Le pere qui apprehendoit que ce plaisir ne dissipât son fils, & ne lui ôtât toute l’attention qu’il devoit à son métier, demanda un jour à ce bon homme, pourquoi il menoit si souvent son petit-fils au Spectacle ? […] Le Prince de Conti lui confia la conduite des plaisirs & des spectacles qu’il donnoit à la Province ; & ayant remarqué en peu de tems toutes les bonnes qualitez de Moliere, son estime pour lui alla si loin, qu’il voulut le faire son Secretaire, mais celui-ci aimoit l’indépendance ; & il étoit si rempli du dessein de faire valoir les talens qu’il se connoissoit, qu’il pria Monsieur le Prince de Conti de lui laisser continuer la Comédie, & la place qu’on lui proposoit fut donnée à M. […] Ses amis le blâmerent de n’avoir pas accepté un Emploi aussi avantageux : Hé, Messieurs, leur dit-il, ne nous deplaçons jamais, je suis un passable Auteur, si j’en crois la voix publique ; je puis être un fort mauvais Secretaire ; je divertis le Prince par les Spectacles que je lui donne, je le rebuterois par un travail serieux & mal conduit : & pensez-vous d’ailleurs, ajouta-t’il, qu’un Misantrope comme moi, capricieux si vous voulez, soit propre près d’un Grand ; je n’ai pas les sentimens assez flexibles pour la domesticité : mais plus que tout cela, que deviendront ces pauvres gens que j’ai amenez de si loin ? […] Le Roi content de Moliere & des Spectacles qu’il faisoit representer par sa Troupe, en fit ses Comédiens, & leur accorda une pension de sept mille livres. […] D’ailleurs dans les Spectacles n’est-il pas juste de donner quelque chose au Peuple & aux personnes qui ne se piquent point de bel esprit ?