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131. (1900) Molière pp. -283

Comment expliquer encore que sa première idée ait été aussi d’exécuter une charge à fond de train sur les comédiens de l’hôtel de Bourgogne, qui était le théâtre Français par excellence dans ce temps, et possédait le privilège exclusif de jouer les belles tragédies de Corneille ? […] Quelque chemin qu’aient fait nos idées, quelque loin qu’ait porté la voix de nos philosophes et de nos publicistes du xviie siècle, nos auteurs comiques sont parvenus plus loin ; j’ai lu, je ne sais où, que des voyageurs ont vu, sur les bords de la mer d’Aral, des comédiens tartares représenter une ébauche reconnaissable du Tartuffe, et, ici, je ne puis m’empêcher de me rappeler un souvenir de l’antiquité classique, le seul analogue que l’on trouve dans l’histoire des lettres, ces soldats de Crassus, prisonniers des Parthes, qui virent représenter, avec un appareil sauvage, au milieu des montagnes d’Arménie, une tragédie d’Euripide. […] La tragédie nous fournit quelques lumières indirectes ; mais de la façon qu’elle a été conçue en France, peignant les passions sous leurs traits les plus généraux, choisissant ses héros dans l’antiquité la plus reculée, et, alors même qu’elle ne se prive point de les faire parler à la moderne, réduite cependant par la nécessité de respecter son sujet à ne point souffrir une invasion trop manifeste et trop entière du moderne dans l’antique, vivant d’ailleurs par nature dans un monde de personnages et de sentiments idéaux, astreinte, à ce titre, à des traditions rigoureuses et à des vertus de convention que les dernières années du xviiie  siècle ont à peine osé atteindre, elle a bien pu recevoir l’empreinte du changement des idées de Corneille à Racine, de Racine à Voltaire et à M.

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