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81. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Sur ce point, l’auteur de Zélinde nous renseigne encore : « A peine les personnes dont je vous viens de parler étoient-elles sorties, que j’ai ouï la voix d’un homme qui crioit à son cocher d’arrêter, et le maître, qui paraissoit un homme de robe », a crié à Elomire : « Il faut que vous veniez aujourd’hui dîner avec moi ; il y a bien à profiter : je traite trois ou quatre turlupins, et je suis assuré que vous ne vous en retournerez pas sans remporter des sujets pour deux ou trois comédies. » Elomire est monté en carrosse sans se faire prier. […] Un renseignement donné par de Visé montre qu’il aimait à recevoir et qu’il recevait bien : s’il acceptait volontiers à dîner chez les gens du bel air pour les observer à loisir, « il rendait tous les repas qu’il recevait. » Traiter des grands seigneurs lui eût été impossible sans un train de maison luxueux ; il avait donc mis la sienne sur un grand pied, grâce aux profits de son théâtre. […] Vous me devez ces biens, ingrats, dénaturés, Mon esprit et mes soins vous les ont procurés, Et, lâches, toutefois, loin de le reconnaître, En valets révoltés vous traitez votre maître, Vous le voulez contraindre à suivre vos avis, Et vous ne seriez plus s’il les avait suivis ! […] Car ce n’est point là exception unique : Shakspeare, poète-comédien, lui aussi, traitait ses pièces, une fois jouées, avec une telle négligence que leur publication, leur chronologie, leur authenticité même, sont autant de problèmes à peu près insolubles.

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