Mais ce n’était pas seulement dans la protection du roi que le poète comique avait cherché des garanties ; il avait dans le public un autre maître qu’il fallait se rendre favorable ; avec ce coup d’œil sur qui embrassait tout, il s’était convaincu que l’appui du prince ne suffisait pas au succès d’une entreprise si hardie ; il avait fait de son temps une étude assez profonde pour juger qu’il est des obstacles dont ne peut triompher le pouvoir le plus absolu, et que dans de graves circonstances les affections ou les goûts du monarque doivent céder à sa politique, parce que le seul moyen de dominer l’opinion, c’est presque toujours d’en respecter les scrupules. […] Il ne suffit pas à l’implacable dévot d’appeler sur Molière la colère du pouvoir et la vengeance du ciel ; il cite avec complaisance d’anciens supplices et semble les trouver encore trop doux ; il parle de cet auteur comique que Théodose avait condamné aux bêtes féroces. […] Les arrêts de Boileau faisaient loi au Parnasse ; et la seule autorité de sa raison suffisait pour mettre au néant cette nuée de méchants rimeurs, véritables insectes qui bourdonnent autour du talent, et qui réussissent trop souvent à le décourager. […] Bret, triste auteur comique, qui n’était pas de force à commenter Molière, prétend que, le poète se trouvant un jour chez le légat avec plusieurs dévots, un marchand de truffes s’y présenta, et que le parfum qu’elles exhalaient suffit pour enflammer les physionomies béates et contrites des courtisans de son éminence : Tartufoli, signor nunzio, tartufoli, s’écriaient-ils en lui présentant les plus belles.