/ 168
140. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Les Précieuses ridicules s’en prenaient aux ridicules de la société, et plus tard, lorsque Molière était à l’apogée de sa gloire, dans les Femmes savantes, il a tracé, grâce aux contrastes comiques, les véritables devoirs de la femme ; il la veut simple, modeste., bienveillante, instruite, mais ayant à l’occasion l’art d’ignorer les choses qu’elle sait, ne fût-ce que pour empêcher la contradiction de faire grimacer sa charmante figure ; il lui reconnaît l’empire de la faiblesse et de la grâce ; il exige, en un mot, qu’elle soit telle que la nature l’a créée, faite pour les douceurs du foyer domestique, et non pas pour aller mêler sa voix aux disputes du monde, et briller dans les bureaux d’esprit; qu’elle rende la vie aimable et heureuse à ceux qui l’entourent ; qu’elle élève avec soin ses enfants;  qu’elle soit fidèle à son mari, si cela se peut. […] C’est un homme qui n’a rien à perdre ; et les comédiens ne me l’ont déchaîné que pour m’engager à une sotte guerre, et me détourner par cet artifice des autres ouvrages que j’ai à faire; et cependant vous êtes assez simples pour donner dans ce panneau. » Ces quelques lignes valent mieux que la comédie tout entière du Portrait du Peintre. […] L’insatiable Montespan, cette Cléopâtre au petit pied, qui aurait volontiers fait dissoudre dans la coupe de ses orgies tous les diamants de la couronne ; la frivole Fontanges, qui, avec un simple ruban tombé dans une chasse, et rattaché négligemment sur le front, créait une mode qu’on suit encore; l’hypocrite Maintenon, dont l’âme avide de pouvoir soutenait ses intérêts par le secours de la religion et laissait persécuter les protestants: toutes ces femmes, les premières en titre, n’ont plus de charme; elles jettent sur le château de Versailles un éclat vif et brillant, éblouissant, il est vrai, mais qui ne vaut pas cette timide lumière que La Vallière y répandit comme une douce étoile, l’étoile de Louis XIV.     […] Il en est de même dans la vie; nous croyons les hommes de génie et même quelquefois les simples particuliers qui nous entourent baptisés par une volonté supérieure ; nous sommes sur le point d’attribuer à l’antique destin cet accord qui existe à nos yeux entre le caractère et le nom et de dire : c’était écrit !

/ 168