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18. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Sans doute on ne peut pas plus comparer La Bruyère à Molière qu’on ne compare le talent de peindre les caractères à celui de les faire agir et de faire sortir leurs traits de la situation où l’art sait les placer ; mais, supérieur à Molière par l’étendue, la profondeur, la diversité, la sagacité, la moralité de ses observations, il est son émule dans l’art d’écrire et de décrire, et son talent de peindre est si parfait, qu’il n’a pas besoin de comédiens pour vous imprimer dans l’esprit la figure et le mouvement de ses personnages. […] Ce duc avait dit en conversation, à l’occasion de Chapelain et de Cottin, bafoués par Boileau, qu’il faudrait envoyer les poètes satiriques rimer dans la rivière ; et Boileau avait parodié, en 1667, ce trait d’humeur de Montausier. […] Madame de Sévigné, capable d’écrire et qui a écrit des phrases dignes de Racine par leur tendresse et leur pathétique, était assurément aussi capable que La Harpe d’apprécier les beaux traits de cet admirable poêle. […] Mais qu’est-il nécessaire de tant discourir pour prouver que madame de Sévigné n’était en butte aux traits ni de la comédie, ni de la satire des grands poètes du temps ? […] Soyons certains que quand madame de Sévigné ménageait à son ami le cardinal de Retz la lecture de la sa lire de Boileau, elle en avait d’avance la clef, et savait à qui le poète consentait (tout au moins) qu’on appliquât les traits de sa satire.

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