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99. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Le Roman comique ne nous donne que la caricature de ces bons bourgeois accueillant des comédiens de passage ; le même tableau est indiqué d’une touche plus vraie par le biographe du bailli-académicien. […] Il n’est, cependant, pas trop élevé, si l’on considère qu’il touchait quatre parts à son théâtre, parfois même jusqu’à cinq ; or, dans les bonnes années, une part dans la troupe du Palais-Royal allait de 4, 000 à 5, 500 livres. […] Je viens, pour un simple lettré, de « toucher une étrange matière. » Les aliénistes reconnaissent eux-mêmes, et nous prouvent à l’occasion, qu’il est souvent malaisé de constater sur un vivant certains états d’esprit ; à plus forte raison est-il dangereux à un profane, sans autres moyens d’information que des rapprochemens littéraires et un pamphlet, de mener à bien pareille enquête sur un homme mort depuis plus de deux siècles. […] En revanche, on ne peut méconnaître que, n’étant dupe d’aucune convention, en un siècle qui en comptait tant et de toutes sortes, ne laissant rien empiéter sur son libre jugement, il a déployé un courage, une vigueur d’attaque, une franchise d’observation, que plus de respect lui eût interdits ; qu’il a touché, par cela même, à quelques-uns de ces grands objets de discussion que l’on n’aborde guère aux époques de paix sociale, et que, sans les pièces où il les aborde, il manquerait quelque chose d’essentiel à son œuvre, comme à celle de son temps.

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