Dom Pèdre, c’est le nom du mari, plus sot encore que sa femme, voulut voir jusqu’où pouvait aller sa simplicité ; il se mit dans une chaise, la fit tenir debout, et lui dit : « Vous êtes ma femme, dont j’espère que j’aurai sujet de louer Dieu tant que nous vivrons ensemble ; mettez-vous bien dans l’esprit ce que je vais vous dire, et l’observez exactement tant que vous vivrez, de peur d’offenser Dieu, et de me déplaire. » À toutes ces paroles dorées, Laure faisait des révérences, à propos ou non, et regardait son mari entre deux yeux ; celui-ci, satisfait de la trouver encore plus simple qu’il n’eût osé l’espérer, tira de l’armoire une armure, en couvrit l’idiote, et lui ayant mis une lance à la main, lui dit que le devoir des femmes mariées était de veiller leurs maris pendant leur sommeil, armées de toutes pièces comme elle. […] « Le mépris des sots, disait-il souvent, est une pilule qu’on peut bien avaler, mais qu’on ne peut mâcher sans faire la grimace. » L’Impromptu de Versailles. […] Molière, après nous avoir dit, dans L’École des maris, en parlant des mauvais procédés de ces messieurs : Et l’aigreur de la dame, à ces sortes d’outrages, Dont la plaint doucement le complaisant témoin, Est un champ à pousser les choses assez loin, ne pouvait nous présenter un époux assez sot pour croire, qu’en maltraitant sa femme, il écarterait les soupirants. […] On ne peut douter encore que Molière n’ait pris, dans la seconde nouvelle, les divers caractères de ses personnages ; la sotte vanité de George Dandin, la morgue de monsieur de Sotenville, l’affectation de madame de Sotenville à soutenir qu’une femme, à qui elle a donné le jour, ne peut trahir son devoir, et le dédain offensant d’Angélique pour son époux ; par conséquent, la morale de la pièce, oui, la morale, il est peu de comédies, je pense, qui en présentent une plus utile à l’humanité. […] Il avait en même temps la dignité, le sérieux et l’air d’ironie nécessaires pour représenter un grand personnage, pour en imposer à un sot, et pour rappeler sans cesse au public qu’il était témoin d’une mystification.