je ne pense pas qu’il poussât la franchise jusqu’à leur dire brutalement que leurs vers étaient détestables (je suppose qu’il avait du goût, et qu’il les trouvait souvent tels). […] Le duc de Saint-Aignan le plaisantait un jour sur cette ressemblance qu’on s’obstinait à trouver entre Alceste et lui : Ne voyez-vous pas, mon cher duc, lui répondit-il, que le ridicule du poète de qualité vous désigne encore mieux ? […] Je ne crains pas de l’affirmer : dans une fable différemment ourdie, trois des plus grandes scènes du Misanthrope n’auraient pu trouver place, je veux dire la scène du sonnet, celle du cercle, et enfin la dispute entre Célimène et Arsinoé ; en d’autres termes, nous n’aurions pas Le Misanthrope.

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