L’opinion d’un homme d’un esprit aussi subtil que l’était celui de Stendhal, sur un observateur profond du cœur humain, tel Molière, ne pouvait manquer d’intérêt et de curiosité pour les gens de notre génération auxquels Beyle faisait appel3 ; il nous est bon de savoir comment l’œuvre de génie peut être analysée, retouchée même, par la critique de talent. […] Stendhal aurait pu avoir le génie ; il n’eut que le talent qui y confine presque dans certaines circonstances ; il est resté incompris de beaucoup, parce que observateur méticuleux, hardi novateur, il a chevauché aussi bien sur le xviiie que sur le xixe siècle ; Français autant qu’italien, classique quoique romantique, involontairement ménageant, si je puis m’exprimer ainsi, la chèvre et le chou, tenu par suite pour un extrême par les anciens comme par les modernes, cordialement détesté par les uns, admiré à outrance par les autres, tel est le Stendhal du public : il reste cependant à étudier un Stendhal moyen, type curieux de bourgeois entiché de noblesse, généreux, mais besogneux, source inépuisable de formules nouvelles en même temps que collectionneur des pensées d’autrui (la musique notamment), écrivain profond, mais sans forme (en quoi il se rapproche de Balzac). […] Je suis beaucoup allé aux Français : Mars est toujours divine, mais pour le reste et même pour Fleury je me demande s’il a été bon et si son talent n’est point une illusion de notre brillante jeunesse. […] Il y a infiniment plus de talent et de verve. […] Eleury et M lle Mars font au théâtre le destin des pièces auxquelles ils attachent leur talent.