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84. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Qu’il s’agisse d’un père égoïste qui veut marier sa fille contre son gré ; d’un tuteur égoïste qui prétend s’imposer comme époux à sa pupille ; d’un médecin qui fait périr dans les règles ses malades à grand renfort de purges et de saignées ; d’un dévot qui subordonne aux devoirs envers le ciel les sentiments humains et sympathiques, Molière n’a qu’un cri : « Vous offensez la nature. » Dans un siècle où la discipline catholique tendait à régir toutes les consciences, où le dogmatisme, la casuistique, le formalisme, la prétendue tradition encombraient toutes les branches de la science, opprimaient tous les efforts de la pensée, Molière, poursuivant l’œuvre d’une partie des écrivains du xvie  siècle et préludant à celle des philosophes du xviiie  siècle, mais conservant un sens positif de la discipline humaine qui ne se retrouvera guère que, de nos jours, chez Comte et ses disciples, défend hardiment la nature et la raison. […] Jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang, et d’autres opinions de même farine… »Là-dessus, Thomas Diafoirus tire de sa poche, pour l’offrir à Angélique, la grande thèse qu’il vient de soutenir contre les circulateurs. […] Le moraliste et le grand philosophe, comprenant l’un et l’autre la nécessité permanente d’accommoder, avec l’opinion humaine qui évolue, l’appréciation des actes des hommes qui se répètent en somme à travers les siècles sans grand changement, remettent aux meilleurs de nos contemporains le soin de juger de notre conduite.

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