Mais, pendant près de quatre années, l’observateur, le peintre fidèle des vices et des ridicules de la société n’avait, pour ainsi dire, rien fait pour son art ni pour sa gloire. […] Molière, qui n’avait encore mis au théâtre que les mœurs franches et comiques de la bourgeoisie de son temps, y porta, pour la première fois, dans Le Misanthrope, les mœurs plus élégantes, mais moins dramatiques, de la haute société. […] Il est égoïste, car il ne s’emporte jamais plus violemment contre les vices des hommes et les abus de la société, que lorsqu’il en est personnellement victime. […] Molière, voulant ouvrir un champ vaste et fertile à la satire des vices et des ridicules, élargit, pour ainsi dire, la scène jusque-là resserrée de manière à ne permettre que le développement de quelque travers particulier, y transporta, non plus une famille, une coterie, mais la société presque entière, et plaça, au milieu de cette foule de personnages, un censeur de leurs défauts, atteint lui-même d’une manie sauvage qui l’expose justement à la risée de ceux mêmes dont il condamne légitimement la’ conduite et les discours. […] Ce n’était pas assez toutefois d’un tableau complet de la société vue sous deux aspects différents, montrée dans ce qu’elle a d’odieux et dans ce qu’elle a de risible : il fallait que cette peinture fût un drame, c’est-à-dire une action capable d’exciter quelque intérêt.