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79. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

Connaissant tout l’avantage de l’attaque sur la défense, il songe moins à parer les coups de ses ennemis qu’à leur en porter lui-même ; il ne perd pas le temps à prouver froidement qu’ils ont eu tort en le critiquant, il fait voir qu’ils ne pouvaient avoir raison, tant leur esprit est faux, bizarre, inconséquent et rempli d’absurdes préventions ; ils ont voulu chasser L’École des femmes du théâtre, il les y traduit eux-mêmes ; ils n’ont pas voulu rire à cette pièce, il fait rire d’eux, en les peignant au naturel : ce n’est pas la vengeance d’un auteur entêté de son mérite et qui veut en convaincre les autres ; c’est celle d’un artiste, d’un homme de génie, qui peint gaiement ses ennemis ou plutôt ceux de son art, et qui pense que le meilleur argument en faveur de son talent méconnu est d’en donner une nouvelle preuve. […] Les comédiens de l’hôtel de Bourgogne, moins piqués de quelques traits qu’il avait lancés contre eux, que jaloux des succès toujours croissants du théâtre dont il était le fondateur et le soutien, cherchèrent un champion capable de bien servir leur ressentiment ; et ils crurent l’avoir trouvé dans Boursault, auteur encore obscur de quelques mauvaises comédies, à qui Molière n’avait peut-être jamais songé, mais qu’une des plus perfides suggestions de l’amour-propre avait porté à se reconnaître dans le personnage de Lysidas. […] Ce n’est pas non plus de la bouffonnerie sans agrément, ni même sans utilité, que cette autre scène où Pancrace, furieux qu’on ait osé, à propos de chapeau, prendre la forme pour la figure, expose naïvement à la risée publique les inintelligibles absurdités du moderne péripatétisme, dont beaucoup d’esprits étaient encore infatués au point que l’Université songeait à solliciter un arrêt contre ceux qui enseigneraient une doctrine contraire à celle d’Aristote, et que, plusieurs années après Le Mariage forcé, le pédantisme aurait remporté cette victoire sur la raison, sans l’Arrêt burlesque, de Boileau, à qui il fut donné d’achever l’ouvrage commencé par Molière.

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