Molière s’avisa donc un jour qu’Armande Béjart, sœur de sa camarade et amie Madeleine, pouvait devenir sa femme. […] Sœur et femme de comédiens, Armande devait naturellement être comédienne ; aussi Molière s’inquiétait-il, au début d’une nouvelle année théâtrale, de lui assurer une place dans la troupe. […] Il n’y a, malheureusement, que Robinet pour nous dire l’impression qu’elle produisait, et, cependant, quelque chose de cette impression nous arrive à travers la burlesque poésie du pauvre rimeur : il compare ses attraits au javelot infaillible de Céphale, « elle est merveilleuse, elle joue divinement, elle fait courir les gens à tas. » Enfin, on entrevoit la splendeur de ses costumes dans la sèche description du notaire qui inventoria « les habits pour la représentation de Psyché : en tout cinq costumes, un par acte. » Il n’est pas sûr qu’elle ait été l’Hyacinthe assez insignifiante des Fourberies de Scapin ; dans la Comtesse d’Escarbagnas, elle ne parut certainement pas : au contraire de sa sœur Madeleine, qui, dans toute sa carrière, jouait tous les rôles, les plus modestes comme les plus importuns, elle agissait en étoile, dédaignant ceux où elle n’aurait fait que rendre service au théâtre, sans profit pour son amour-propre. […] Depuis ce moment ils ne se virent plus qu’au théâtre, Armande restant à Paris avec sa mère et ses sœurs, Molière passant ses rares loisirs dans une petite maison de campagne qu’il avait louée à Auteuil.