Et qu’on ne dise pas que Molière s’est laissé aller à cette indulgence dans les débuts de sa carrière, aveuglé par l’exemple de ses prédécesseurs et de ses contemporains, entraîné par la nécessité de nourrir sa troupe et de faire rire à tout prix : c’est en 1669, quand il a donné le Misanthrope, le Tartuffe, l’Avare, après Amphitryon, que l’imitation antique peut excuser un peu ; c’est enfin quand il est maître et roi de la scène, qu’il joue devant le roi la désopilante farce de M. de Pourceaugnac, chef-d’œuvre comique où, par malheur, les deux personnages intéressants, spirituels, actifs, les deux chevilles ouvrières de la pièce, sont la Nérine et le Sbrigani, qui se font réciproquement sur la scène cette apologie digne des cours d’assises : NÉRINE Voilà un illustre. […] Dans toute la suite de la pièce, le ridicule excellent dont est couvert M. de Pourceaugnac fait qu’aux yeux du spectateur Sbrigani a raison, toujours raison, dans toutes les entreprises de son infâme industrie ; et, à la fin, on est si bien pris au charme de cette joyeuse corruption, qu’on entend sans indignation chanter par toute la troupe : Ne songeons qu’à nous réjouir : La grande affaire est le plaisir257 !