Que sa conduite soulève l’indignation, et que les pleurs de son amante trompée attendrissent jusqu’à son valet38 ; que sa lâcheté hypocrite39 cause même assez d’horreur pour qu’on voie avec soulagement la foudre tomber enfin sur ce monstre40, cela n’est point discutable, et fait à première vue affirmer que ce spectacle est moral41. […] Il est déjà très corrompu au commencement du premier acte ; et pourtant, à mesure que le drame se développe, on voit sa corruption croître tellement, qu’il est impossible que ce spectacle ne fasse pas réfléchir à celte mystérieuse vérité morale, qu’une chaîne indissoluble lie tous les vices, et force presque nécessairement à rouler jusqu’en bas celui qui a commencé à descendre cette pente, insensible d’abord, qui devient un précipice à la fin : Dans le crime il suffit qu’une fois on débute : Une chute toujours attire une autre chute ; L’honneur est comme une île escarpée et sans bords : On n’y peut plus rentrer dès qu’on en est dehors43. […] Il y a sans doute une influence utile dans le spectacle de ce suicide moral. […] C’est encore au point de vue de l’influence du vice qu’on doit étudier l’Avare 92, moins pour la banale vérité qu’il ne faut pas trop aimer les écus, que pour le spectacle de toutes les conséquences que traîne avec soi cette passion sordide. […] Ce n’était point l’opinion du sieur de Rochemont (Observations sur une comédie de Molière intitulée le Festin de Pierre, Paris, 1665), ni celle du prince de Conti (Traité de la Comédie et des Spectacles selon la tradition de l’Église, Paris, 1667), ni celle de A.