Nous sommes pris de pitié en entendant Agnès reprocher à Arnolphe (au moment où il ose lui rappeler les soins qu’il prit d’élever son enfance) cette ignorance dont elle souffre et qui lui pèse sur le cœur : Vous avez là-dedans bien opéré vraiment Et m’avez fait de tout instruire joliment ! […] Chaque jour elle souffre davantage de le voir prendre place à la table de famille où sa dupe lui sert les meilleurs morceaux. […] Et Dorine qui a vu Elmire souffrir, Tartuffe manger, dormir et boire, s’étonne et s’indigne de trouver son maître si indifférent à l’égard de sa femme. […] Est-il rien de plus pénible pour un père, par exemple, que de n’être pas aimé des siens, de souffrir leur mépris, d’être raillé, sinon ostensiblement, du moins en cachette, par ses valets, de ne point mériter l’estime des honnêtes gens ? […] Il savait bien que la pure vertu n’est pas de ce monde, le poète qui, dans la préface du Tartuffe, écrivit : « Je ne sais s’il n’est pas mieux de travailler à rectifier et à adoucir les passions des hommes que de vouloir les retrancher entièrement. » Molière souffrait de cette nécessité d’accommoder avec la médiocrité humaine cette pensée pure qui se trouve chez les meilleurs d’entre nous et les emporte vers le juste, le beau, le vrai.