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12. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

Le nom du Libraire qui débite ce petit Ouvrage, m’a fait soupçonner qu’une plume accoutumée depuis longtemps au travail, aurait voulu à mes dépens, procurer quelque petit profit à son Libraire, sous le nom de Molière, qui rappelle assez son Lecteur : Mais le style de la Critique est aisé ; il n’est point raboteux ; je n’y reconnais point l’Auteur qui m’avait d’abord causé des soupçons. […] Je dis plus, je me suis imaginé que son Ouvrage n’est qu’un ramassis des différents sentiments que l’on a répandus sur mon travail ; si tout était parti de son génie, il y aurait peut-être plus d’ordre, et moins de contradiction dans sa Critique. […] Mais je lui déclare que Baron n’a pas plus de part à mon travail que plusieurs autres personnes dignes de foi, qui m’ont fourni des mémoires. […] Monsieur le Prince défunt, qui l’envoyait chercher souvent pour s’entretenir avec lui, en présence des personnes qui me l’ont rapporté, lui dit un jour : Écoutez, Molière, je vous fais venir peut-être trop souvent, je crains de vous distraire de votre travail ; ainsi je ne vous enverrai plus chercher, parce que je sais la complaisance que vous auriez pour moi ; mais je vous prie à toutes vos heures vides de me venir trouver ; faites-vous annoncer par un Valet-de-Chambre, je quitterai tout pour être avec vous. […] Mais je me flatte, sans trop présumer de mon Ouvrage, que puisque le Public a daigné souffrir et agréer mon travail, qu’il prendra ma défense : Non que je présume absolument avoir bien travaillé : mais mon Livre n’est point ce me semble, aussi méprisable que mon Censeur le représente.

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