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192. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Or il n’y a rien comme craindre de ne pas ressembler à tout le monde qui soit contraire à la vraie morale qui consiste précisément à vouloir être meilleur que les autres et à vouloir entraîner les autres à sa suite. […] Un regard de pitié jeté sur les turbulents et un regard au ciel comme pour implorer grâce pour eux, serait très bien ; ce serait pour l’assistance, ce serait dans le rôle ; mais la méditation intérieure, où il se félicite d’être meilleur que d’autres, ne fait rien pour le rôle et suppose une vie intérieure ; or il n’a pas de vie intérieure et il joue toujours un personnage : « Il évite une église déserte et solitaire, où il pourrait entendre deux messes de suite, le sermon, vêpres et compiles, tout cela entre Dieu et lui et sans que personne lui en sût gré : il aime la paroisse ; il fréquente les temples où se fait un grand concours ; on n’y manque point son coup, on y est vu. […] Pour moi, qui ne veux un mari que pour l’aimer véritablement et qui prétends en faire tout rattachement de ma vie, je vous avoue que j’y cherche quelque précaution[…] », elle dira : Les suites de ce mot, quand je les envisage, Me font voir un mari, des enfants, un ménage ; Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner, Qui blesse la pensée et fasse frissonner. […] Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire, Que d’attacher à soi, par le titre d’époux, Un homme qui vous aime et soit aimé de vous ; Et de cette union, de tendresse suivie, Se faire les douceurs d’une innocente vie ?

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